samedi 20 septembre 2025

Réponse à Spinoza

 

Si Spinoza vous dit que « la gaieté est toujours bonne » et que « la mélancolie, au contraire, est toujours mauvaise », répondez-lui : « Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami ! »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Schéol

 

Il y a chez la femme quelque chose de creux, de souterrain et d'insatiable. Ce n'est donc pas étonnant si elle nous fait penser au schéol des Hébreux.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Gaffe aux fausses queues

 

À l'instar de la vengeance et du gaspacho andalou, le suicide est un plat qui se mange froid — qui devrait, en tout cas : car attention aux « fausses queues ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Artistes du désespoir


Espérer, même un pou en est capable. Mais pour désespérer dans les règles de l'art, il faut un certain doigté. Prenez Kierkegaard : il avait du doigté. Pavese aussi, dans son genre.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 19 septembre 2025

Cioran et les petits commerçants

 

En 1970, touché par la détresse des petits commerçants, le négateur Émile Cioran décide, en violation de sa doctrine de non-participation à l'être, d'adhérer à la Cidunati de Gérard Nicoud. Il ne tarde pas à s'en mordre les doigts (vus de près, les petits commerçants ne lui font pas bonne impression).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Lichénologie

 

L'idée du Rien a des rapports avec l'hypne prolifère, mais elle est plus élégante et plus filiciforme. Au surplus, elle diffère de ce végétal — de cette « mousse cosmopolite » — par le fait qu'elle exalte l'homicide de soi-même comme un remède à l'amertume d'exister.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Fausse bonne idée

 

Si manger un gaspacho andalou est une fausse bonne idée, que dire alors de vivre !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Rhétorique du néant

 

On a subordonné à la métonymie des tropes antithétiques comme la synecdoque et l'hypallage, mais de la vie, impossible d'extraire le moindre trope : elle est trop absurde pour qu'on puisse en tirer autre chose qu'un sentiment d'intense dégoût.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 18 septembre 2025

Histoire de Ouin-Ouin


« C'est Ouin-Ouin qui va chercher sa femme à la gare de Neuchâtel. Mais en cours de route, il change d'avis : il décide de mettre fin à ses jours et se jette dans le lac.
― Voilà qui rappelle étrangement l'histoire d'Edmond-Henri Crisinel.
― Sauf que ce dernier n'était pas marié.
― Mais il s'est quand même suicidé, va savoir pourquoi.
― Il paraît qu'il avait une vision quasi mystique de l'être.
― Ah. Ça doit être ça. » 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Gélatine durcie

 

D'après Luc Pulflop — qui est en désaccord là-dessus avec le philosophe Brentano —, « le prétendu réel n'est presque qu'une gélatine durcie ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Pas rotacé

 

S'il faut en croire son frère Théo, le peintre Van Gogh se tenait pour un raté parce qu'il n'était pas en forme de roue. — Cette blessure secrète de n'être pas rotacé.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Arbustres

 

Blaise Pascal dit qu'un arbre ne se connaît pas misérable, mais il ne précise pas si cela concerne aussi les arbustres (par exemple le cornouiller).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 17 septembre 2025

Aux chiottes, la permaculture

 

Invité par un article de magazine à « transformer sa vision du monde grâce à la permaculture », le Moi a préféré la conserver telle quelle, « sombre et définitive comme une forêt de conifères ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Acédie

 

Quand on est sujet à des attaques d'acédie monastique, on doit suivre le conseil d'Évagre le Pontique et cultiver la vertu de persévérance (endurance, courage, résistance aux pensées décourageantes). Évagre recommande également le travail manuel, mais on va peut-être d'abord essayer la persévérance, pour voir.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Padrone

 

Par sa brutalité, sa grossièreté et l'effroi qu'elle inspire, la vie n'est pas sans rappeler Maître Garofoli, le sinistre « padrone » de la rue de Lourcine.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

What is it like to be a bat ?

