mercredi 14 mai 2025

Jules

 

Il est assez connu que le philosophe Jean-Paul Sartre était le « jules » de la femme de lettres Simone de Beauvoir. Quand celle-ci rencontrait des amis, elle s'entendait souvent demander : « Alors, comment va ton jules ? » Elle répondait : « Bien. Il écrit des trucs existentialistes. Ça va, il ne faut pas se plaindre. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 13 mai 2025

Mutilé de cul

 

Parce qu'il s'était blessé en explorant les gouffres, l'écrivain Henri Michaux disposait d'une carte lui donnant le droit d'occuper, dans les transports en commun, une place réservée aux mutilés de cul. Il s'en vantait au négateur Émile Cioran que cela faisait bisquer.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Où boivent les vaques

 

Dans son poëme Comédie de la soif, Arthur Rimbaud déclare qu'il veut « aller où boivent les vaques ». La question qui vient immédiatement à l'esprit est : pourquoi ? Veut-il se distraire en regardant les vaques s'abreuver ? Dit-il ça simplement pour faire l'intéressant ? Dans un cas comme dans l'autre, il nous fatigue. La poésie, ça commence à bien faire si c'est comme ça.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Pis-aller

 

Quand le Mômo ne pouvait pas mettre la main sur du péyote ou de l'opium, il lisait du George Sand : François le Champi, parfois La Petite Fadette. C'est le docteur Toulouse qui le lui avait conseillé. Ça le calmait un peu, mais ce n'était quand même pas la même chose.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Proverbe anthropologique

 

Chaque fois que Lévy-Bruhl, Marcel mausse.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

lundi 12 mai 2025

Odiosité de Bergson

 

Selon Bergson, le néant n'est « qu'un pseudo-concept sans essence ou une simple contre-possibilité de l'être affirmé » — et cette assertion suffit à nous le rendre odieux. Déjà qu'il nous faisait suer avec sa « durée », son « intuition » et son « élan vital », mais là il passe les bornes. Un pseudo-concept sans essence !... Le néant !... Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd.

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Activité frénétique des Ponge

 

Quand ils habitaient rue Lhomond, dans les années quarante, les Ponge avaient des occupations très absorbantes. Francis prenait le parti des choses pendant qu'Odette cousait ou faisait la vaisselle.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Le feu

 

C'est Roland Dorgelès qui a perdu son zippo, alors il demande à Henri Barbusse s'il a un briquet ou des allumettes. Manque de pot, Barbusse n'a rien. Alors Dorgelès dit que puisque c'est comme ça, il va demander à Maurice Genevoix. « Je pourrais aussi demander à Erich Maria, remarque. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Lugnement de Poe


Le fondateur du théâtre de l'Œuvre prétendait avoir lugné l'écrivain américain Edgar Allan Poe. Mais il ne put jamais le prouver, ni même expliquer clairement ce qu'il entendait par lugner.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 11 mai 2025

Cimetière marin

 

L'anticléricalisme du petit père Combes... entre les pins palpite, entre les tombes... Non, ce n'est pas ça.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Gustave préfère ne pas

 

Maxime Du Camp était convaincu que Flaubert aurait fait un bon maire d'Eu, mais malgré ses instances, l'auteur de Madame Bovary ne voulut jamais briguer le suffrage des Eudois.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Euphories littéraires

 

La joie qui submergeait Boileau lorsqu'il réussissait une œuvre !... L'extase de Racine !... Le bonheur ineffable de La Fontaine !...
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Artaud ou le bonnet de nuit couronné

 

La frénésie du Mômo est amusante, sa dilection pour le péyote également, ainsi que sa manie d'être envoûté, mais lui-même paraît manquer totalement d'humour. On ne l'imagine pas demander au docteur Ferdière comment il va yau de poêle.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 10 mai 2025

Loucheté du réel perçu

 

Ce qu'on nous vend pour le réel est louche, plus que louche. Tout y semble plus ou moins gélatineux. Et pourtant, ce « réel », tout le monde a l'air de le prendre pour argent comptant. Ce n'est pas pour parler comme Baldur von Schirach, mais la question se pose : comment se (rudol) fait-ce ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Insomnies du Grandiloque

 

