Please, sir, I want some more

 

L'existence, le monstre bipède n'en a jamais assez. Fût-il centenaire, il veut du rabe. Il demande « encore un petit quart d'heure ». La dignité et lui, ça fait deux.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Solitude de Kafka

 

Franz Kafka était tellement seul que toute sa vie il crut qu'il était peintre (au lieu d'écrivain).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un roi de l'existentialisme

 

Heidegger était jaloux de la popularité d'Elvis Presley. N'avait-il pas créé plus de concepts que le « King » ? À son estime, le « King », ç'aurait dû être lui. Hannah Arendt avait beau lui expliquer que son « être-pour-la-mort » faisait peur aux gens, qu'il ne pouvait pas être prodigieusement populaire avec de tels concepts, il ne voulait pas en démordre. Pour finir, il se fit confectionner un costume à paillettes qu'il enfilait les soirs de solitude quand de noirs pensers l'assaillaient.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Grosse baleine

 

« Tu n'es pas le seul dont la vie ait été mise en pièces par une grosse baleine. Le capitaine Achab aussi. Mais lui, il ne l'avait pas épousée. » — Voilà le genre de réflexion que l'on se fait quand on a vu sa vie happée et déchiquetée par une mégère difforme au faciès d'hippopotame.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Andrea, ce n'est pas toi

 

Quoiqu'elle soit un peu décharnée et manque de « biberons Robert », l'amante la plus belle, ce n'est pas Andrea, c'est la mort. Et elle, à nous aimer, c'est sûr qu'elle va consentir. Ça va être un changement bienvenu. Mais attention au « caca truffé dans la truelle » — parce que c'est sale, ça, c'est pas propre.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Errance bipolaire d'Ochs et de Woolf

 

C'est dans les couloirs méandreux de la bipolarité, ce trouble de l'humeur caractérisé par une succession d'épisodes maniaques et dépressifs, que Virginia Woolf et Phils Ochs errèrent. À noter qu'ils le firent chacun de son côté, n'étant pas contemporains.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Des consolateurs

 

Comme le montre l'histoire de Job, quand on ne peut venir en aide à un gusse, il ne faut pas essayer de le consoler. Si vous le faites quand même, on peut parier à dix contre un que le gusse va vous envoyer bouler et alors vous aurez l'air fin.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Querelle des universaux

 

Contrairement à ce que dit le chanoine Roscelin, les universaux existent. Guillaume de Champeaux les a vus. Pour lui, cela a commencé le long d'une route de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva. Cela a commencé par l'atterrissage d'un vaisseau spatial venu d'une autre galaxie. À présent, Guillaume de Champeaux sait que les « substances secondes » sont là, qu'elles ont pris forme humaine, et il doit convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Vérités créées et animosité de Leibniz

 

Gottfried Leibniz avait une dent contre Descartes à cause des vérités créées qui lui paraissaient le comble de l'abomination. Pourtant, de l'avis de tout le monde, Descartes était un « type au poêle ».

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Dondonos et Thanatos

 

Cela ne nous étonnerait pas outre mesure s'il s'avérait que se trouvât, dans l'attirance pour les grosses dondons, un principe de mort (par écrasement).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Imitation de Phil Ochs

 

Errer comme Phil Ochs dans les rues de New York ou de Far Rockaway. Être alcoolique comme Phil Ochs et comme lui se pendre chez sa sœur Sonny (sous réserve d'avoir une sœur ainsi prénommée, cela va sans dire).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Point de départ

 

Le commencement de la philosophie, ce n'est pas l'étonnement comme le soutiennent Platon et Aristote, c'est le désespoir d'avoir perdu Régine Olsen. Enfin... Régine Olsen ou autre chose, ça dépend des gens, mais il faut avoir perdu quelque chose.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mauvais regard

 

Le poëte vaudois Edmond-Henri Crisinel était convaincu que la vie l'avait « mal regardé ». Comme il n'était pas du genre à faire des histoires, au lieu de lui demander si elle avait un souci ou de la traiter de tête de mort, il se suicida.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Aux chiottes Malagar

 

Quand on possède une propriété au nom aussi ridicule que Malagar, on ne le claironne pas. On adopte un profil bas. Mais Mauriac, c'est tout le contraire : Malagar ceci, Malagar cela, il n'a que sa connerie de Malagar à la bouche. Nous avons été patients mais maintenant ça suffit. Aux chiottes, Malagar ! Aux doubles-vécés ! Pourquoi devrions-nous subir ça ?

