Anglophile
et contempteur de Jeanne d'Arc, le peintre Eugène Boudin semblait une
réplique moderne de Cauchon. Comme ce dernier, il s'en dédisait, ce qui
n'empêchait pas Charles Baudelaire de trouver ses tableaux « aux pommes ».
Pour
évoquer quelque mélancolique pèlerinage aux lieux jadis fréquentés avec
la femme infidèle, le poëte Santiago Ginsberg propose de dire
simplement jabuneh. C'est plus court et plus expressif.
Il
est amer et doux, pendant les nuits d'hiver, d'écouter, près du feu qui
palpite et qui fume, l'humoriste Fernand Berset raconter une histoire
de Ouin-Ouin (comme celle de Ouin-Ouin qui va chercher sa femme à la
gare de Neuchâtel).
Lorsqu'on
lui affirme qu'il y a de l'être, le nihilique réagit exactement comme
Farah quand le Shah faisait « Ah » (selon Pierre Dac) : il dit « Bah ».
Dans
la nuit de l'hiver galope un grand homme blanc. C'est le philosophe
Henri Bergson qui fait une démonstration de son « élan vital ». Il file
comme une flèche sur la plaine enneigée !
C'est
étrange, mais nos rêves n'arrivent jamais à engendrer correctement
Marguerite Urcelar. Quand la poétesse apparaît, elle est toujours
disséquée ou fragile, ou avec de ridicules variations morphologiques, ou
d'un format inadmissible, ou terriblement fugace, ou tirant sur la
vache ou sur l'hippopotame.
L'être
humain, probablement pour faire oublier ses origines honteuses, s'est
lancé dans les « choses de l'esprit ». Mais tout ce qu'il a pu produire en
fait de « choses de l'esprit » se résume à « ba be bi bo bu », autrement
dit à une suite de phonèmes !!!
Au
nombre des choses qui ne vont pas, en ce monde, il y a les livres de
Marguerite Urcelar. Ils sont mal écrits et sans intérêt. La poétesse a
eu le nez creux de se réfugier dans le Maine car ç'aurait pu barder pour
son matricule.
Quoi
qu'on obtienne dans la vie, quelque sommet qu'on atteigne, fût-on même
un « sage de la rue Cambon », ce n'est jamais « the real thing ». Au
contraire, comme on ne tarde pas à s'en apercevoir, c'est de la
révérence parler merde. Peut-être que la vraie chose n'existe pas ?
Le
22 mars 1986, avant d'avoir pu faire la moindre révélation, le banquier
et criminel italien Michele Sindona meurt empoisonné dans sa cellule de
prison. Son café contenait du cyanure. Est-ce un suicide ? Une
élimination commanditée par le redoutable chef de la loge Propaganda Due ? Comme Heidegger à propos de l'être, on se perd en conjectures. Il
s'en passe, des choses, dans la réalité empirique ! Des vertes et des
pas mûres !
Être
ceci ou cela est au delà de nos forces. Nous ne pouvons pas. Et non
seulement nous ne pouvons pas, mais nous n'en avons pas envie. Être
quelque chose est trop — disons le mot — guez. Comme Bartleby, nous « préférons ne pas ».
Schopenhauer
dit que quand on considère le problème de l'immortalité de l'âme, c'est
comme quand on regarde le film Deliverance : on en vient fatalement à
se poser la question « Was Drew actually shot ? » C'est ce que les
philosophes appellent « l'incertitude épistémique ».
Dans
tout métier, il y a des virtuoses et des gâcheurs, et dans celui de
vivre aussi. Le nihilique est un gâcheur, mais il faut dire qu'on ne lui
a jamais montré (comment vivre et tout ce qui s'ensuit). En plus, il a
la comprenoire bouchée : sorti de « rien n'est », il ne pige que dalle.
Jorge
Luis Borges appelle l'auteur des Voyages de Gulliver « un homme
d'essentielle amertume », et cela nous émeut au suprême. On a trouvé en
Swift une âme sœur ! Un copain ! N'est-ce pas ce qu'il y a de meilleur
au monde ?
Pour
le philosophe David Hume, il n'y a pas plus de Moi que de beurre dans
le placard. L'individu n'est qu'une ribambelle de perceptions qui se
succèdent à une vitesse incroyable : tac-tac-tac ! Comme une
mitraillette.
Et
s'il était le cas que les âmes individuelles se perdent dans la
divinité comme la goutte d'eau dans la mer ? Rappelons-nous le vers
final de The Light of Asia de Sir Edwin Arnold : « The dewdrop slips into
the shining sea ». Ou plutôt non : ne nous le rappelons pas car il est
excessivement guez.
Adieu, Juif
errant, voyageur heureux et sans but ! Et adieu à toi aussi, Léon
Dessertine, mandataire en viandes et ancien de l'Assistance ! Votre
optimisme, chers amis, n’est pas médiocre ! Voyager sans but pour l'un ;
s'adonner au négoce de la viande pour l'autre... Si ça, ce n'est pas de
l'optimisme !...
Pas
plus que de celle de Karl Marx, on ne peut attendre de la vie du
nihilique qu'elle présente la symétrie des contrerimes de Toulet ou la
sévère précision d'un acrostiche. Quand on croit que « rien n'est », il
est difficile de mener une vie symétrique et précise — et c'est pareil
quand on professe la « lutte des classes ».
Lou
Andreas-Salomé trouvait Paul Rée un peu trop calcitrant. Nietzsche en
revanche était bonne pâte, mais cette moustache... et ce grotesque
Zarathoustra... Non, ce n'était vraiment pas possible. Peut-être Rilke,
alors, avec son « Ouvert » ?
L'homme
est un éternel insatisfait. Il passe sa vie à se plaindre. Il se plaint
de Faverges à Salé, deux villes que séparent 2 137 km, soit la distance
approximative de l'utérus au sépulcre.