lundi 12 novembre 2018

Pression conceptuelle


Lorsqu'on veut diminuer la tension d'un philosophe sans altérer la valeur du travail qu'il rend, il faut nécessairement abaisser la pression du concept dans sa pachyméninge. Un moyen sûr d'arriver à ce résultat est de restreindre — par exemple au moyen d'un coup violent porté sur le cassis de l'« ami de la sagesse » — l'ouverture d'entrée par laquelle le concept afflue.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Machine à cylindre


Un cylindre, dont la grandeur dépend de la taille du Moi que l'on veut débourrer, est coupé, sur la surface, de petites fentes de deux millimètres de large, et parallèles à l'axe. Dans l'intérieur du cylindre, et à quelque distance de sa surface convexe, on étend, d'une base à l'autre, un nombre proportionné de cordes à boyaux. Le cylindre repose sur deux supports, dont l'un, celui qui porte la manivelle, doit être plus allongé que l'autre. Aussitôt qu'on tourne la manivelle, le cylindre est mis en mouvement, les cordes touchent aux bras du treuil, et le Moi est par ce moyen tellement agité, que tout ce qu'il y a en lui de malpropre et de grossier est rejeté entre les fentes du cylindre.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un exemple à suivre


Les confréries de pénitents portent la cagoule.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Débourrage du Moi


L'usage du bât-à-bourre a trois inconvénient très nuisibles; d'abord la position gênante que l'on doit avoir pour commencer à dégrossir le Moi, la lenteur avec laquelle on opère, et surtout ses effets malsains, à raison de la poussière et des poils que l'opérateur avale en respirant. Dans son Art de débourrer le Moi, M. Lenormant propose de remplacer cet outil insuffisant et dangereux par une machine à cylindre.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 11 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Une idée perforante


Quelques espèces d'idées, et au premier chef celle du Rien, ont la singulière propriété de se creuser des trous dans les cervelles afin de s'y loger et d'y trouver un abri. M. E. Robert, ainsi que M. Lory, professeur à la faculté à Grenoble, ont étudié avec beaucoup de soin ce phénomène, qu'ils ont observé chacun de leur côté en disséquant maints suicidés philosophiques, de telle sorte qu'il ne reste aucun doute sur la propriété perforante de l'idée du Rien.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

« J'admire, assis sous un portail... »


Être là et ne rien faire. Regarder passer les convois fiévreux du sciemment.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Déréliction


Le sentiment de solitude qu'éprouve l'homme du nihil au milieu d'une assemblée de « monstres bipèdes » ne peut se comparer qu'à la quatrième déréliction du Christ lorsqu'il laissa huit de ses apôtres en Gethsémani pour aller prier au jardin des Olives.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Creux sémantique


Le flot d'images suggéré par le vocable reginglette n'était sans doute pas le même dans l'esprit d'un philosophe de l'antiquité que dans celui d'un suicidé philosophique actuel. Le mot est toutefois resté dans le même creux sémantique, pour parler comme René Thom.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Plus mordicant que Dionysos


L'excrément humain contre le Crucifié.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Purgatifs


Placé dans l'incapacité momentanée d'expulser les matières excrémentitielles accumulées — et quelquefois desséchées — dans son rectum, l'homme peut être tenté de recourir à ce puissant purgatif qu'est l'idéalisme fichtéen. Il existe cependant d'autres médicaments mieux connus, plus sûrs et moins dangereux. Pinel s'en tient aux légers laxatifs, aux purgatifs doux ; les chicoracées, les plantes savonneuses, combinées avec quelques sels neutres, suffisent en général pour faire cesser la rétention.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Le nihilisme est un humanisme


« La pensée nihilique, c'est d'abord la rigueur glacée du Rien, mais c'est aussi, alliées à cette rigueur, la chaleur de la vie, la profondeur de la réflexion, la beauté et la puissance d'une doctrine tout entière inspirée par l'esprit de limiter la souffrance humaine sans s'interdire aucun moyen, jusques et y compris le muscadet et l'homicide de soi-même. » (Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Mon ami Ben


Chacun doit nourrir le prochile lippu qui est en soi.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Luciférien


La morale de l'homme du nihil se réduit à l'orgueil de contrarier.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

samedi 10 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Pétrification


Si l'on considère que des terres humides et molles deviennent dures comme le roc par le froid de l'hiver, on doit en inférer que tout notre être s'endurcit progressivement à mesure qu'il s'éloigne du soleil. Voilà pourquoi l'homme du nihil, impatient d'activer la pétrification de son Moi, cherche refuge dans l'ombre propitiatoire d'un cagibi rienesque, qu'il ne quitte que pour faire ses courses (il n'a pas de domestiques).

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un ambitieux programme


Écraser le monde pour en exprimer le suc, puis se vautrer dans les décombres. Écrire une mystique du Rien à l'usage des suicidés philosophiques.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Ridicule


Un sens aigu du ridicule rend malaisé, voire impossible, tout effort en vue d'expliquer les propriétés macroscopiques du picodon fermier (saveur, texture, etc.) à partir du comportement microscopique des atomes et des électrons.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Exploits du nihilique


« L'homme du nihil entreprend tout d'abord de terrasser son Moi. Il s'y applique consciencieusement, méthodiquement, employant à cette fin de grandes quantités de muscadet. Le succès qui couronne cette entreprise et l'accroissement rapide de ses forces navales viennent donner un stimulant nouveau à sa soif de conquêtes et d'aventures. Il stationne un moment dans son "cagibi rienesque", puis se propose un nouvel objectif : en finir avec le réel. Mais cela lui paraît quand même un trop gros morceau, alors il se recouche — et gémit. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

La vie : une saugrenue panade


Et le Grand Rien balaiera toute chose, abolissant la saugrenuité de la panade avec la panade elle-même.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Entraves bureaucratiques


L'homicide de soi-même n'exige que peu de matériel et de compétences. À la rigueur, il suffit d'un seul instrument et de quelques semaines d'apprentissage. Mais les nombreux règlements dont cet art a été l'objet en rendent la pratique assez difficile.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Absence de sol


Il est notoire que certains organismes parviennent à prospérer même en l'absence de sol : sur un rocher nu ou un vieux mur, poussent les lichens et les mousses ; la joubarbe des toits se développe sur le faîte des maisons ; le pleurocoque est une algue verte qui couvre le tronc des arbres ; l'homme du nihil se nourrit de l'idée du Rien, etc.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un asocial


Le suicidé philosophique vit dans les bois, dans les déserts, sans lois ni demeure fixe, et prône la tératologie comme science de l'Unique.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Lanterne des morts


Vers le onzième siècle, apparaît dans la douceur romane du cimetière un petit fanal, haut de huit à douze mètres, dont le sommet est évidé par des arcades à travers lesquelles se projette la lueur d'une lanterne. Cet édicule, connu sous le nom de lanterne des morts, servait à indiquer aux nihiliques tentés par l'homicide de soi-même, pendant la nuit, l'existence d'un cimetière, et à faire naître dans leur esprit des images de débris humains à demi putréfiés, de charniers croulant sous des amas d'ossements en décomposition, pour les inciter à « y réfléchir à deux fois ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)