mercredi 19 mars 2025

Barrage au Moi

 

Pour contrecarrer les menées occultes du Moi, il faut faire comme disait Cioran : n'exercer aucun métier ; rester allongé et gémir. Le Moi n'aime pas ça, il perd tous ses moyens. C'est un vrai céoène.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Coquillettes non, macaronis oui

 

L'auteur d'Antigone et du Voyageur sans bagage n'aimait pas les coquillettes. Par contre, les macaronis, il aurait fait des kilomètres pour en manger. Il y a des gens comme ça ; des gens à macaronis. Ne faut-il pas de tout pour faire un monde ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Armoire volante de l'être

 

Quand on est ontologue et qu'on traque le « mystère de l'être », on se sent tel le percepteur Alfred Puc lancé à la poursuite de l'armoire renfermant le corps de sa tante Lobligeois, que des déménageurs sans scrupules ont laissé là comme s'il s'agissait d'une vulgaire poupée du plasticien Bellmer.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pénible concrétude de l'autrui lévinassien


L'existence de l'autrui lévinassien est aussi inconcevable que difficile à nier. Ses gros genoux ne se laissent pas abstraire. Et ils prennent toute la place !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 18 mars 2025

Un personnage signifiant

 

Dans Crime et châtiment, le rôle de Semion Zakharovitch Marmeladov est de faire comprendre au lecteur que Raskolnikov est « dans la compote ». Le juge Porphyre est sur sa trace et ne le lâchera pas.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pape des escargots (et du taupicide)

 

Attaché au terroir bourguignon, nostalgique d'une manière de vivre antérieure aux chemins de fer et à l'automobile, fanatique d'escargots et d'homicide de soi-même, on est comme qui dirait un Henri Vincenot de la désagrégation du Moi.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Moins cinq


Après Gaston Doumergue et Paul Doumer, on attendait un « quelque chose Dou » mais ce fut Albert Lebrun. La série infernale était stoppée. On l'avait échappé belle. Car après... il n'y avait plus rien !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Canard létal

 

L'écrivain vénézuélien José Antonio Ramos Sucre se suicide en 1930 à Genève, où il occupe la fonction de consul, en se dissolvant dans une tasse de rhum Carupano. Il laisse trois recueils de poëmes ainsi qu'une centaine d'aphorismes aussi désespérés que lui et ce n'est pas peu dire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 17 mars 2025

De l'inconvénient d'être nez

 

Dans la nouvelle de Gogol, le nez de l'assesseur de collège Kovaliov est arrêté par la police au moment où il s'apprête à passer la frontière. Reste à le remettre en place, mais cela se révèle impossible malgré l'assistance d'un éminent médecin. Le nez est jeté au cachot où il meurt bientôt de chagrin. S'il avait pu se défendre... expliquer son cas... mais un nez !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Coulage latéral

 

Une consolation à la vieillesse est que les choses qu'on a perdues, on n'y croyait plus de toute façon. Il y a belle lurette qu'on n'est plus charmé par le « gracieux babil » des personnes du sexe. Quant à leur beauté, on ne le sait que trop, c'est un leurre — car elle coule par les côtés.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mystère

 

Comment se fait-il que tous les individus qui se piquent de culture soient d'insupportables idiots ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Plaisirs minuscules

 

Plus les années passent, plus nous devons nous contenter de plaisirs minuscules à la Delerm. N'est-ce pas ironique, si l'on considère l'aversion que nous avons pour cet auteur ? Le temps serait-il de mèche avec lui ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 16 mars 2025

Reverdissement qui ne vient pas

 

Nous ne savons pas pourquoi, c'est peut-être que nous ne sommes pas né à Narbonne et n'avons pas fréquenté Guillaume Apollinaire ni Max Jacob, mais le passage du temps ne nous est pas propice. Au lieu de reverdir comme fit le poëte des Sources du vent, nous nous enfonçons dans une déchéance physique et morale !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Zibun

 

Luc Pulflop dit que personne ne veut être Soupault, et c'est exact mais il y a pis : personne ne veut être soi-même. Dans les deux cas — être Soupault ou être soi-même — cela signifie trop de déconvenues, d'humiliations et de souffrances inutiles. S'il faut être quelque chose, soyons le pronom japonais zibun — parce que ça au moins... c'est sans danger. Ou une pierre dure, mais alors rotacée.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Trop tard ?

 

Les jours où l'ambition nous ronge, nous aimerions, comme Ribemont-Dessaignes, composer du théâtre et de la musique qui anticipent les développements ultérieurs des thèmes de l'absurde et du recours à l'aléatoire. Mais en est-on capable ? Et n'est-il pas... trop tard ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Soupault : laid ou ?

