dimanche 18 décembre 2022

Psaume 91

 

L'abri du Très-Haut est sans doute apaisant, mais le mieux, pour ne pas craindre les terreurs de la nuit, la flèche qui vole au grand jour, la peste qui rôde dans le noir et le fléau qui frappe à midi, c'est encore d'être « décédé ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Plus de boudin

 

Pendant des années, on s'invente des raisons de vivre, des prétextes pour « perpétrer de coupables exsufflations ». Mais vient un moment où les raisons de vivre, c'est comme le boudin pour les Belges : il n'y en a plus.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Artichaut humain

 

Vous rencontrez quelqu'un, et comme de juste, vous avez l'impression d'avoir devant les yeux un artichaut. Alors vous enlevez les feuilles l'une après l'autre pour voir ce qui se cache derrière mais vous arrivez bientôt à la dernière feuille et vous tombez sur... le Rien ! Le néant ! Ça alors !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Que faire ?

 

Faut-il, comme paraît le suggérer Guégan (dans son livre Le Cuisinier français, Paris, 1934), couper en morceaux la langouste vivante et la faire revenir à rouge vif dans un poêlon de terre avec un quart de beurre très frais ? Ou faut-il plus simplement... se pendre ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 17 décembre 2022

Contre Proust

 

Les fastidieux développements proustiens sur le « temps perdu » et le « temps retrouvé » ont tout des divagations d'un maniaque. Cette madeleine ! Ce dallage inégal ! Qui peut croire à de telles billevesées ? Et puis, toute cette histoire traîne en longueur. L'intrigue aurait gagné à être resserrée. Deux mille quatre cents pages ! Sommes-nous des bêtes pour être traités ainsi ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Allons !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Exagération salomonienne

 

Dans le Livre de la Sagesse, Salomon dit du pachynihil que « ceux qui sont ses amis goûtent de pures délices » (VIII, 18). Mais n'y a-t-il pas là quelque exagération ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Capitons

 

Il n'y a pas que les calcéolaires et la pensée de l'homicide de soi-même qui constituent des capitons de la vie. Il y a aussi certains vocables, au premier rang desquels strapontin.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Activités propitiatoires

 

C'est souvent « en s'occupant de numismatique » que venaient à Rozanov les pensées les plus bizarres (sur la causa formalis d'Aristote, le positivisme comtien, les hésitations d'Abraham, les « demi-talents » de Marie Bashkirtseff, et cætera). Pour le nihilique, c'est un peu différent. La pensée d'ingurgiter du taupicide ou de se pendre avec ses bretelles lui vient ordinairement « en allant chercher les journaux le matin ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 16 décembre 2022

Don Carpaccio

 

Dilettante subtil, le nihilique répond aux impudents qui mettent en doute sa capacité à venir à bout de la réalité empirique : « Ne savez-vous pas que je suis Don Carpaccio ? »

(Samuel Slippensohn , Follicules palingénésiques)

Imitation d'Ivan Ilitch

 

On a beau dire, la mort, il y a de quoi avoir le traczir. Si nihilique soit-on, quand on la sent approcher, on a les jetons. Pour échapper au désespoir et provoquer une sorte de transfiguration, il n'y a pas trente-six solutions : il faut se réfugier dans son enfance, comme fit en son temps Ivan Ilitch. On éprouve alors un sentiment d'immense pardon, on se réconcilie avec soi-même, et on retrouve la sérénité. — Du moins s'il faut en croire Tolstoï.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Généalogie des madrépores

 

« Pachynihil ! Matrice des madrépores ! », s'exclame Philothée O'Neddy dans son fastidieux poëme Incantation — voulant sans doute dire par là que du Rien sont nées toutes choses (dont les madrépores).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un geignard

 

Si l'on était sensé, on devrait, par des actions de grâce et des hosannas, célébrer chaque instant où l'on ne souffre pas. Mais sensé, le nihilique ne l'est guère. Au lieu de célébrer, il geint. C'est plus fort que lui. Il faut dire aussi qu'il a toujours un « pet de travers » : l'existence, tout ça...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 15 décembre 2022

Canards

 

Jouer de la flûte sur sa propre colonne vertébrale est un tour de force que le poëte Vladimir Maïakovski se vantait de pouvoir réaliser, mais auquel il dut renoncer à cause d'une dépression aiguë qui lui faisait faire des « canards » (dégoûté de tout, il soufflait au hasard, sans faire la moindre attention à la mesure ni à la mélodie).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Big sooprize

 

De toutes les choses qui arrivent à l'homme, la plus inattendue n'est pas la vieillesse, comme le croyait Trotski, mais une tête de chien couché.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Bouffetance

 

Depuis qu'il a lu chez Walter Benjamin que « prendre ses repas seul tend à rendre un homme froid et dur », le nihilique ne mange pratiquement plus que des nouilles et de la purée. Par peur !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Fin du barouf

