« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 28 novembre 2018
Pierres milliaires
Contemplant les « cigares japonais » qu'il vient à grand peine d'extraire de son fondement, le constipé admire que des stèles aussi difformes, des monuments aussi taciturnes, jalonnent l'histoire entière de sa vie.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un remède à l'angoisse d'exister ?
« Un topique des plus efficaces dans la curation d'un grand nombre de plaies et d'escarres est l'emplâtre appelée de Nuremberg. » (L'agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, Rouen, 1787)
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Un maître de la non-réussite
25 janvier. — Je découvre, en lisant un ouvrage intitulé Curiosités des Sciences occultes, d'un certain Paul Lacroix, l'utilisation que faisaient les spagyristes de la matière fécale. L'auteur cite un sieur de La Martinière, médecin du roi Louis XIV, qui dans son livre Le Chymique inconnu, ou l'Imposture de la Pierre philosophale, raconte plusieurs essais infructueux qu'il avait tentés pour réaliser le Grand Œuvre : « Je fis amasser morve, crachats, urine, matière fécale, de chacun une livre, que je fis mélanger ensemble, et mettre dans un alambic, pour en tirer l'essence, laquelle étant toute tirée, j'en fis un sel, que j'essayay en la transmutation des métaux, mais en vain, ne réussissant pas. Je retiray les fèces de toutes ces vilenies, qui étoient au fond de l'alambic, je les fis calciner, j'en fis une poudre grisâtre, tirant sur un rouge noir, j'en fis l'essay en la transmutation des métaux : je ne réussis pas. Je fis moucher pendant plusieurs jours quantité de personnes à jeun, dans des vaisseaux ; en ayant ramassé toute la morve, je la mis encore dans l'athanor, sous lequel ayant fait un feu de proportion, j'en tiray une pierre d'une vilaine couleur jaunâtre, que je mis en poudre, et l'essayay en la transmutation des métaux, à quoy je ne réussis pas. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un orignal fieffé
L'orignal n'est pas un caractère bizarre, singulier. C'est un élan du Canada.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
mardi 27 novembre 2018
Voix intérieure
Solipsiste, ne sois pas angoissé ! Souviens-toi : ces animaux — babiroussas, saumâtres caméléons, moustiques encéphalitiques, gloméruleux pélicans —, ces spectres, ces personnages dégingandés ou hiératiques que tu croises dans la rue n'ont rien que de conjectural. C'est ton imagination qui les affirme.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Le refus de nommer
Celui que révulse la facticité de l'étant (existant ou subsistant, n'importe) ignorera sciemment le signe 1, et jusqu'à l'unité phonématique qui compose le mot.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)
1. Pulflop a probablement en vue le fameux « morphème » des linguistes. (Note de l'éditeur.)
Cercle vicieux
Il arrive parfois que, par une condensation intense de sa volonté, par une exaltation prodigieuse de son dynamisme fluidique, le constipé parvienne à produire en son boyau culier une terrible incandescence, portant brutalement à la fusion la substance réfractaire qu'il renferme. L'étincelle intime, par qui tant d'énergie est subitement dégagée, non seulement fond les « cas » les plus rebelles, mais encore les réduit à l'état de dociles et fugitives vapeurs. L'ardente secousse provoque alors des vides puissants dans le côlon. Il se produit vers ces foyers d'insupportable nullité un appel irrésistible. Une hâte absolue y précipite pour y remplir l'absence une matière fascinée, liquéfiée, évaporée. Mais la transe ne dure que le temps d'un éclair, puis c'est le lent refroidissement, le retour au spongieux, au poreux, bientôt au compact, puis à l'inflexible, à l'inaltérable. Il faut alors faire appel au médiateur du Rien par excellence : le jus de pruneau.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Adresse au Grand Tout
Je ne suis qu'un bloc de matière, c'est vrai mais... un pistolet plaqué sur la tempe. Ha, ha, ha!
