samedi 10 décembre 2022

Possibilité et limites du savoir

 

Est-il possible de savoir quelque chose, et si oui quoi ? On peut (avec beaucoup de chance) savoir ce qu'est un xéranthème ; on peut connaître le sens de l'adjectif xénotropique ; mais qui pourra dire ce qu'est un xéranthème xénotropique ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un « baron de la crasse »

 

Chez l'animal — même chez le « couchon » —, rien n'est sale. Chez l'homme, tout l'est.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 9 décembre 2022

Refus du nihilique de chanter sa soif irisée

 

« Chante ta soif irisée », ordonne René Char. « Et si je n'en ai pas envie ? répond le nihilique. C'est quand même formidable, ça ! C'est plus fort que de jouer au bouchon ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Distraction proustienne

 

Marcel Proust était si distrait qu'il lui arrivait souvent de traverser quand le petit bonhomme était rouge. Un jour, alors qu'il se rendait chez la comtesse Greffulhe... (interrompu)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Voir ! Voir enfin !

 

Qu'est-ce au juste que l'existence ? Un piège ? C'est possible — mais ourdi par qui ? Un complot ? Nous verrons — mais quand ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un insensé

 

Vingt ans, trente ans, quarante ans... À force de ne pas mourir, l'homme « prend la confiance ». Il se met à agir comme s'il était immortel. Il fait même des projets. Pauvre insensé ! Fou ! Tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 8 décembre 2022

Dialogue philosophique

 

Eugen Fink rapporte que Heidegger demanda un jour à sa maîtresse la fille Arendt : « Dis donc Hannah, saurais-tu par hasard ce que c'est que l'être ? Quant à moi, je sèche. » Et selon Fink, la future prêtresse de la banalité du mal aurait répondu : « Je ne sais pas, moi... Tu en as de bonnes ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Senza ritorno

 

Quand on s'est enfoncé trop avant dans l'étude du Rien, il est presque impossible de revenir à son ancien sujet, à savoir la physiologie comparée des poissons.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux ouataires

 

Pour méditer sur l'impermanence des choses, il n'est pas de meilleur endroit que les doubles-vécés. Là, assis sur le trône, on voit surgir des villes mortes, comme des ossements sous le soleil, qui font songer aux visions de l'émir Moussa.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Personnages de Musil

 

L'autre qu'ils rencontrent — et que même ils deviennent — n'est pas l'étéron, l'altérité avec laquelle on dialogue et que l'on rejoint en une synthèse supérieure, c'est l'étron, le « colombin », avec lequel il n'y a pas de rapport, d'intégration ou de médiatisation possibles (car il pue trop).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 7 décembre 2022

Ébouillantement phantasmé de Char

 

Ô Char ! René Char ! Quelle chance tu as d'être comme cela s'appelle décédé ! Avec quelle joie, sans cela, nous autres amateurs de vraie poésie t'aurions plongé dans un chaudron d'huile bouillante !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Hypertrophie du Moi

 

Au lieu de dire que « vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir », le poëte René Char, s'il avait eu un minimum d'honnêteté intellectuelle (et de bonnes manières), aurait dû dire : « À mon humble avis, vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir — mais ne me demandez surtout pas ce que je veux dire par là, je fais profession d'être profond et je vous emmerde. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Ça ne prend plus

 

Depuis qu'on sait qu'il est mortel, étant composé pour l'essentiel de cytoplasme, de mitochondries, d'une membrane plasmique et d'un mystérieux « appareil de Golgi », les rodomontades du monstre bipède ne convainquent plus personne.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Achèvement de souvenir

 

D'après René Char, « vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir » — mais il faut dire que le « poëte » picolait sec.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 6 décembre 2022

Vie excitante

 

Ce qu'il faut lire entre les lignes des « récits de voyage » : « Regardez comme ma vie est plus excitante que la vôtre ! » — Seul problème mais de taille : une « vie excitante », cela n'existe pas. Comme Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, le vide est partout !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un espoir du côté des chaînes Pulvermacher ?