 

Devant le cadavre de son père exposé dans son cercueil, l'écrivain Ernst Jünger se demande ce que signifie le silence inouï qui plane sur les morts. Et il est de fait que le monstre bipède, une fois « décédé », cesse de faire du barouf. Il devient aussi silencieux qu'un lave-vaisselle encastrable. Mieux vaut tard que jamais !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 14 décembre 2022

Confirmation

 

Le héros de Crime et châtiment, Rodion Romanovitch Raskolnikov, considérait ses semblables comme de la vermine. Aussi, quand il rencontra Grégoire Samsa sur le rayonnage d'une bibliothèque, murmura-t-il pour soi-même : « Je le savais. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Aigreur


Quand on est aigri, on fait un peu pitié, on passe pour un personnage comique, mais ce n'est pas grave : ça vous rend encore plus aigri or on ne l'est jamais assez (c'est comme la solitude).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

L'idée de temps chez Bergson

 

Dans son cours au Collège de France, Bergson, partant du principe que partout où il y a survivance du passé dans le présent, il y a mémoire et donc conscience, fait l'hypothèse que toute vie est une forme de conscience (pp. 55-56). Puis, il envisage que la matière inerte est douée elle aussi d'une conscience minimale créant une sorte de passerelle entre deux moments de la durée. C'est cette conjecture audacieuse qui fit qu'à l'époque certains de ses collègues — dont Husserl — le soupçonnèrent de « fumer de la weed ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Grands moyens

 

S'il n'y a pas d'autre solution, abolissons le langage et l'on sera débarrassé des littérateurs.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 13 décembre 2022

Mourir à Bouvines

 

Il n'est pas trop tard pour mourir à Bouvines. On y meurt encore. Il suffit de se trouver au bon endroit au bon moment.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Quête spirituelle

 

Les personnes poursuivant une « quête spirituelle » sont immensément comiques. Imagine-t-on une fourmi, fût-elle longue de dix-huit mètres et portât-elle un chapeau sur la tête, poursuivre une « quête spirituelle » ? Non. Alors ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sicile

 

« Bientôt, tu n'existeras plus. Comme Socrate, tu es mortel. » Au moment précis où, pour la première fois, je prenais conscience de ce fait, un lourd morceau de plâtre tomba de mon « conscient intérieur », y laissant un trou aux contours de la Sicile. (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Chanter la vie

 

Considérant tout à fait possible qu'il meure demain — un accident est si vite arrivé — et convaincu de longue date que rien n'a d'importance, le nihilique décida de suivre le conseil de Michel Fugain et de « chanter la vie chante » — avant de se raviser (il « ne le sentait pas »).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 12 décembre 2022

Synesthésie

 

Quand le mnémoniste russe Solomon Cherechevski était confronté au nombre quatre-vingt-sept, une image se présentait immédiatement à son esprit : celle d'une grosse femme accompagnée d'un homme tortillant sa moustache. Cela n'empêcha pas le mnémoniste d'atteindre l'âge respectable de soixante-douze ans. Soixante-douze : un homme tortillant sa moustache accompagné d'une femme de haute spiritualité.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Kafka au bistrot

 

« Exprimons le désespoir de l'homme devant l'absurdité de l'existence, et puis allons boire un bon coup au Calice (chez le petit père Palivec) pour oublier tout ça. » (Franz Kafka, Lettre à Max Brod)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Philosophes de petite taille

 

Pourquoi s'obstiner à déblatérer sur l'être et le néant, alors que Gorgias a déja tout dit ? Dans son traité Sur le non-étant, il démontre avec une rigueur implacable que : premièrement, rien n'existe ; deuxièmement, même s'il existe quelque chose, l'homme ne peut l'appréhender ; troisièmement, même si on pouvait l'appréhender, on ne pourrait ni le formuler ni l'expliquer aux autres. On lit ça, et d'un coup, Heidegger, Sartre, Wittgenstein, apparaissent pour ce qu'ils sont : des « petits nains » — et verbeux avec ça.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sensibilité post-mortem

 

Parménide dit que les cadavres sont encore sensibles au froid, au silence et à l'obscurité. Pour le silence et l'obscurité, il ne propose rien, mais pour le froid, il recommande de les vêtir d'un slip en laine avant de les inhumer (et c'est ce que firent les Athéniens pour le stratège Cimon, au dire de Stésimbrote de Thasos).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 11 décembre 2022

Andréa c'est toi

 

L'homme est si peu fait pour la solitude qu'il ne recule devant aucune humiliation pour y échapper. Il se tourne vers la première créature venue et, reprenant l'exclamation pathétique du chanteur Boby Lapointe, lui lance : « Dis, à m'aimer, consens, va ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)