Il n'y a pas que Ramón Pérez. Émile Cioran non plus ne pouvait pas dormir. Ce n'est pas tellement qu'il se bilait pour ceci ou pour cela, mais il pensait tout le temps à des choses. Par exemple à l'exclamation du dernier poëte païen Rutilius Namatianus : « Plût aux Dieux que la Judée n'eût jamais été conquise ! » Ça le mettait dans de ces états... Après, il ne faut pas s'étonner.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Taciturnité de l'homme aux coquelicots

 

Berkeley, Schopenhauer et Merleau-Ponty ont fait chou blanc, mais il se peut très bien que quelque quidam allongé au crépuscule dans un champ de coquelicots ait résolu le problème central de l'univers. Si c'est le cas, il s'est bien gardé d'en parler. Mais ça vaut peut-être mieux comme ça, et puis ce n'est pas dicible, si ça se trouve.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Proverbe roumain

 

Il vaut mieux manger une délicieuse soupe au vermicelle avec Mircea Eliade que faire le branque avec Brancusi.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 9 mai 2025

Automatismes cioranesques

 

À cause du négateur Émile Cioran, on ne peut pas ramer sur l'étang de Soustons sans penser à la phrase « all is of no avail », ni descendre dans la rue sans que nous vienne aussitôt à l'esprit le mot extermination. On est devenu un véritable automate de Vaucanson !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Wovon man nicht sprechen kann

 
 
Comme plus tard Ludwig Wittgenstein, Confucius refusait de parler des choses qui se trouvent « au-delà des mots » car il avait une peur terrible, presque panique, de « passer pour un con ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Rue Racine

 

On traverse la rue Racine, et immanquablement, on pense au négateur Émile Cioran traversant la rue Racine et pensant à la tombe de Celan. C'est pratiquement un réflexe conditionné.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Situation embarrassante

 

Quelqu'un qui vous dit « frère, il faut mourir », que lui répondre ? Qu'on est au courant ? Mais alors on risque de passer pour un « monsieur-je-sais-tout ». Peut-être simplement « ah ? »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 8 mai 2025

Simplification schopenhauerienne

 

Schopenhauer va un peu vite en besogne. C'est trop résumer, de dire que la vie est un pendule qui oscille de la souffrance à l'ennui. Certes, il y a la souffrance, il y a l'ennui, mais il y a aussi... les grosses dondons ! Et ça... — c'est le pis.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Immortalité de Grünberg

 

Dans un de ses poëmes, Longfellow parle du « long et mystérieux exode de la mort ». Mais — car il y a un mais — cela ne s'applique pas au poëte Carlos Grünberg. En effet, la mort ne l'a pas totalement englouti puisque ses vers sont dans notre mémoire. En tout cas ils y étaient jusqu'à récemment.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

L'homme et la mer

 

« Homme libre !
— Oui ? C'est à quel sujet ?
— Homme libre, toujours tu chériras la mer.
— Ah bon ?
— Oui. La mer est ton miroir. Tu contemples ton âme dans le déroulement infini de sa lame.
— Pas possible ?
— Si. Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
— Eh bien dis donc, alors... »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Affliction

 

Parmi les camélidés d'Amérique du Sud, l'espèce la plus désespérée n'est ni la vigogne ni l'alpaga ni le guanaco, mais une variété particulière de lama, le lama sabachthani.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 7 mai 2025

Suffocation du Quichotte

 

Lorsqu'il se fait rosser par des muletiers furieux que Rossinante se soit trop approchée de leurs bêtes, Don Quichotte suffoque d'indignation. Anticipant de quatre siècles George Floyd, he can't breathe !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Faldistoire et utopie

 

Pour avoir le droit de poser son fiacre sur un faldistoire, il faut être évêque. Autant dire que ça ne va pas être de la tarte.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Les mots et la chose

 

Quand on lit la phrase Celan s'est suicidé, cela paraît assez bénin, mais il faut se représenter les cris, les pleurs, la bousculade, l'eau entrant dans les voies respiratoires du poëte... Ç'a dû être assez horrible, en fait.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Moutons des tabors

 

Il y a des jours où on se sent tellement mal qu'on aurait envie d'imiter Jésus et de s'écrier : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Mais on ne le fait pas, car si c'est pour que notre appel se mêle au cri perdu des moutons des tabors, ce n'est pas la peine, ça ne servira à rien.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)