Conseil aux ossements

 

Écoutez, ossements arides, écoutez la voix du Seigneur ! Faites comme dit Ézéchiel ! Vous allez voir, ça va vous faire du bien ! Ce n'est pas une plaisanterie !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un auteur pas lassant

 

Amoureux comme Barrès de la terre et des morts, Péguy s'était acheté un petit lopin du côté du Vésinet. Mais il n'eut pas le temps d'en profiter car il fut tué lors des premiers jours de la guerre. Il nous a laissé une œuvre magistrale qui nous aide à penser le monde moderne. En plus, ce qui est choucard quand on lit du Péguy, c'est que ce n'est pas lassant.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un romancier expéditif

 

Tolstoï n'était pas le gars à se laisser emmerder. Quand un personnage commençait à lui courir sur le haricot, il lui faisait son affaire en deux temps trois mouvements. Exemples : le prince André Bolkonsky (qui se prend un obus dans le buffet) ; la bonne femme Karénine (projetée sous un train).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un récalcitrant

 

La mort raconte qu'une fois, un type n'a pas voulu se laisser faire. Il gueulait : « Vous ne pouvez pas faire ça ! Je suis le créateur John Galliano ! » Mais elle l'a embarqué quand même.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Keats corrigé

 

Ce n'est pas tant la souffrance d'être heureux que l'ennuyance d'être heureux qui est insupportable. Le bonheur, il y a de quoi se pendre tellement c'est rasoir.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Démon de l'absurde

 

Quand il devint clair que Samuel Beckett était atteint de la maladie de Parkinson, son médecin lui annonça qu'il allait falloir être très courageux. Alors Beckett demanda : « Quand ça ? » Le médecin : « Là, maintenant. Enfin... bientôt. » Beckett : « Oh, shit. »

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Célébrités

 

Y a-t-il une seule célébrité morte dont on voudrait qu'elle fût toujours vivante ? Aucune. Y a-t-il des célébrités vivantes qu'on préférerait savoir mortes ? Toutes. Autant l'avouer, nous n'aimons pas les célébrités.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sans espoir

 

Vous pouvez démontrer par a plus b à une personne que tout ce qu'elle fait — à commencer par exister — est absurde, elle n'en continuera pas moins. Elle persistera à vivre, et tout aussi absurdement. Il vaut mieux abandonner l'affaire et la laisser se ridiculiser.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mauriac et Claudel chez Leroy-Merlin

 

« Hé ! Claudel !

— Ouais ? Ah, c'est toi ? Salut.

— Comme ça il paraît que t'as vu la Sainte Vierge ?
— Ouais.
— T'as trop de la chance.
— Ouais, je suis verni, hein ?
— Bon ben... salut.
— Ouais, salut. À plus.  »

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Maudissement de Schopenhauer et de Wagner

 

Nietzsche éprouvait à l'endroit de Wagner et de Schopenhauer une véritable haine. Il maudissait ces maîtres qui avaient perverti sa jeunesse. Mais n'est-ce pas le cas de tout homme ? Qui pense et qui sent ? Aux chiottes, Wagner ! Aux doubles-vécés, Schopenhauer ! Du balai !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Matelas-tombeau

 

C'est durant les dernières années de sa vie, quand il était paralysé sur son « matelas-tombeau », que Heinrich Heine a écrit ses poëmes les plus déchirants. Et maintenant, il y a des pots de pisse qui lisent ça pour se distraire. Ils se donnent des sensations et s'émeuvent devant le « beau » et le « sublime ». Ô monstre bipède !...

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

L'appariement, c'est pour les caves

 

Cette tendance qu'a le monstre bipède à s'apparier (avec une personne de l'autre sexe ou du même) fait de lui un être peussédique et même « fucking peussédique ». Les vrais durs ne s'apparient pas.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Aveuglement de Mascolo

 

Quand on se rue sur le cosmos, on s'aperçoit qu'il est immense et insaisissable dans la terrifiante fluidité de son infini. Mais ça, Mascolo ne le voit pas. Il ne le voit pas parce qu'il est trop con avec son marxisme de merde.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Globe-trottérisme bipédique

 

Le monstre bipède est incompréhensible à maints égards, mais sa singularité la plus ébouriffante est sa folie des voyages. Il a l'air de croire qu'il va pouvoir semer son Moi névropathe à Aix-les-Bains ou à Brie-Comte-Robert. S'il avait un minimum de cervelle, il resterait à Bezons et il arrêterait de faire « jore ». N'est-il pas évident que tout est pareil partout ? Que rien n'est et que tout pue ?

