mardi 21 décembre 2021

lundi 20 décembre 2021

De mieux en mieux

 

Est-ce parce qu'il a lu Bergson ? Voilà en tout cas que l'homme du nihil perçoit des « ondulations du réel » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 19 décembre 2021

Géométrie différentielle et homicide de soi-même

 

« Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi. Je ramais. Tout à coup, foudroyé par une réminiscence de vocabulaire : “Le fibré cotangent d'une variété différentielle se distingue de son fibré tangent en ce qu'il est naturellement muni d'une forme différentielle tautologique, dite forme de Liouville.” Si j'avais été seul, je me serais jeté instantanément à l'eau. Jamais je n'ai ressenti avec une telle violence le besoin de mettre un terme à tout ça. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 18 décembre 2021

Négligence de style

 

La vie de l'homme du nihil peut être décrite — c'est lui-même qui l'affirme — comme « une tautologie à point de départ arbitraire ». En cela, elle ressemble assez à la « technique de pensée » de Heidegger.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 17 décembre 2021

Agence générale de la misanthropie

 

À quelques exceptions près (Charles Baudelaire, Thomas Bernhard, Théasar du Jin), les misanthropes sont aussi détestables que le reste de l'humanité. Exécrer le monstre bipède est, il est vrai, à la portée du premier venu. La notion de « club des misanthropes » est donc aussi inepte que celle de « club des suicidés philosophiques ». De tels conglomérats ne pourraient être que des nids de bisbilles.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 16 décembre 2021

Scrupule phénoménologique

 

« La chaise n'est pas dans la conscience », dit le pénible Jean-Paul Sartre au début de L'Imaginaire. Et lorsque le nihilique regarde une chaise, c'est effectivement la chaise qu'il vise et non son image dans la conscience. Mais quand il s'agit de s'asseoir, c'est autre chose : il n'oublie pas que « rien n'est » et préfère rester debout pour ne pas courir le risque de s'esquinter le fondement (de l'historialité du Dasein).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 15 décembre 2021

Aux chiottes, le temps !

 

Pour empêcher la survenue d'un événement planifié de longue date mais redouté (par exemple une visite chez le dentiste), l'homme du nihil fait le mort. Il espère ainsi figer le temps, mais va te faire fiche : le jour fatal finit toujours par arriver. Salop de temps ! Dégueulâsse ! Je t'en foutrai d'être inexorable, moi, tuouaouar ! Salop !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 14 décembre 2021

Petits joueurs

 

Dans un passage de ses Historiæ, Salluste dit que les peuples de Mauritanie et de Dalmatie sont vains et cruels, « beaucoup moins toutefois que certaine mégère difforme au faciès d'hippopotame qui s'acharne insensément sur le pauvre Férillet ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 13 décembre 2021

Lettre d'adieu

 

Français ! C'est le cœur serré que l'homme du nihil a décidé de cesser le combat. Il s'est d'abord adressé à l'adversaire pour lui demander s'il était prêt à rechercher avec lui, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Mais le « fétide et rébarbatif réel » n'a rien voulu savoir. Alors...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 12 décembre 2021

Un amer constat

 

Contrairement à la terre, la femme ment. Elle ment sans cesse, elle ment comme elle respire, avec autant d'impudence qu'un « médecin de plateau ». Cela inspire à l'étant existant des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Épuisement

 

On passe sa vie à faire semblant, à faire comme si l'on trouvait un sens, même minime, à ce que l'on fait ; un intérêt, même infinitésimal, aux gens que l'on fréquente. Mais arrive un moment où faire semblant devient trop exténuant. On est mûr. Pour quoi ? Dites-le moi.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 11 décembre 2021

Façons de partir

 

La plupart des gens, quand sonne l'heure fatidique, ne se résignent à « décéder » qu'en enrageant, en grinçant des dents et en gémissant — « frendens gemensque », tel Hannibal obligé de quitter l'Italie. Le nihilique, au contraire, ne se tient pas de joie, impatient qu'il est de rejoindre le Grand Indéfini d'Anaximandre ou — s'il est de tendance néoplatonicienne — de réintégrer l'Un plotinien. — Et son exultation est aussi un pied de nez à tous les « vaccinés de l'existence ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 10 décembre 2021

Auto-dénigrement

 

L'homme du nihil ne hait rien tant que la comédie, l'escroquerie et le bluff, ces ingrédients essentiels du grand vaudeville de l'existence. Cette haine des faux-semblants, couplée à son besoin compulsif de déplaire, l'incite à se montrer toujours sous son plus mauvais jour, au risque d'effaroucher le pusillanime « monstre bipède ». Résultat : ce dernier n'est que trop enclin à le prendre au mot quand il se proclame un « jusqu'au-boutiste de l'infamie » — voulant simplement dire par là qu'il « persévère dans l'être ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 9 décembre 2021

Une infernale troïka

 

L'être humain est la proie de trois maladies chroniques et inguérissables : le besoin de nourriture, le besoin de sommeil et — des trois le plus facile à satisfaire pour peu qu'on ait accès à une droguerie ou à une jardinerie — le besoin de se détruire en ingérant du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 8 décembre 2021

Tromperie patronymique

 

À une époque de sa pondéreuse existence, l'homme du nihil fit la connaissance d'un nommé Portejoie. Mais quelque chose dut aller de travers — il dut y avoir un « binz » — car cette rencontre n'y fit rien et il resta morose comme devant.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 7 décembre 2021

Descartes inutile et incertain

 