 

Le « négateur universel » Émile Cioran affirme qu'« aucune invention humaine ne peut nous guérir de notre mal essentiel » (voulant sans doute dire par là le fait d'exister). Pourtant, les chaînes hydroélectriques Pulvermacher, celles-là mêmes dont le pharmacien Homais s'éprend d'enthousiasme dans Madame Bovary, se font fortes dans leur réclame de guérir les rhumatismes, les névralgies, les paralysies, la surdité, « et cætera ». Qui croire ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En attendant Vanderdendur

 

Nègre de Surinam à ses heures, le nihilique, si on lui demandait ce qu'il fait là dans l'état horrible où on le voit, répondrait : « J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Groupe Verlaine

 

Outre Verlaine lui-même, le « groupe Verlaine » incluait Arthur Rimbaud, Tristan Corbière et Germain Nouveau. Ces quatre poëtes, quoique de sensibilités diverses, étaient mus par un même idéal : l'isolation par l'extérieur (avec aides de l'État).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 5 décembre 2022

Brugnons

 

Être revenu de tout, avoir fait le tour de l'être et du non-être, et devoir cependant acheter des brugnons au supermarché... Il y a de quoi devenir fou.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rien à déclarer

 

Ne devraient avoir le droit de s'exprimer que ceux qui sont parvenus au dernier degré de la solitude. Seulement voilà : ils n'ont rien à dire. C'est dommage, hein ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Malentendu

 

Quand on avait quelque chose et qu'on l'a perdu, il faut un certain temps pour comprendre qu'en fait on n'avait rien, qu'on n'a jamais rien eu, que tout cela n'était qu'un horrible malentendu.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fausseté universelle

 

Dans ce « monde de néant », tout est faux. Le réel fait « jore », et quant aux humains, n'en parlons pas. Du chiqué, partout du chiqué. Seuls les animaux valent à peu près le coup — sauf les insectes, qui sont un peu « malaisants ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 4 décembre 2022

Béatitude de l'inhumé

 

Dans son Prologue de Madame Putiphar, Pétrus Borel remarque avec justesse que le bonheur vrai n'existe que dans la tombe. Le « décédé » fait fi des plaisirs rongeurs et des amitiés fausses. L'ambition et les espoirs déçus ont cessé de le tenailler. Le poëte résume tout cela en un vers aussi contondant qu'un marteau de vitrier : « Sur la terre on est mal, sous la terre on est bien ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aveuglement

 

Un humoriste a dit que « Beethoven était tellement sourd que toute sa vie il a cru qu'il faisait de la peinture ». Eh bien, René Char, c'est un peu pareil. Il était tellement con que toute sa vie il a cru qu'il faisait de la poésie.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Tant qu'à choisir

 

Quand on visite un cimetière, on croise des morts et des vivants ; ces derniers, inutile de se le cacher, puent atrocement des pieds « et c'est encore avec les morts qu'on préfèrerait être ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Salop de Marchandot

 

La vie, ce n'est pas marrant. Après une quantité effarante de tribulations, on arrive enfin rue Lepic devant chez Marchandot mais le salop n'ouvre pas, il se terre, il a la trouille, et on est obligé de gueuler : « Marchandot ! Marchandot ! Debout là-dedans ! Ton cochon, Marchandot ! Marchandot ! Marchandot ! » au risque de se faire arrêter par une patrouille (et bien sûr, ça ne manque pas).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 3 décembre 2022

Eidos transcendantal

 

Il paraît que l'activité phénoménologisante procède à partir de l'étant, remonte à sa structure constitutive et, même au niveau supérieur, conçoit la relation de ce dernier à ce qui le précède en logifiant, c'est-à-dire en saisissant la relation eidétique, et en ontifiant, c'est-à-dire en saisissant comme étant le niveau ainsi appréhendé. Mais c'est peut-être un « on-dit ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Portrait de la mort en jeune chien

 

En décembre 1941, Ernst Jünger, alors affecté à l'état-major parisien de la Wehrmacht, rencontre Louis-Ferdinand Céline à l'Institut allemand, rue Saint-Dominique. Ferdine confie à son interlocuteur qu'il a constamment la mort à ses côtés — « et, disant cela, il semble montrer du doigt, à côté de son fauteuil, un petit chien qui serait couché là ». N'est-ce pas bien trouvé ? Le coup du petit chien ? Sacré Ferdine !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Face à la mer

 

Ces gens qui, comme le peintre Eugène Boudin, demandent à mourir « face à la mer » et se font transporter à Deauville pour y pousser leur dernier soupir, on aimerait les souffleter. À quoi bon faire tant de chichis ? Et qui croient-ils abuser, avec leur « mer » ? Mer ou pas mer, quand il faut y aller, il faut y aller. — Je t'en foutrai de mourir face à la mer, moi, tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)