« Quand
il ne raconte pas qu'il a voulu se jeter à l'eau à l'étang de Soustons,
l'homme Cioran est plaisant. Mais a-t-on idée d'écrire des livres aussi
scrogneugneu !... » — C'est en ces termes qu'au Cluny — ou était-ce
au Sélect ? —, un ami peu clément rossait le négateur (s'il faut en
croire Roland Jaccard).
Ô
Pachacamac, puissant astre du jour, toi qui as fait le monde, toi le
dieu qui l'anime, frappe ce Delerm et sa gorgée de bière de tes rayons
vengeurs ! Ce type est un vrai lavement, parole !
Les
pots de pisse tels que ce Falorni qui parlent de « transcender les
clivages », nous allons les enfermer dans un réceptacle, tout le corps
sauf la tête, les mains et les pieds, puis les nourrir de lait, de miel
et de choux-fleurs à la merde. Les insectes friands de déchets ne
tarderont pas à proliférer autour et à l'intérieur de ces scélérats. La
prochaine fois (s'il y a une prochaine fois), il diront : « surmonter les
désaccords ».
« Si la mort vient et qu'elle demande après moi, tu lui diras que Barkis veut bien.
— Que Barkis veut bien ?
— Oui, que Barkis veut bien. Rien de plus. Il en a marre, Barkis. Il en a
ras la casquette, Barkis. Il est comme Leopardi, Barkis : mûr pour la
mort. Bon Dieu ! »
Le
négateur Émile Cioran ne faisait pas partie de l'expédition
Sanders-Hardmuth, pourtant, comme le professeur Bergamotte, comme le
professeur Laubépin, il se vit frapper par la malédiction de Rascar
Capac. Il connaissait de longues périodes de léthargie entrecoupées de
moments d'agitation extrême, moments où il griffonnait à la hâte des
aphorismes, toujours les mêmes ou peu s'en fallait.
Le
mantra Om mani padme hum signifie que le joyau est dans le lotus — ce
qui vaut sans doute mieux pour lui que d'être dans la culotte du zouave
du pont de l'Alma.
Selon
Procope, la prise de Rome par Alaric fut si prompte, et l'on s'y
attendait si peu, que quand on dit à l'empereur Honoré que Rome était
perdue, il crut qu'on lui parlait d'une poule à laquelle il avait donné
ce nom. Il était complètement dépassé par les événements, le gusse ! Ce
n'est pas pour rien qu'il était le fils de Théodose Ier ! Aussi con !
Les
Polacres n'utilisent pas la formule : « Vite mangé, vite chié » ; ils
disent plutôt : « Otché, vite chié ». Ils prétendent que ça veut dire
évidemment.
Selon
l'historien Robert Temple, le Chinois Ko Yu qui inventa la berouette
aurait mérité de s'appeler Kou Yu, « car pour inventer un truc pareil, il
faut en avoir ».
Au
Thibet, on adore une quantité de divinités plus ou moins loufoques
parmi lesquelles Yama, juge des morts et seigneur des enfers, dont les
emblèmes sont la tête de mort et — il fallait s'y attendre — le
phallus.
Dans
la vie, on peut se moquer de presque tout, mais pas de Blaise Pascal.
Il est l'être non-risible par excellence. Si, comme cela se raconte, il
avait inventé la berouette, il y aurait peut-être matière à
plaisanterie, mais ce n'est pas le cas. La berouette a été inventée en
Chine un siècle avant notre ère par un nommé Ko Yu.
Le
peintre Eugène Boudin était du genre obstiné. Il consacra vingt ans de
sa vie à essayer de mettre au point un dispositif combinant les
principes du scepticisme grec et ceux de la physique du vide pour
parvenir sans effort à l'acatalepsie, c'est-à-dire à l'état
d'incompréhension complète. Il pensait qu'ayant fait le vide dans sa
tête, il pourrait peindre des tableaux « aux pommes ». Mais il dut
finalement renoncer.
Tout
le monde parle de Démocrite, d'Épicure et de Lucrèce, les gens n'ont
que ces noms à la bouche, mais en réalité, c'est au cerveau échauffé de
Leucippe que le songe ridicule de la formation de l'univers par le
concours fortuit des atomes doit son existence. Lucrèce ! Nous vous en
foutrons de Lucrèce, nous, tuouaouar ! C'est quand même quelque chose,
ça ! Pots de pisse, avec votre con de Lucrèce !
Pour
fabriquer un onguent qui soulage les brûlures existentielles, Heidegger
dit qu'il faut mélanger de la fiente de cheval fraîche à de la graisse
de porc. On fricasse le mélange sur un feu modéré pendant environ un
quart d'heure, en remuant toujours avec une spatule, puis on l'exprime à
travers une forte toile. On laisse refroidir la colature, et l'onguent
est prêt. À défaut de graisse de porc, on peut utiliser de l'huile de
noix.
Le
monstre bipède n'a ni morale ni esthétique, par contre il boulotte tout
le temps. Si on le laissait faire, il n'hésiterait pas à dévorer des
bélougas, des narvals, des phoques et des restes d'animaux dont le chien
et le cheval. Il engloberait dans sa voracité solipèdes et fissipèdes,
le salop.
À
la fin de sa vie, Georges Ribemont-Dessaignes ne voyait plus,
n'entendait plus, ne se souvenait plus. Il était devenu complètement
négatif. Il disait à son valet de chambre : « Si la mort vient — vous
la reconnaîtrez facilement, elle a les yeux de la gonzesse à Pavese —,
vous lui direz que je n'y suis pas. »
Parfois,
on est pris d'un doute, on se demande si véritablement « rien n'est ».
Car il semble bien tout de même y avoir quelque chose : des cons. Et on
ne les a pas inventés, ceux-là — ou bien ?
Une
pierre, si elle était douée de conscience, serait convaincue qu'elle
tombe librement par terre, dit Spinoza. Et il a sûrement raison. Alors
ce n'est pas la peine de faire « jore » que vous jouissez du libre
arbitre, les pots de pisse ! On vous connaît ! On ne nous la fait pas !
Affreux ! Automates de Vaucanson !
Pauvre
Roger Gilbert-Lecomte, mort à trente-six ans du tétanos après une
longue période de détresse marquée par la misère et la drogue ! Il n'a
rien écrit de passionnant, mais ce n'est quand même pas une raison !
Il
y a quelque chose de profondément déplaisant dans cette chose que le
monstre bipède appelle « l'amour ». Il y a comme un relent de filouterie
et de bêtise. Toute cette affaire pue.
Terrible
situation que celle de l'homme. Il est agressé métaphysiquement par la
conscience de sa mortalité, et visuellement par les bonnes femmes à gros
fiak.
La
plupart des gens se contentent bêtement de vivre au lieu d'exprimer
sous une forme aphoristique le mal qu'ils pensent de la vie. Nous nous
demandons comment ils font. Mais peut-être ne pensent-ils pas de mal de
la vie ? Ce serait la meilleure.
Le
serpent a une grande signification chez Nietzsche, qui le nomme le plus
intelligent des animaux. Il joue également un rôle important dans la
Bible, où il se comporte en vrai petit fidgarce. Comme quoi on peut être
intelligent et un petit fidgarce (ou fidjarce).
Il
est vertigineux de penser que chacun possède parmi ses ancêtres un ou
plusieurs hommes préhistoriques. On pourrait croire que cela incite le
monstre bipède à une certaine modestie, mais ce serait mal le connaître.
Il fait au contraire comme si cette ascendance n'existait pas. Il a « l'homme préhistorique honteux ».