Un détail qui change tout

 

Les chats sont comme les bonnes femmes : ils n'ont aucun sens de l'humour. Mais eux, ce n'est pas grave, on ne les a pas épousés.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Délit d'initié

 

Le coup de soleil reçu par son ami inquiétait Mitterrand. Il fallait à tout prix éviter que le crâne de Roger-Patrice pelât — ou plutôt ne pelât. Sinon, Dieu sait ce qui pourrait arriver, il était capable de mettre tout le monde dans le bain. Le président envoya Joxe acheter de la pommade.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Projet mallarméen avorté

 

Un jour qu'il était gonflé à bloc, le poëte Mallarmé conçut l'ambitieux projet de « donner un sens plus pur aux mots de la tribu ». Il commença par le vocable zingibéracé qu'il définit « relatif au gingembre ». Il s'attaqua ensuite à lagéniforme pour lequel il proposa « en forme de bouteille ». Puis il trouva que ça commençait à bien faire, cette histoire.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Crispation à la Jaccottet

 

Le type qui n'arrive à trouver ni un sens à sa vie ni une bonne femme qui vaille le coup, ce type est crispé comme l'œuvre de Jaccottet sur un fond de silence et d'indéfinissable tristesse.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Nudité de Pança

 

Sancho : Nu je suis né, nu je me trouve ; je ne perds ni ne gagne.

Don Quichotte : Tu parles d'or, ami Sancho. Tu es, pourrait-on dire, à poil de Nicosie.

Sancho : Ou de Limassol.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Bonnet rouge

 

Pour le vieux dictionnaire, Victor Hugo avait d'abord pensé à un « bob Cochonou » (d'après Sainte-Beuve) mais ça ne collait pas au niveau du nombre de pieds, ça en faisait un de trop.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Affaire Pechiney-Triangle

 

Il faisait si froid dans le bureau du juge Boizette que Roger-Patrice pela.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Déconstructionnisme

 

Lire du Derrida à Excideuil (en Dordogne), c'est s'exposer à ressentir des émotions contradictoires : on est excédé par Derrida et déridé par Excideuil (à cause de sa fontaine Bugeaud, notamment).

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Le plus grand opprobre

 

Si quelque chose est susceptible de vous dégoûter d'exister, c'est de réussir. Heureusement, pour ce qui nous concerne, le risque est nul ou caïman.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un gars sympa

 

En rentrant du lycée Condorcet, il arrivait que Mallarmé fît un petit détour pour « passer chez le Parnassien » (il rendait visite à José-Maria de Heredia, immobilisé suite à une césure à l'hémistiche).

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Signé : Bigeard

 

Sur nos cahiers d’écolier

Sur notre pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

Nous écrivons « Signé : Bigeard ».

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Pauvre Deleuze

Tragique destinée, que celle du philosophe Deleuze. Après avoir créé tant de magnifiques concepts, le pli, le rhizome, la machine-organe, être contraint de sauter par la fenêtre parce qu'on n'arrive plus à respirer... Être enterré à Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne... Se décomposer en une myriade de molécules et de gluons... Il y a de quoi l'avoir sec.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Raison pure

 

En y regardant d'un peu près, on s'aperçoit que chez Kant, les jugements synthétiques sont le plus souvent en viscose ou en tergal. Quand on les enlève, on reçoit de menues décharges d'électricité statique (surtout quand ils sont a priori, c'est-à-dire antérieurs à l'expérience).

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

La Patate fait chou blanc

 

La tentative que fit Georges Perec dit la Patate d'épuiser un lieu parisien était vouée à l'échec. On n'épuise pas un lieu parisien avec des palindromes, des lipogrammes et des bicarrés latins orthogonaux d'ordre dix. Et cette barbiche ! Seigneur, ayez pitié de nous !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Witold et l'incognoscibilité du monde

 

Pour Gombrowicz, le monde objectif n'existe pas ; il est inconnaissable comme le noumène de Kant. Cette situation lui pèse et en 1969, poussé à bout par la récalcitrance du réel, il demande à ses amis Dominique de Roux et Constantin Jeleński de lui procurer un pistolet ou du poison.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Didascalie du fatum

 

Le 17 août 2011, il apparut que l'écrivain Michel Mohrt avait un nom prédestiné.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un barbare dans le Lot

 

Sa connaissance des stalactites et des stalagmites, l'écrivain Michaux l'acquit en explorant le gouffre de Padirac (il fit la visite guidée en barque). Il poussa ensuite jusqu'à Rocamadour où il put contempler la Vierge noire et le tombeau de saint Amadour. Il était drôlement bénaise de voir toutes ces choses, ça valait le coup.

 

Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Vie dans les plis

 

Si l'on pouvait, comme l'écrivain Michaux, vivre dans les plis... Mais il faut gagner sa croûte — et dans les plis... À part peut-être boueux ?

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Pudeur mal placée

 

Une femme vous montrera plus facilement son fiacre que son appareil de Golgi. C'est à croire que les personnes du sexe ont le dictyosome honteux.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Avaries sur le Pequod

 

Dans le roman de Melville, le capitaine Achab est persécuté par une grosse baleine. Il en perd son foc, puis sa trinquette !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Madame Taine

 

L'épouse de l'historien Taine se prénommait Thérèse et non Alassa-Marie. Mais Taine trouvait en elle tout ce dont il avait besoin (exactement comme si elle se fût appelée Alassa-Marie).

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Neruda se met à table

 

Poussé dans ses retranchements par le juge Van Ruymbecke, le poëte Neruda finit par avouer qu'il avait vécu. Le magistrat lui dit que c'était du propre. Neruda promit de ne pas recommencer.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Quatre saisons en enfer

 

L'été on a trop chaud, l'hiver on a trop froid, en automne il pleut et au printemps, c'est le pompon, il faut subir les bourgeons, les fleurs et les gazouillis. Rien ne va, en ce monde de néant. On aurait préféré ne pas naître (comme Cioran).

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Air fin de Barrès

 

Et si Hume avait raison ? Si le Moi n'existait pas ? Barrès aurait l'air fin, avec son culte.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Humour pulflopien

 

Luc Pulflop dit que pour vivre, il se réfère incessamment à l'épopée de Gilgamesh, au Bardo Thödol, aux écrits de Marsile Ficin. Mais probable qu'il dit ça pour rire.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Cueillette fatale

 

Par une paisible journée d'automne, vous croyant immortel, vous cueillez des mûres dans un chemin creux lorsqu'une guêpe vous pique à la gorge. Et alors : adieu réalité empirique ! Adieu philosophie marcellienne ! Adieu, Bourboule aimée dont la tête hardie défie les hauteurs des cieux ! — Et tout ça à cause d'une saleté de guêpe ! Ô absurdité ! Ô néant !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Erreur des suicidés philosophiques

 

Pour souffrir, il faut exister. C'est le raisonnement fallacieux que se tiennent les suicidés philosophiques. Démonstrer sa fausseté est cependant un jeu d'enfant. Est-ce que nous existons ? Et pourtant...

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Vaudeville

 

Même si l'on n'aime pas le vaudeville, il ne faut pas regarder Labiche avec dédain. Il a tout de même été élu à l'Académie française (au fauteuil 15).

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Du nihilisme balnéaire

 

Le désespoir métaphysique habille bien, ce qui explique le nombre pharamineux de faux désespérés métaphysiques que l'on croise ici et là. Dans les Pyrénées-Atlantiques, surtout : à Guéthary, Anglet... Ils se déplacent à scooter.

 

 (Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)