dimanche 18 août 2024

Allergie à l'autreté

 

Ces gens qui pensent et vivent différemment de nous, non seulement ils n'ont rien compris mais... ils font « jore ». Ce sont des céoènes.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Erreur de Malte-Brun

 

Il est faux de dire que le lait de l'yak sent le suif. En réalité, il est aussi savoureux que celui de nos bonnes vieilles vaques. Le père Huc avait déjà, sur ce point, relevé l'erreur de Malte-Brun.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Qui sont les chiens ?

 

Quels peuvent bien être ces odieux personnages qui ont « jeté aux chiens l'honneur d'un homme et finalement sa vie » ? Les « publicistes », évidemment. Et à qui ont-ils jeté cet honneur et finalement cette vie ? À monsieur Tout-le-monde ; à l'omnitude ; à vous, chers amis. Les chiens, c'est vous. C'est agréable, non ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 17 août 2024

Emploi topique de la glace

 

Quand, pour avoir intempestivement utilisé l'expression « monstre bipède », on s'est pris un bon coup sur le cassis ou dans le buffet, il faut, si l'on veut retrouver une respiration plus facile et une physionomie plus rassurée, poser de la glace sur la partie tuméfiée. Quelques heures, et c'est bon : on peut repartir du bon pied dans le « désert de Gobi de l'existence ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Fraternisation impossible

 

Que la fraternisation soit impossible avec une personne du sexe, cela est une évidence ; mais même avec un être humain normal, elle se heurte à trop d'obstacles — au premier rang desquels : le Moi. Loin d'être désintéressé et plein d'abnégation, celui-ci cherche à maximiser une « fonction d'utilité espérée » telle que celle axiomatisée par Leonard Savage !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Naissance d'une idée

 

Un jour, Saint-John Perse se retrouva bloqué dans les cagoinces. Le loquet était grippé. C'est alors que vint au poëte l'idée de concilier les avancées de la modernité rimbaldienne et mallarméenne avec les sources les plus archaïques de la parole poétique — idée qui devait faire sa fortune et lui valoir le prix Nobel.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Yponomeuta evonymella

 

À certains égards, l'idée du Rien est analogue à l'yponomeute du fusain. Les deux ont des ailes blanches ponctuées de noir. Les deux apparaissent au crépuscule, l'été, et font naître un certain vague à l'âme chez les personnes qui ne sont déjà pas trop « jouasses » d'exister.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 16 août 2024

Contre le solipsisme

 

Un argument décisif contre le solipsisme est que personne ne saurait posséder assez d'imagination ni un cerveau assez détraqué pour inventer un monde aussi horrible et surtout un monstre bipède aussi bipédiquement monstrueux.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Exception à la négation du Moi


 
Le philosophe écossais David Hume niait le Moi, sauf quand on lui piquait sa place de parking. Là, il voyait rouge.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Vérité évidente

 

Le théorème de Doppelchor dit que plus un homme a d'amis, plus il est faux comme un jeton. Doppelchor ne prend pas la peine de le démontrer, le tenant pour une « vérité évidente ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Lire Cioran fatigue

 

Après une heure passée à lire du Grandiloque, on se sent comme le quartz dit carié (lapis molaris) que l'on trouve dans la commune d'Amplepuis (Rhône) : vermoulu et criblé de trous.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 15 août 2024

Un gars sympa

 

Dans sa grande sagesse et comme il est un gars sympa, Dieu a fait l'autrui lévinassien imbuvable pour nous rendre la mort plus bénigne. Cet autrui, ce sera en effet un véritable soulagement que de ne plus voir sa tronche de crétin, ses survêtements et le reste.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Oppressante amitié

 

Pour le misanthrope, il n'y a rien de plus terrifiant que la perspective de se faire des amis. Mais il va tout faire pour que ça n'arrive pas, soyez tranquilles.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Comme tout

 

On se décarcasse à écrire des tragédies, on invente la cage théâtrale, on remporte des prix aux Dionysies, tout ça pour finir déchiré par des chiens en rentrant d'un banquet. C'est ce qui arriva à Euripide. Affreuse destinée, que ne méritait pas un si grand génie. Mais qu'est-ce que vous voulez... c'est comme tout. Oui, c'est comme tout...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Scepticisme et beau sexe

 

Pyrrhon pensait séduire les gonzesses en se donnant le genre sceptique. Il s'était laissé pousser les favoris et avait l'air de flotter dans un doute perpétuel, comme s'il avait fumé de la « beuh » ou du « shit ». Quelque question qu'on lui posât, il examinait le pour et le contre, il suspendait son jugement et se contentait de dire : « Cela n'est pas évident. » Avec les gonzesses, ça ne marchait pas du tout. Parce que les gonzesses, elles aiment quand c'est évident, justement.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 14 août 2024

Mantes

 

