Remugle

 

Il y a quelque chose de profondément déplaisant dans cette chose que le monstre bipède appelle « l'amour ». Il y a comme un relent de filouterie et de bêtise. Toute cette affaire pue.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Double peine

 

Terrible situation que celle de l'homme. Il est agressé métaphysiquement par la conscience de sa mortalité, et visuellement par les bonnes femmes à gros fiak.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Dignité comparée

 

Le chat met un point d'honneur à montrer qu'il n'a besoin de personne. En comparaison, l'homme paraît péniblement grotesque, avec son « amour ».

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

La meilleure

 

La plupart des gens se contentent bêtement de vivre au lieu d'exprimer sous une forme aphoristique le mal qu'ils pensent de la vie. Nous nous demandons comment ils font. Mais peut-être ne pensent-ils pas de mal de la vie ? Ce serait la meilleure.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Dualité du serpent

 

Le serpent a une grande signification chez Nietzsche, qui le nomme le plus intelligent des animaux. Il joue également un rôle important dans la Bible, où il se comporte en vrai petit fidgarce. Comme quoi on peut être intelligent et un petit fidgarce (ou fidjarce).

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Généalogie

 

Il est vertigineux de penser que chacun possède parmi ses ancêtres un ou plusieurs hommes préhistoriques. On pourrait croire que cela incite le monstre bipède à une certaine modestie, mais ce serait mal le connaître. Il fait au contraire comme si cette ascendance n'existait pas. Il a « l'homme préhistorique honteux ».

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Pas là

 

Les absents polonais ne se réunissent pas aux Deux Magots mais au Niais Magot.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Moutonnerie bouddhique

 

Pourquoi les Bouddhas naissent-ils invariablement en Inde ? Pourquoi obtiennent-ils tous leur rédemption au pied d'un arbre sacré ? Pourquoi ont-ils tous trente-deux stigmates et cent huit signes à chaque pied ? C'est formidable, ça !

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Garum

 

Ce n'est pas en laissant fondre des picarels dans la saumure que l'homme trouvera des réponses à ses questions existentielles. Tout au plus obtiendra-t-il un garum. Mais sera-t-il aussi bon que celui qu'on goûtait chez le célèbre évêque de Montpellier, Guillaume Pellicier ?

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Outils

 

Selon Esquirol, les désespérés ont tendance à employer, pour exécuter leur funeste dessein, l'instrument qui leur est le plus familier : les coiffeurs se coupent la gorge avec le rasoir ; les cordonniers s'ouvrent le ventre avec le tranchet ; les blanchisseuses s'empoisonnent avec la potasse ; les philosophes utilisent le concept — plus spécifiquement celui de saut — et se jettent par la fenêtre (Deleuze) ou dans un volcan (Empédocle) ; et cætera.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Incommunicabilité du Rien

 

Le nihilique, sans l'aide d'aucun maître, est parvenu à la conclusion que « rien n'est », mais se trouve dans l'incapacité de communiquer son illumination — à qui le pourrait-il puisqu'il n'y a personne ? Si on voulait faire l'intéressant, on pourrait le comparer à un muet qui a fait un rêve important, ou au rhinocéros qui marche solitaire dans les forêts.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

De omnibus dubitandum

 

Quand Descartes prenait l'omnibus, il était toujours torturé par le doute (il craignait de s'être trompé de ligne).

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Écharde dans la chair

 

Aristote, dans son Livre des animaux, dit que si l'on oint le cul d'un coq avec de l'huile, il ne peut s'accoupler avec la poule. Maintenant, remplacez le coq par Kierkegaard, la poule par Régine Olsen et l'huile par le « vertige du possible » ou par la « suspension téléologique de l'éthique »... vous avez tous les ingrédients d'un drame.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Omniscience du Bouddha

 

Chez les bouddhistes, Nagarjuna, le fondateur de l'école Madhyamaka, semble avoir été obsédé par le besoin de nier. Alors que ses prédécesseurs insistaient sur l'omniscience du Bouddha, lui disait que le Bouddha ne savait « que tchi », qu'il n'aurait « même pas été foutu de retrouver un éléphant dans un sac de farine ou son oncle dans une aérogare de province ».

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

To timiotaton

 

Assez de « milfs » et de « cougars » ! Du possible ! Du possible, sinon nous étouffons !