 

Dans ses Questions mortelles, le philosophe américain Thomas Nagel soutient que nous ne pouvons pas nous représenter la conscience d'une chauve-souris, « l'effet que cela fait » intérieurement de percevoir le monde comme le fait cet animal. Mais il se trompe. Il suffit de se mettre un bandeau sur les yeux, de se diriger en émettant des ultrasons, de se nourrir de fruits, de fleurs et de pollen, puis, les frimas venus, d'hiberner dans un endroit à humidité fixe et relativement chaud, par exemple une grotte ou un vieux tronc d'arbre. Non, parole d'honneur !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 16 septembre 2025

Gapette

 

Peut-on penser au néant, à la mort, à l'absurde, au suicide, à l'imposture de l'histoire et à l'illusion du progrès quand on porte une casquette à carreaux ? Étonnamment, la réponse est oui (cas du négateur Émile Cioran).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un placement sûr

 

Être vivant, c'est toujours se trouver dans une situation fausse. Tandis qu'être mort... il n'y a pas position plus solide. La mort est ce que les cambistes appellent une « valeur refuge ». Avec elle, on est certain de ne pas se retrouver à poil de Nicosie.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Brise marine

 

Quand on trouve la chair triste, on se tourne vers les livres. Oui, mais une fois qu'on les a tous lus ? Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on doit fuir là-bas ? Où des oiseaux sont ivres ? D'être parmi l'écume inconnue et les cieux ? Si c'est ça, ça va être gai.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Premier sermon du Bouddha

 

Dans le parc des Gazelles, près de Bénarès, le Bouddha s'adressa en ces termes à ses disciples assemblés : « Aucun objet ne vaut qu'on le désire. Et quand je dis aucun, c'est aucun. Ça inclut la mijole et les biberons Robert. Compris, bande d'abrutis ? » Tout le monde dit qu'il avait compris.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

lundi 15 septembre 2025

Moments merveilleux

 

L'écrivain Roger Martin du Gard affirme que la vie est « un amalgame saugrenu de moments merveilleux et d'emmerdements », mais on ne sait pas à quels « moments merveilleux » il fait allusion. Peut-être a-t-il dit ça « juste comme ça » ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un flop du négateur

 

Le dimanche 17 janvier 1971, comme il se promenait du côté de Mortefontaine, le négateur Émile Cioran passa près d'une scierie et l'odeur du bois coupé lui plut infiniment. Il dit à Simone Boué qui l'accompagnait : « Dis donc, Simone. Si le cercueil sent aussi bon, on ne doit pas y être si mal. » Ce à quoi Simone rétorqua : « Tu yoyotes, Émile. Avec la mort, on perd l'odorat. » Le négateur dut admettre que son astuce ne valait rien mais décida néanmoins de la consigner le soir même dans le cahier où il notait toutes ses « pensées ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

La métamorphose

 

Un matin, au sortir d'un rêve agité, Grégoire Samsa s'éveilla auprès d'une mégère difforme au faciès d'hippopotame. Il lui fallut une bonne minute pour réaliser qu'il s'agissait de la « jeune fille en fleur » qu'il avait, dans sa fatidique insouciance, épousé vingt ans plus tôt.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Inconvénient d'être né

 

N'avoir jamais eu vocation à être — et devoir cependant supporter tout ça.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 14 septembre 2025

Cumul

 

Le bonheur vous donne l'air d'un couillon, mais ce n'est pas une raison pour choisir le malheur — car on peut être malheureux et quand même avoir l'air d'un couillon.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Mercredi des cendres

 

« Souviens-toi, homme, que tu es poussière, et que tu retourneras à la poussière. 
— Ne t'en fais pas, j'y pense tout le temps. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une impossible quittance

 

Quelqu'un qui a quitté Bezons pourrait dire de cette ville ce qu'Akhmatova a dit de Leningrad : « Mon ombre reste sur tes murs. » En effet, malgré qu'on en ait, on ne quitte jamais Bezons tout à fait.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

La malaisance d'exister

 

À la question  : « Qu'est-ce que ça aurait changé si nous n'avions pas existé ? », la seule réponse possible est : « Pour le monde, rien, mais pour nous beaucoup — car ç'eût été nettement moins malaisant. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 13 septembre 2025

Corrections

 

Ce mot est-il nécessaire ? Non. Alors du balai. Et cette phrase ? Non plus. Du balai aussi. À la réflexion, rien n'est nécessaire. — On commence par biffer un mot, une phrase, et finalement on biffe tout (sauf Magritte).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)