Les espèces de mantes, c'est comme les raisons de se faire du mouron, il y en a une tétrachiée : les mantes desséchée, superstitieuse, herbacée, la mante feuillebrune, la mante large-appendice (Mantis latystylus), les mantes sublobée, flavipenne, et mouchetée, la mante lune, la mante simulacre, les mantes patellifère, pustulée, voisine et variée, la mante à deux mamelons (Mantis bipapilla), la mante col-étendu, les mantes cuticulaire, éclaboussée, salie (inquinata) et gazée, la mante pieds-velus, les mantes ornée, pieuse, religieuse, prasine, prêcheuse et vitrée, la mante à ceinture, la phryganoïde, l'annulipède, la multistriée, la décolorée, la mante sœur, l'agréable, la mante bleu-d'acier (Mantis chalybea), la mante hanches-rouges, (Mantis rubocoxata), la mante nébuleuse, et enfin, la mante claire et la mante de Madagascar. Bien sûr, ça fait plaisir de voir qu'il y a autant de mantes, mais ça ne nous aide guère pour ce qui est de savoir comment vivre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Rêve familier

 

Quand Verlaine dit « qui m'aime », on veut bien, mais quand il ajoute « et me comprend », on se demande s'il n'est pas tombé sur la tête.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Couper court

 

La femme n'a tellement pas d'âme qu'elle finit par vous dégoûter. On aimerait l'envoyer au diable, avec ses magazines féminins. On voudrait ne plus éprouver d'attirance pour le moindre « biberon Robert ». On est tenté d'imiter Léonce d'Antioche qui, pour être tranquille, se priva volontairement des organes de la génération.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Poupou

 

Henri Bergson est le Poulidor de la philosophie. Quand il enfourche sa bécane à concepts, on a envie de lui crier : « Vas-y, Poupou ! » Alors que Husserl, lui, c'est Eddy Merckx. Il fend l'air, avec ses phénomènes !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 13 août 2024

Insoutenable légèreté

 

Imagine-t-on Damoclès jouer aux petits chevaux ou conduire un break ? Alors pourquoi le faites-vous, alors que vous êtes exactement dans la même situation ? La mortalité de l'être mortel, ça vous dit quelque chose ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pendaison pour les nuls

 

Quand Estragon dit à Vladimir : « Et si on se pendait ? », il a l'air de penser que c'est à la portée de n'importe quel couillon, mais s'il avait lu l'ouvrage d'Ambroise Tardieu sur la pendaison, la strangulation et la suffocation (J.-B. Baillière et fils, Paris, 1870), il saurait qu'on a vite fait de se luxer les vertèbres ou de se déboîter l'apophyse odontoïde, et il ferait peut-être moins le malin.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Variabilité du sort

 

Dans Les Mohicans de Paris, Gibassier dit à Maillochon que la roue tourne. 
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Stimuli

 

Entendre Samson François jouer du Chopin, c'est comme manger des moules au lard ou contempler une paire de « biberons Robert » : on a des frissons presque partout. C'est un peu comme si on faisait une « crise de palu ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 12 août 2024

Glück durch Selbstmord ?

 

Certains disent que le meilleur moyen d'être heureux est de se tuer, quand d'autres affirment que le suicide est contraire à la félicité de l'homme et en veulent pour preuve que l'homicide de soi-même est en général « précédé des plus funestes agitations » et s'exécute « avec les symptômes d'un affreux désespoir ». Comment savoir qui a raison ? Comment démêler le vrai du faux ? Dans ce « monde de néant », tout est mou, marécageux et plein de roseaux !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Libre arbitre et homicide de soi-même

 

Dans Les Possédés, l'ingénieur Kirilov se tue pour prouver sa liberté et son insubordination, mais en fait il prouve « peau de zobe », ou plutôt il prouve seulement qu'il n'a pas réfléchi au problème à fond.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une étrange comédie

 

La vie n'est pas seulement une suite d'emmerdes, c'est aussi une suite d'astuces plus ou moins vaseuses telles que comment allez-vous yau de poêle.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un proto-beatnik

 

Diogène, le célèbre philosophe cynique, n'aimait rien tant que jouer les rebelles et épater le bourgeois. C'est ainsi qu'il se « tirlipotait le schmilblick » au vu de tout le monde, comme ça, dans la rue. Son prétexte était qu'il s'efforçait de se libérer des conventions sociales étouffantes de son époque. Il se présentait comme « un précurseur de Jacques Kérouac ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 11 août 2024

Prudence avec les ratés

 

« Vous pouvez m'aimer, puisque je suis un raté. C'est sans danger.
— Peut-être, mais si nous t'aimons... tu ne seras plus un raté. Et là...  »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Paresse existentielle

 

Cosse est le nom vulgaire donné aux valves des gousses et des siliques. Tout le monde connaît les cosses du pois et du haricot. Mais il y a aussi la cosse de vivre, plus handicapante que celles du pois et du haricot réunies.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)