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Vaincre l'intranquillité

 

Avec la vie terne et déprimante qu'il menait, comment Fernando Pessoa a-t-il fait pour tenir le coup ? Est-ce l'écriture de sonnets élisabéthains, qui l'a aidé à tenir le coup ? Entretenait-il une liaison secrète avec un « cougar » cuissu et fessu, doté en outre d'une solide paire de « biberons Robert » ? Cela ne serait pas pour nous surprendre. Son pseudonyme le plus connu, Bernardo Soares, est presque l'anagramme du mot cougar.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Prix de consolation

 

Celui qui n'arrive pas à se « dégoter une milf » peut au moins espérer découvrir en songe les reliques des prophètes Habacuc et Michée, comme cela arriva à Zébénius, évêque d'Éleutérople (d'après Sozomène).

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Un pifasse

 

Fondateur de la psychologie analytique, le psychiatre suisse Carl Gustav Jung peut, dans le domaine de la pensée, être qualifié de « polluant éternel ». Il est de la famille des « pifasses ».

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Sarisses

 

Théophraste, dans son Historia Plantarum, indique une longueur de 18 « cubes », soit un peu moins de six mètres, pour les sarisses des phalanges séleucide et ptolémaïque. Cependant, son texte signale que sous Alexandre, les sarisses étaient plus courtes. Arrien de Nicomédie leur donne 4,9 mètres, et Asclépiodote estime que la taille de la sarisse fluctuait entre 4,6 et 5,5 mètres au IV^e siècle avant Jésus-Christ. Chez les modernes, l'auteur « nihilique » Raymond Doppelchor, partant du principe que « rien n'est », propose le chiffre de zéro mètre — mais alors on se demande à quoi servaient les sarisses.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Soif de connaissance du monstre bipède

 

Le monstre bipède veut tout connaître : Carl Gustav Jung, la civilisation maya, Glenn Gould, James Hillman... Comme Pliouchkine avec ses bouts de ficelle, il considère que « ça peut toujours servir ». Ce en quoi il se trompe car l'expérience montre que ça sert à « peau de zobe ».

— James Hillman ? Qui c'est, ce mec-là ?

— Personne. Un psychologue à la gomme.

— Oh. 

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Férocité du temps

 

Le temps est le plus féroce sadiste. Aucune « jeune fille en fleur » ne lui échappe. Il les soumet toutes à un processus de « milfification ». Cela inspire au voyageur des sentiments mélancoliques, et même de l'horreur.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Langage codé

 

Déclarer l'absolu inaccessible à l'esprit, et futile toute métaphysique ontologique, est une façon alambiquée de dire qu'on est un rustre doublé d'un goujat.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Ultimatum

 

« Les autres s'y sont tous cassé les dents, mais toi, tu vas trouver ce que c'est que l'être. Et fissa. Je repasse dans deux heures. »

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Irrationalisme bergsonien

 

Ayant fait chou blanc avec les « milfs », Bergson se mit en tête de rencontrer un « cougar », mais quand il s'en ouvrit à Lévy-Bruhl, celui-ci lui dit qu'il était trop vieux pour intéresser un « cougar », et que de toute façon il n'aurait pas assez d'« élan vital » pour le satisfaire au cas où il en trouverait un.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Attendre

 

Pavese dit qu'attendre est encore une occupation, que c'est ne rien attendre qui est terrible. Mais en fait, ce n'est pas si terrible que ça, une fois qu'on a compris que tout ce qu'on attend dans la vie se résume, une fois réalisé, à de la révérence parler merde. Ce n'est terrible que pour ceux qui aiment la révérence parler merde.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Mauvais calcul bergsonien

 

Bergson pensait que son livre sur les deux sources de la morale et de la religion l'aiderait à rencontrer des « milfs », mais ce fut un échec total. Le philosophe dut se rendre à l'évidence : les « milfs » ne s'intéressent ni à la morale ni à la religion, encore moins à leurs sources.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Théodoric perd les pédales

 

Il y a tout lieu de penser que la mort de Symmaque, ordonnée par Théodoric, acheva d'ébranler le moral de ce dernier. En effet, peu de jours après, dans la tête monstrueuse d'un poisson qu'on avait servi sur sa table, il crut voir celle de Symmaque. Ses regards furieux le menaçaient, et ses dents semblaient prêtes à lui mordre le fiak.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Voir Pontoise et...

 

Ce n'est que quand il est sur le point de « dévisser son billard » que l'homme prend conscience qu'il est mortel. Il n'aurait pas cru le destin capable d'une telle vilenie. Il a l'air si étonné qu'on dirait qu'il revient de Pontoise.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Sortes d'acquis

 

Pouvoir regarder des films finlandais est un acquis non pas social mais kaurismäki.

 

(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)