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Utilité espérée

 

Afin que sa vie soit en conformité avec ses idées, le mathématicien Leonard Savage conduisait un « utilitaire » (sous la forme non risible d'un « Kangoo »).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mépris

 

Le mépris des autres est beaucoup plus difficile à supporter que celui qu'on a pour soi-même, d'après le penseur paradoxal Frédéric Nietzsche. Et c'est bien possible, mais le contraire est très possible également. Il faudrait effectuer des mesures, pour en avoir le cœur net. Avec un ampèremètre, un pistolet à wrapper et une pince à circlips.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Aux chiottes la dialectique

 

Il n'y a rien de plus pénible que ces gens qui, dans une discussion, tentent de vous écraser avec des arguments. On les a sonnés, ceux-là ? Ils veulent notre photo ou quoi ?

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

À la papa

 

Baudelaire aurait pu trouver mieux que « Les Fleurs du mal ». Ce titre est trop débonnaire ; trop « à la papa ». Il manque de grinçant.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Jacobien existentiel

 

Savoir comment vivre est un problème non linéaire. Pour déterminer s'il est inversible, il faut en calculer le jacobien. Si ce dernier est non nul, tous les espoirs sont permis. Mais il sera nul, c'est sûr, avec la veine qu'on a.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Désenchantement du monde

 

Boire un jaunet avec Marcel Gauchet pour oublier le désenchantement du monde et tenter de défaire le « nœud démocratique ». Et si ça ne suffit pas — une absinthe.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Recherche du temps perdu

 

En proie à une quête désespérée, les lèvres tordues par l'effort, on cherche à faire revivre en soi, ne fût-ce qu'un instant, son existence ancienne. On évoque une madeleine, on se remémore un dallage inégal, mais va te faire fiche, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Tout le monde n'est pas Marcel Proust, et ce n'est pas la comtesse Greffulhe qui va nous aider, bien certainement.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Avantage de la puanteur

 

Nous devons rendre grâce à Dieu de ce que tout, en ce monde de néant, ait une odeur nauséabonde, autrement dit pue. Car s'il existait une chose qui ne puât pas et que, comme c'est probable, nous ne pussions pas nous la procurer, ce serait un coup à souffrir (de frustration).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Véridicité du mal-aimé

 

Celui qui dit que personne ne l'aime a raison, mille fois raison. En tout cas, ce n'est pas nous qui allons le contredire.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Opium du mélancolique

 

La vie est tellement ennuyeuse qu'on voudrait qu'elle ne se termine jamais.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Septième sceau

 

Au début du film d'Ingmar Bergman, on voit l'écrivain et trompettiste Boris Vian se promener sur une plage où il rencontre un inconnu au teint blafard vêtu d'une longue cape noire : c'est la Mort. Il lui propose une partie d'échecs dont le perdant devra tuer tous les affreux. La Mort accepte. Comme c'était à prévoir, elle perd.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Ruine par les biberons

 

Faire comme Descartes ; douter de tout ; ne se laisser séduire par rien — et surtout pas par des « biberons Robert » qui plus encore qu'une science sans conscience ne sont que « ruine de l'âme ».

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pétoche

 

L'être humain est ainsi fait qu'il choisira de ne pas se soigner plutôt que d'aller voir un médecin qui risque de lui dire qu'il va falloir être très courageux.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Fascia

 

La sensation que « rien n'est », qui peut vous poigner à n'importe quel moment et en tout lieu, dans la rue ou au supermarché, cette sensation n'a rien d'abstrait. Elle est présente dans les muscles, les articulations, les ligaments, les tendons, la peau et les fascias. Elle est proprioceptive.

— Les fascias ?

— Un fascia est une membrane fibro-élastique qui recouvre ou enveloppe une structure anatomique.

— Bon diousse de bon diousse. 

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Jaki jest twój numer Pesel ?

 

Comment s'en sortir dans l'existence quand on n'a pas de numéro de Pesel ? Comment faire pour vivre ? Sans numéro de Pesel, on ne peut ni obtenir de numéro NIP (ce qui nous permettrait, sinon de trouver un sens à « l'être », du moins d'être identifié fiscalement), ni faire partie du directoire d'une société. On est tout à fait cuit, po prostu !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)