dimanche 1 janvier 2023

Aux chiottes l'expression

 

Dès qu'on s'exprime, de quelque manière que ce soit (roman, sonate, tableau de peinture, « pensées » — le pire étant évidemment les « pensées »), on devient un objet hautement comique, on se « kitschifie ». Ça crève les yeux, et pourtant les gens n'arrêtent pas de s'exprimer, ils s'expriment à qui mieux mieux. Crétins, va ! Squelettes ! Pots de pisse !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Menteries

 

Vivre, c'est vivre dans le mensonge. Du moins pour les humains — car les animaux, eux, ne mentent pas (un peu comme la terre, au dire d'Emmanuel Berl).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 31 décembre 2022

Monomanie

 

L'écrivain japonais Dazai Osamu. Quand il n'essayait pas de se suicider, il écrivait. Mais la plupart du temps, il essayait de se suicider.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Encore un effort, messieurs les sceptiques !

 

Aucun sceptique, pas même Pyrrhon, pas même Ænésidème, pas même Sextus Empiricus, et ne parlons pas de Carnéade, n'a poussé le scepticisme jusqu'au bout. Sinon, il se serait instantanément évaporé.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Quitter Bezons

 

Quand on est de Bezons et qu'on veut sortir de Bezons, il n'y a pas d'autre solution que de voyager, c'est-à-dire de transporter ses organes hors de Bezons. Mais il faut d'abord les rassembler et ce n'est pas une mince affaire !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Métaplaque métallique

 

Le poëte Ghérasim Luca a fait jore que s'il se suicidait, c'était « parce qu'il n'y a plus de place pour les poëtes dans ce monde » (cf. sa lettre d'adieu), mais si ça se trouve, c'est juste que sa gow l'avait largué. Comme même ! Du coup ! Il s'est jeté dans la Seine, du coup.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 30 décembre 2022

Un gouailleur

 

« Tu as de la gouaille, toi ?
— Oui, j'ai de la gouaille.
All right. Tu es engagé. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Anthropopithèques

 

Les vieux sont tellement affreux et les jeunes sont tellement bêtes qu'ils devraient, s'ils avaient un peu de décence, se cacher dans un trou de souris. Quant aux gens « entre deux âges », ce sont les pires, ils cumulent la bêtise et l'affreuseté et mériteraient le supplice du pal.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Participation au monde

 

Héraclite affirme que « ceux qui dorment agissent et participent à ce qui se produit dans le monde ». Si c'est vrai, ce n'est pas gai. Car alors, quel moyen reste-t-il à celui qui ne veut avoir aucune part dans « tout ça » — sinon l'homicide de soi-même ? Et encore... Peut-être que les morts, eux aussi... ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Empaillé !

 

Même un naturaliste hors pair aura du mal à s'empailler soi-même. C'est pourtant ce que parvint à faire le « penseur paradoxal » Frédéric Nietzsche (avec pas mal de difficultés, il est vrai, et il avait encore de la bourre qui lui ressortait des oreilles).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 29 décembre 2022

Ressemblances

 

Le poëte Baudelaire trouvait dans l'acte d'amour une ressemblance avec la torture ou avec l'excision d'un panaris, « plus qu'avec une tête de chien couché, en tout cas ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Réticence du nihilique à témoigner

 

Paul Celan : « Décapé par la brise irradiante de ton langage, tout au fond de la crevasse des temps, près de la glace alvéolaire, attend, cristal de souffle, ton irrévocable témoignage. »
Le nihilique : « Ah. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Complétude de la théorie du Rien

 

Gödel ment. Tout énoncé est décidable. Il suffit d'y mettre un peu du sien, de faire preuve d'un peu de « volontarisme ». Et contrairement à ce qu'il prétend, il existe bien une théorie cohérente en mesure de démontrer sa propre cohérence : celle du Rien.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Romsteak de l'absurde

 

Les auteurs du « théâtre de l'absurde » ont fait fausse route. Leur absurde est trop fabriqué et puéril. Le « réel » offre pourtant assez de possibilités en ce domaine, c'est le moins qu'on puisse dire. Ces Ionesco, ces Beckett, ces Adamov ont-ils jamais contemplé un carré de romsteak ? Dans leur assiette ? Au restaurant ? Je t'en foutrai des cantatrices chauves et des Godot, moi, tuouaouar !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 28 décembre 2022

Mots risqués

 

Il est prudent de ne pas trop répéter le vocable diplodocus. Après quelques proférations, on se sent glisser sur la pente qui mène à l'aliénation mentale. Il y a des mots comme ça, des mots un peu risqués. Aussi : anthropos (voir Tchekhov).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Boulisme impossible

 

Il vaudrait mieux ne pas connaître le monstre bipède. Car quand on le connaît, on est dégoûté à jamais de toute participation à une vie collective. On ne peut même plus jouer aux boules (sauf dérogation).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Attention au calembour

 

L'écrivain Franz Kafka menait une existence extrêmement routinière. En plus de ça, il n'était pas le gars causant. Que dire de la vie d'un pareil quidam ? Pas grand chose, et l'on sent bien qu'à plusieurs endroits de la biographie qu'il lui a consacrée, son ami Max Brod.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Anyone there ?