 

La beauté est une notion éminemment subjective. Prenez Philippe Soupault. Certaines femmes le trouvaient laid quand d'autres le disaient « chou ». En fait, il n'était ni l'un ni l'autre. C'était juste un gars ; un gars comme un autre ; un surréaliste.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 15 mars 2025

Exécration de Gertrude Stein

 

Nous autres humains sensibles au Bien et au Beau, comment pourrions-nous sacquer Gertrude Stein ? Tout chez elle nous irrite. Nous lui en voulons d'avoir contribué à la diffusion du cubisme, de s'être acoquinée avec la fille Bétoclasse — ce nom ! — et d'avoir dit « génération perdue » pour parler des pauvres Hemingway et Scott Fitzgerald qui n'en demandaient pas tant. Pas, Dédé ?
— Ouais. Et la coupe ? T'as vu la coupe ? Mon vieux, elle paye ! La coupe de tifs !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gauchissement de Gauchet

 

Michel Droit remarque à bon droit ou escient que La Révolution des droits de l'homme marque un gauchissement dans la pensée de Marcel Gauchet ; un genre de torsion, mieux dit : de vrillement.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mauvaise idée

 

Si votre bonne femme vous a trompé avec un garagiste de La Bourboule, il ne faut pas chercher à vous calmer en écoutant de l'Ennio Morricorne.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Lettrines de lapin


Julien Gracq a l'air de croire que toutes les pensées qui lui traversent l'esprit sont intéressantes. Il en fait même des livres qu'il publie et qu'il présente comme des « mosaïques de notes de lecture, de réflexions, de souvenirs ». Mais l'intérêt en est douteux, très douteux. Et puis... cela a un petit côté pédant qui irrite assez.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 14 mars 2025

Surabondance de plasticiens

 

Dans ce « monde de néant », il y a trop de plasticiens. N'importe où que l'on pose le pied, on est sûr d'écraser au moins six ou sept plasticiens. Cette pléthore de plasticiens a quelque chose d'oppressant.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Non-interchangeabilité des concepts


Un proverbe africain dit qu'on n'oublie pas l'arbustre derrière lequel on s'est caché quand on a tiré sur un éléphant et qu'on l'a touché. Maintenant, remplacez l'éléphant par le philosophe Herbert Marcuse et l'arbustre par des amibes ou des paramécies, ce proverbe perd tout son sens.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Projet avorté

 

Dostoïevski avait un projet : devenir fou. Il l'avait conçu dès sa dix-septième année et s'en était alors ouvert à son frère, mais manque de chance ou quoi, il ne put jamais le réaliser entièrement. Il faut dire que sa bonne femme lui mettait des bâtons dans les roues en lui répétant qu'il devait faire bouillir la marmite et que s'il devenait maboule, ça n'allait « pas le faire ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tricherie de Rée


Dans une course de vitesse, le deux-roues de Dominique, même révisé par Christian Bourgois, n'aurait eu aucune chance face au soldo de Paul Rée. En effet, bien cela fût strictement interdit, le philosophe allemand avait limé la culasse de son engin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 13 mars 2025

Scootérisme littéraire

 

Sur son deux-roues, prendre la direction de Vence pour rendre visite à Witold Gombrowicz. S'il est d'accord et s'il nous reste de l'essence, lui consacrer un Cahier de l'Herne.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Assez de pétaux

 

Les écrivains japonais font trop « jore ». Ils veulent à tout prix faire savoir au vulgum pecus qu'ils sont japonais. Ils farcissent leurs ouvrages de cerisiers dont les fleurs perdent leurs pétaux. Au bout d'un moment, cela fatigue et l'on aimerait que ces auteurs parlent de choses normales (non japonaises, sans cerisiers ni pétaux).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mélèze (dans la civilisation)

 

En 1966, au séminaire du Thor, Heidegger demande à Jean Beaufret ce que c'est que le mélèze. « Le mélèze ? Le mélèze est un résineux. Un conifère. Mais attention : à feuilles caduques. » Heidegger, comme frappé par un coup de tonnerre conceptuel, en déduit que le mélèze est une chose (ein Ding). Une chose ! Le mélèze !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Riding the Grévy train

 

Dans les années 1880, de quelqu'un qui gagnait de l'argent sans se fatiguer, on disait qu'il voyageait dans le même train que le président Jules Grévy.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 12 mars 2025

Langue analytique de Wilkins

 

Dans son ouvrage An Essay towards a Real Character and a Philosophical Language paru en 1668, John Wilkins tente de définir une langue universelle qui puisse « organiser et embrasser toutes les pensées humaines ». Il divise l'univers en six catégories ou genres et assigne à chaque genre une syllabe de deux lettres. Les genres qu'il retient sont : le vrai, le faux, le laid, le beau, le dur et — c'est à peine croyable — le mou qui a un grand cou.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)