dimanche 29 août 2021

Anywhere out of this world

 

« Mon royaume, mon royaume 1 pour un cheval-vélo ! »

1. Ce que l'homme du nihil nomme son « royaume » n'est rien autre chose que... le Rien (le pachynihil). Mais oui ! (NdE)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 24 août 2021

Intentionnalité anticipatrice

 

Conscient des dangers de l'intentionnalité anticipatrice husserlienne, l'homme du nihil se garde de concevoir aucun projet grandiose. Celui d'aller faire les courses est déjà assez formidable pour lui, et il s'en passerait avec joie, mais, comme l'a dit René Char 1, « il faut bien becqueter »...

1. Dans un entretien avec Aimé Césaire.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 23 août 2021

Auto-radicalisation

 

Quoi de plus radical que la pensée que rien n'est ? Mais ici, attention : ce n'est pas dans une mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud que l'homme du nihil s'est radicalisé — il ne croit pas à ces deux abstractions (mosquée, rue Jean-Pierre Timbaud), chères au démagogue. Il l'a fait simplement en constatant que la prétendue « réalité empirique » n'est qu'une masse duveteuse, inconsistante, un agrégat d'atomes qui se dispersent comme une fumée dès qu'on prononce devant eux le vocable reginglette.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 18 août 2021

Bilan

Quand l'homme du nihil fait le bilan de sa fastidieuse épopée dans le « désert de Gobi de l'existence », l'expression qui lui vient à l'esprit est « une vie pour rien ». Il a beau refaire l'addition, le total est toujours égal à zéro. Mais pourquoi te frapper, homme du nihil ? Tu sais bien, et depuis longtemps, que toute vie est « pour rien », non ? — Si, si... je le sais, mais... c'est tout de même un peu fort de café ! 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 17 août 2021

Empaillé !

 

À le voir marcher, parler, se gratter le nez, et cetera, on jurerait que l'homme du nihil est un être vivant, mais non : il est mort depuis belle lurette. Selon Gragerfis, s'il a l'air si vivant, c'est sans doute qu'il a été « naturalisé par Chuck Testa ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 14 août 2021

Inconscience coupable

 

Rigaut, Essénine, Crevel, Garchine, Maïakovski, Crisinel... Cent pour cent des suicidés philosophiques n'étaient pas vaccinés (contre l'odiosité de l'existence).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 13 août 2021

Haeccéité et taupicide

 

Dans son ouvrage intitulé L'Alternative, le philosophe Jankélévitch, avec sa perspicacité habituelle, note qu'« être, c'est encore être ceci ou cela, n'être que ceci ou que cela, selon certaines circonstances de temps et de lieu qui, en nous assignant une place dans l'étendue et une date dans la durée, nous empêchent d'être tout le monde, d'être partout, d'être aujourd'hui et hier à la fois ». Rien n'est plus vrai et c'est bien cela qui, pour l'homme du nihil, constitue la torture suprême, c'est bien cela qui, dans l'être, lui paraît intolérable car exorbitamment grotesque. Et quand Jankélévitch ajoute qu'« ici il faut choisir : ou être en fait, et n'être que ce que l'on est, ou être infiniment, à condition de n'être plus rien », l'homme du nihil ne peut que souscrire à cet éloge discret du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 12 août 2021

Ou bien... ou bien

 

« La foi commence précisément où finit la raison », affirme Kierkegaard. Mais que faire si l'une vous est inaccessible et l'autre vous répugne ? Il ne reste qu'à « douiller » à fond — et, comme l'a bien vu Dostoïevski, on « douille » d'autant plus que l'on ne comprend pas. Heureusement, il y a le taupicide — et, peut-être plus précieuse encore, l'idée du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 11 août 2021

Fatalitas

 

Face à l'angoisse d'exister dans un monde où le vertige de la liberté — c'est-à-dire du choix de se pendre ou non avec une ficelle qu'on a attachée au portique d'entrée du potager — a de quoi vous rendre maboul, un monde où sévit en outre le terrible « monstre bipède », l'homme du nihil, toujours fataliste, endure le désespoir comme un fardeau constitutif à sa condition d'humain. En cela, il ressemble un peu à l'homme kierkegaardien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 10 août 2021

Prévention du nihil

 

« Les individus doués d'un tempérament nihilique doivent être considérés comme des personnes malades, ou du moins des sujets dont la constitution engendre sourdement des maladies chroniques, et plus tard mortelles. C'est un principe qu'on ne saurait trop inculquer aux familles, pour qu'elles se mettent en garde et livrent de bonne heure, entre les mains de la médecine préventive, des enfants ancrés dans l'idée que "rien n'est". » (Francis Devay, Traité spécial d'hygiène des familles, Paris, Labé, 1858)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 9 août 2021

Universelle insignifiance

 

L'art, la science, la philosophie, tout est glacial, ou plutôt tout est dérisoire pour l'homme qui a compris que tôt ou tard il allait se changer en cadavre. Pour un tel homme, rien n'échappe à ce sentiment d'universelle insignifiance, pas même le mot zingibéracé.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 4 août 2021

Un sage conseil


« Toi qui entres ici, abandonne toute espérance », aurait déclaré la sage-femme à l'homme du nihil — alors un nouveau-né — quand celui-ci fit ses débuts sur la scène de ce grand music-hall qu'on appelle la « réalité empirique ». — Comme elle avait raison !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 3 août 2021

Sensibilité du nihilique

 

Comme le gorille, l'homme du nihil est d'humeur sociable très ombrageuse. S'il est brutalisé — s'il doit subir, par exemple, la vue d'un « monstre bipède » en survêtement —, il devient triste, ne mange plus et se laisse périr de nostalgie. Il est en outre terriblement impressionnable au froid. Habitué à la douceur du climat du pachynihil, il est bientôt pris, quand on le plonge dans la glaciale « réalité empirique », de coryza et de bronchite mortelle.

(Fernand Delaunay, Glomérules)