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
lundi 26 novembre 2018
Autrui
L'homme du nihil voit en autrui un sarcasme du Grand Tout à son adresse.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Lichen
25 janvier. — Abandonné Fichte, décidément trop indigeste. Relu plutôt la thèse du Dr Lebail, Des lichens considérés sous le point de vue économique, médical, et physiologique. On y trouve un passage captivant sur la nourriture du renne, animal qui sert de base, comme l'on sait, à l'économie du Lapon. Linné consacre d'ailleurs au cladonia rangiferina un chapitre poignant de sa Flore de Laponie. Quant à Lebail, il rappelle que d'autres peuples que les Lapons ont employé le lichen en guise de fourrage pour divers animaux, et même pour leur propre alimentation. Ainsi, à l'île Maurice, on emploie le rocella tinctoria pour fabriquer des bouillons nutritifs. En temps de disette, les Norvégiens forment de leurs lichens une pâte qu'ils mêlent soit avec des pommes de terre, soit avec d'autres aliments. Et cetera, et cetera...
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Mélèze
Imitant le mélèze, le suicidé philosophique recherche un sol meuble pour y asseoir le fondement tératogène de son haeccéité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Giboulées
Projeté, par l'existence même, de l'autre côté de l'abstraite paroi qui sépare l'être du néant, le suicidé philosophique parle peu, mais quand il parle, ses mots — et notamment celui reginglette — sont comme des giboulées de lumière tombant dans l'espace sans pesanteur d'un cristal temporel de Wilczek.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Règle numéro 10
Falsifier les données immédiates de la conscience. Se déshabituer de ce puissant toxique qu'est la pensée.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Funérailles
24 janvier. — Sous l'empereur Claude, raconte Pline, un citoyen s'avisa d'estourbir un corbeau célèbre par son adresse ; ce citoyen fut mis à mort et son corps jeté dans le Tibre ; on fit à l'oiseau des funérailles magnifiques ; un joueur de flûtiau précédait le catafalque sur lequel deux esclaves portaient le corbeau, et le convoi était suivi par une infinité de gens de tout sexe et de tout âge. C'est à ce sujet que Pline s'écrie : « Que diraient nos ancêtres, si, dans cette même Rome, où l'on enterrait nos premiers rois sans pompe, où l'on n'a point vengé la mort du destructeur de Carthage et de Numance, ils assistaient aux obsèques d'un corbeau ! »
— Hélas, que n'a-t-on vu depuis dans ce registre ! À notre époque de décadence souplement encastrée, on panthéonise jusqu'aux babiroussas, aux moustiques encéphalitiques, aux gloméruleux pélicans...
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
dimanche 25 novembre 2018
Vert dans le sens des départs
Pour atteindre la pureté du vide, il faut suivre un chemin « sinueux comme les intestins d'un mouton » — et cela en rebute plus d'un. Au grand soulagement de l'homme du nihil, la voie du Grand Rien n'est pas encombrée.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Symbolisme du « Suisse »
La Bérézina de l'être ; la grande débâcle du vouloir-vivre... Tout cela dans un peu de matière fécale moulée.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Orgue à chats
23 janvier. — « Mais en fait de cacophonie, tout a été tenté, et nous voyons jusqu'à des concerts de chats pour ajouter à la pompe des fêtes religieuses qui eurent lieu à Bruxelles, en 1549, le jour de l'octave de l'Ascension, en l'honneur d'une image miraculeuse de la Vierge. Ce jour-là, pendant la procession et après le passage de l'archange Michel, on vit paraître un chariot sur lequel était assis un ours touchant de l'orgue. Le jeu de cet orgue était formé d'une vingtaine de chats enfermés séparément dans des caisses étroites. Au-dessus de ces caisses passaient les queues des animaux liées à des cordes attachées au registre de l'orgue et correspondant aux touches. [...] L'ours, en pressant les touches de l'instrument vivant, tirait les queues des chats, ce qui leur faisait miauler des tailles, des dessus, des basses, d'une harmonie qui, sans aucun doute, devait être fort agréable à Dieu. » (Jean-Baptiste Weckerlin, Nouveau Musiciana : extraits d'ouvrages rares ou bizarres, anecdotes, lettres, etc. concernant la musique et les musiciens, 1890)
— Ô inventivité satanique du monstre bipède !
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Inscription à :
Articles (Atom)