La raison — pure ou impure, n'importe — n'est d'aucune utilité à l'homme qui sent que la terre se dérobe sous ses pieds et qu'il tombe dans un gouffre sans fond. Seul peut le sauver, s'il a la foi suffisante, le vocable reginglette — mais ce procédé d'inspiration kierkegaardienne est « sans garantie du gouvernement ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 6 décembre 2021

Traumdeutung

 

« Cette nuit, j'ai rêvé que je précipitais la chroniqueuse Laurence Sailliet dans le Bosphore, enfermée dans un sac de cuir plein de vipères. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? »
 
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

Haine du Moi

 

 
Un jour qu'il était « gonflé à bloc », le philosophe Blaise Pascal aurait affirmé que « le Moi est haïssable ». Dans ses Pensées, il dit aussi que « la vraie et unique vertu est de se haïr » et il appelle le Moi « un monstre gélatineux ». Comment expliquer cette haine du Moi ? Dans son Journal, Gragerfis évoque un « problème de cohabitation avec une belle-mère envahissante » — mais il ne nous apprend rien de plus.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 5 décembre 2021

Incognoscible

 

La réalité du monde est presque aussi inconcevable que la méchanceté de certaine « mégère difforme au faciès d'hippopotame ». Tout cela — et le reste ! — dépasse l'entendement de l'homme du nihil. Alors faute de mieux, il suit l'exemple de Tertullien : il y croit « parce que c'est absurde ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 4 décembre 2021

Vains trémoussements

 

Le monstre bipède se démène tel un forcené : il voyage, il a des aventures sentimentales, il fréquente des restaurants gastronomiques, il fait de la plongée sous-marine, et cetera dans le seul et unique but de se créer des souvenirs agréables et se donner à soi-même l'illusion qu'il n'a pas vécu en vain. Mais il a beau s'agiter, sa vie se résume tout de même à un monumental zéro comme celle de l'homme du nihil, certes, mais celui-ci du moins ne s'est pas donné le ridicule de sauter en parachute ou de se jeter d'un pont attaché à un élastique, et c'est avec une grande économie de moyens qu'il est parti de pas grand chose pour n'arriver à rien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 3 décembre 2021

Épigramme

 

« Demain, dis-tu sans cesse, homme du nihil, demain tu vivras. Dis-moi, ce demain, homme du nihil, quand vient-il ? Ce demain est déjà aussi vieux que Priam et Nestor. Tu vivras demain ? Vivre aujourd'hui, homme du nihil, c'est déjà vivre trop tard.
— Oh, bon Dieu, ne me fais pas chier ! Je fais ce que je veux, merde ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 2 décembre 2021

Le talent d'être bref

 

Par l'homicide de soi-même, accorder sa vie à l'idéal de concision d'un Tacite ou d'un La Bruyère.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 1 décembre 2021

Morsure quotidienne

 

Rivarol dit avec justesse que le temps efface le souvenir des malheurs, jamais celui des fautes. Cet axiome se vérifie de façon éclatante dans le cas de la faute suprême : celle d'exister. Le remords d'« être au monde » ne nous poigne-t-il pas chaque jour plus cruel, à mesure que la vie passe ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 30 novembre 2021

Traumdeutung

 

« Cette nuit, j'ai rêvé que je précipitais le professeur Bruno Mégarbane dans une fosse remplie de matière fécale et de déchets organiques en décomposition. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? »
 
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

lundi 29 novembre 2021

Du balai, la raison pure !

 

Armé d'une tapette flexible à manche de hêtre et de sa conviction irréfragable que « rien n'est », l'homme du nihil s'efforce de mettre en déroute les « mouches molles du savoir » et les « lézards cubiques de la raison pure » (Jutique) qui sans arrêt le tarabustent et lui mordent le fondement (de l'historialité du Dasein).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 28 novembre 2021

Banalité et facétiosité du Rien

 

Tant est banal le Rien qu'on le rencontre cent fois par jour sans y prêter attention. On le confond le plus souvent avec son cousin le quelque chose dont il emprunte les traits pour se divertir aux dépens du crédule « monstre bipède ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 27 novembre 2021

Non

 

L'homme du nihil est, selon Gragerfis, « l'homme qui dit non » : non à la réalité empirique, non au vouloir-vivre, non au destin, non au dadaïsme, non à Duvalier et au macoutisme, non à la vie et à l'instinct, non au Moi, non aux hygiénistes qui voudraient le vacciner contre l'inéluctable au risque de le transformer en cheval, en crocodile ou en femme à barbe. Et cependant qu'il dit non, il dit aussi l'alternative cruelle, à chaque instant, de la vie et de la mort, rejoignant curieusement le Baudelaire d'Un mangeur d'opium.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 26 novembre 2021

Dangers de l'aperception leibnizienne

 

« À leur arrivée dans la pachyméninge, les images de la réalité empirique subissent une filtration glomérulaire, après quoi elles entrent dans les tubules du conscient intérieur... et c'est le drame. » (Achille Bourdoulous, Intoxication par la réalité empirique : persistance d'une maladie oubliée, Thèse pour le diplôme d'État de docteur en médecine, Limoges, 1925)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 25 novembre 2021

Penser le non-être

 

Pour mettre en échec l'horripilant Parménide, l'homme du nihil résolut, après avoir pensé le pilchard, de penser le non-pilchard. Mais tout ce qu'il parvint à évoquer fut... une boîte de petits pois dans laquelle se tenait, bien au chaud, le philosophe Jean-Paul Sartre. — Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

(Fernand Delaunay, Glomérules)