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Nitchego nie ponimayem

 

La vie, c'est comme de lire du Jakob Böhme ou du Maître Eckhart : on fait « jore » qu'on y comprend quelque chose mais en fait... Et puis c'est rasoir au possible.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Ivrognerie de Marguerite Urcelar

 

Albert Cohen prétend que Marguerite Urcelar ne pouvait écrire que « complètement brindezingue » ; que pour composer son Œuvre au noir, elle avait dû descendre « un nombre effarant de cubis ». Et il faut avouer que la romancière a dans le regard quelque chose de torve, une expression oblique et sournoise caractéristique des adorateurs de Bacchus.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Être ceci (ou cela)

 

Chez les mollusques bivalves, chacun veut être ce qu'il est. La praire se félicite de n'être pas pétoncle, quand le pétoncle se vante d'« avoir commis tous les crimes hormis celui d'être praire ». Chez les hommes, bien sûr, c'est différent. Certains sont si mal dans leur peau qu'ils voudraient être une pierre dure rotacée.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une veine à exploiter

 

Interpréter la Bible en s'appuyant sur Platon et les stoïciens est généralement considéré comme un bon Philon (d'Alexandrie). Il y a de l'oseille à se faire dans l'apologétique, pour un type débrouillard.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Valde bonum

 

À la fin de chaque journée de travail, Dieu contemplait ce qu'il avait créé et trouvait que c'était « aux pommes ». Comme on peut se tromper !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Du danger de dire

 

Celui qui, selon le jeu de la parole, transpose un fait de nature en sa presque disparition vibratoire, le fait à ses risques et périls. Il ne faut pas qu'il vienne pleurer si, de cette transposition, émane la notion pure inhérente au fait en question (sans la gêne d'un proche ou concret rappel, est-il besoin de le préciser). Les notions pures, ça semble tout ce qu'il y a d'anodin mais c'est comme le monoxyde de carbone : incolore, inodore, toxique... et potentiellement mortel.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Anthocyane, hein !

 

Lorsque musicalement se lève l'absente de tous bouquets, autrement dit l'idée même et suave (de la fleur ou de ce que vous voulez), cette absente doit se lever en tant que quelque chose d'autre que les calices sus. Sinon, l'affaire peut vite tourner en eau de boudin.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un penseur de l'extrême

 

Penser la mort, ce n'est pas de la tarte. Ça fout les jetons et on préfère penser à autre chose. Un qui l'a fait, pourtant, c'est Jankélévitch. En 1966. Mais depuis — rien (ou presque rien).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pas de pli pour Deleuze

 

Michel Foucault était tellement fort à la belote qu'il écrasait Deleuze. Souvent, ce dernier ne réussissait même pas à faire un pli. Il était « Fanny au bar ».

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Aux chiottes l'univers infini

 

Pour passer du monde clos de la cosmologie aristotélicienne à l'univers infini de Descartes, il faut être d'un caractère assez exubérant. Quand on est du genre maussade, on se contente du monde clos. Pourquoi chercher les complications ? On va clamecer, de toute façon... Alors l'univers infini, hein...

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Monstre du Loch Ness

 

Aussi séraphique soit-elle d'apparence, toute sylphide de Chateaubriand cache un redoutable monstre du Loch Ness. Dites-lui qu'elle fait du bruit en mangeant et vous allez voir.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Vienne la nuit

 

Le temps est un vrai fidgarce. Quand on voit ce qui coule sous le pont Mirabeau... Des amours défuntes, passe encore, mais faut voir le reste... Paul Celan, Ghérasim Luca... Faut avoir le cœur bien accroché.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Ontologie heideggérienne et restes de poulet

Si on invite Habermas, ça va être bien, il pourra nous parler du concept de validité, cette notion fondamentale du néokantisme qui constitue le fondement du projet ontologique heideggérien. En plus, il nous aidera à finir le poulet. Ce n'est pas comme Hönigswald, qui non seulement rejette l'ontologie heideggérienne comme trop fragile, soi-disant parce que l'être n'y possède pas la capacité fonctionnelle d'une instance ultimement fondatrice, mais au surplus n'aime pas le poulet.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tempête phénoménologique

 

Quand on lit du Husserl, on est tellement secoué par ces histoires de phénomènes qu'on doit se réfugier dans la cabine du bosco et y lutter pour conserver son équilibre et un semblant de dignité.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Habacuc et Michée

 

Le prophète Habacuc dit que le juste vit de la foi (Justus ex fide vivit). Mais à cause de ce nom, Habacuc, nous avons du mal à prendre cette affirmation tout à fait au sérieux. Si c'était Michée qui l'avait prononcée, ce serait différent.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)