 

Croire à l'existence des autres est un pari audacieux. Le nihilique n'y risquerait pas son dernier billet de mille. Pourtant... Cette bourrelle... Ce garagiste de La Bourboule... Le mal n'est tout de même pas une illusion ! — Ou bien ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 27 décembre 2022

Arnaque aux bouchons

 

Le seul et unique fabricant de bouchons de bouteilles de vin, c'est Dieu (s'il existe). Tous les autres sont des imposteurs.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Assez de salamalecs !

 

Le poëte Lessing dit vrai : il nous reste à singer, en mourant, le petit babouin. En « dévissant son billard », le petit babouin nous a montré la voie. Alors assez de salamalecs ! Ou comme dirait l'autre : « Assez de mots. Un acte ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Mouettes

 

Les femmes sont d'un susceptible... On ne peut même pas leur dire qu'elles sont Nina, qu'Untel est Trigorine et que tel autre est Treplev, elles sont piquées au vif et ne pipent plus un mot.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Question indécidable

 

Le logicien Kurt Gödel possédait dans son jardin, à Princeton, un flamant rose en ciment « d'un kitsch achevé » (Gragerfis) dont il était très fier. Il pensait en outre que son réfrigérateur produisait des émanations toxiques, appréciait beaucoup le dessin animé Blanche-Neige, et craignait constamment d'être empoisonné. Tout cela fait-il de lui un nihilique ? La question est indécidable.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 26 décembre 2022

Pensée calvitiée

 

L'insouciance réclame beaucoup de cheveux. Et c'est la même chose, semble-t-il, dans le domaine de l'esprit. L'alopécie mène à la métaphysique comme à la mélancolie.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Combat contre le Biscayen et la mégère difforme

 

« Regarde, ami Sancho ; voilà devant nous une mégère difforme au faciès d'hippopotame et un garagiste de La Bourboule, auxquels je pense livrer bataille et ôter la vie avant qu'ils n'aient eu le temps de dire ouf. Car c'est grandement servir Dieu que de faire disparaître si mauvaise engeance de la face de la terre. Tu vas voir comme ils vont jeter le sang par le nez, par la bouche et par les oreilles. Ils ne connaissent pas Raoul, les salops ! Allez, hue, Rossinante ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Incipit sans suite

 

« Dans un village de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom1, des habitants sont vent debout contre un projet de poulailler. Ils dénoncent le risque d'une moins-value immobilière et s'inquiètent de possibles nuisances olfactives. Le porteur du projet et les élus tentent de les rassurer. »

1. Il s'agit de Domjean, au sud de Saint-Lô. (NdE)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Réponse d'Allemand

 

Quand Bildad demande à Job comment il va yau de poêle, le « torturé » — comme l'appelle Kierkegaard — ne semble pas saisir la plaisanterie et répond : « Si du moins le fléau donnait soudain la mort !... Mais il se rit des épreuves de l'innocent. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 25 décembre 2022

Aux chiottes les nymphéas

 

Au dire de son fils Michel, le peintre Monet non seulement ne termina pas son dernier tableau, mais il le lacéra à coups de couteau. Il en avait marre de la peinture. Il trouvait ça « con ». Les formes, les couleurs, les « bon Dieu de nymphéas », il en avait soupé. Il n'aspirait plus qu'à une chose : le Rien.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Réminiscence de Pavese

 

Aura-t-elle tes yeux quand elle viendra, on ne sait pas, mais pour l'instant la mort ne vient pas, et ce qui est certain, c'est que le temps est long dans ces conditions. Alors on le meuble d'agissements qui peuvent à première vue paraître raisonnables, et s'ils ne le sont pas, du moins en avons-nous l'habitude.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Existence phonématique

 

La vie n'est pas un chemin pavé de roses, mais puisqu'on est là, il faut essayer d'en tirer le meilleur parti. Comment ? Par exemple en se gorgeant de phonèmes (ba, be, bi, bo, bu) — mais ce n'est qu'un exemple.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)