samedi 11 novembre 2023

Auteurs courrouçants

 

Quand on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend, quand on constate, autrement dit, le margouillis exophtalmique à quoi se réduit la « réalité empirique », on ne peut pas lire du René Char ou du Christian Bobin sans être fortement courroucé.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

vendredi 10 novembre 2023

Le nihilique contre Joss Jamon

 

Le goudron ! Le goudron et les plumes, pour l'odieux Moi !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Sinon

 

Othello incarne la jalousie, mais dans la vie de tous les jours, il devait lui arriver d'éprouver d'autres sentiments, par exemple la tristesse, la honte, ou la peur de la calvitie. Du moins faut-il le souhaiter, parce que sinon...
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Homme de l'Atlantide

 

Comme le négateur Émile Cioran avait les doigts anormalement palmés et qu'il ressemblait un peu à l'acteur Patrick Duffy, il lui avait fallu s'habituer, lorsqu'il était au restaurant, à entendre les gens murmurer : « C'est Mark Harris ! C'est l'Homme de l'Atlantide ! » Il s'y était habitué, mais ça l'énervait quand même et pas qu'un peu.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 9 novembre 2023

À la librairie

 

« Bonjour. Je cherche un livre où il n'y ait pas de Moi.
— Certainement. Que diriez-vous des Leçons sur l'intégration et la recherche des fonctions primitives, de Lebesgue ?
— Ça a l'air bien. Je le prends. Mettez m'en une grosse. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Renforcement de l'épochè

 

Il ne suffit pas de suspendre son jugement, comme le recommande Sextus Empiricus. Il faut le suspendre par les génitoires.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un « curmudgeon »

 

Quand on lui demande s'il n'en a pas assez de passer pour un vieil aigri, le nihilique répond que non et il ajoute que « pour l'instant ça va ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mercredi 8 novembre 2023

Sur les cultivateurs de paradoxe

 

Les ceusses qui cultivent le paradoxe, du genre Oscar Wilde, c'est peu dire qu'ils sont fatigants. Si nous avions un conseil à leur donner, ce serait de se carrer leurs paradoxes dans le fiak. Ça, ce serait paradoxal.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Presque comme Leopardi

 

Héritier de Leopardi, le nihilique s'est enfermé dans la bibliothèque familiale (au figuré) et en est ressorti dix ans plus tard malingre, déprimé et atteint de spondylarthrite ankylosante (au figuré). Il est arrivé trop tard pour que sa méditation métaphysique et lyrique sur le tragique de l'existence fasse de lui un précurseur de Schopenhauer, de Nietzsche, de Freud et de Cioran, mais à quelques années près c'était bon.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Refoulement nietzschéen

 

Dans sa philosophie et dans sa vie, Schopenhauer accordait une grande importance à la pitié, tandis que Nietzsche trouvait ce sentiment trop « gnangnan ». Mais en réalité, le « penseur paradoxal » faisait « jore ». Il jouait les durs. Telle une pompe à révérence parler merde mal réglée, il « refoulait ». Car en 1889, à Turin, avec le bourrineau, c'est bien un accès de pitié qui provoqua son effondrement, non ? Nous ne sommes quand même pas fous !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mardi 7 novembre 2023

Mâchoire new-yorkaise

 

Faire l'intéressant, c'est toute la vie du monstre bipède. Il croit que ça va lui permettre de « tomber les gonzesses ». Et le pis, c'est que ça marche. Ça et le prognathisme.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Une situation malaisante

 

À son propre dire, le poëte suisse Francis Giauque était prisonnier d'un atroce anneau de tristesse. Et non seulement ça, mais cet anneau flambait autour de sa chair crispée. Finalement, arrivé au bout de son rouleau, il se suicida.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

La vie, c'est à côté

 

D'après les prospectus, la vie ne devait être qu'amour, ris et jeux, mais nous, tout ce que nous avons trouvé, c'est incommunicabilité, solitude, ennui, morosité et dégoût. Comment cela se fait-il ? Se serait-on trompé d'adresse ? Ou s'est-on fait embobeliner ?
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

lundi 6 novembre 2023

Adieu, Bourboule aimée !

 

Si l'on pouvait, par un coup de baguette magique, supprimer l'instinct dit sexuel, on éliminerait du même coup les neuf dixièmes des maux qui accablent le genre humain. Il ne resterait plus que les panaris et le poëte René Char. Et « l'amour » en prendrait un drôle de coup.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 5 novembre 2023

Frimer paie

 

Pendant son agonie, devenu fou, Swift répétait : « Je suis celui que je suis » — et tout le monde rigolait. Par contre, quand plus tard ce sale petit frimeur de Rimbaud a prétendu qu'il était un autre, tout le monde s'est extasié. Qui niera après cela que l'être humain est un pot de pisse ?
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 4 novembre 2023

Voussoiement

 

Le nihilique tutoie la mort mais voussoie le Rien. L'une est presque devenue un animal familier, mais l'autre l'impressionne encore un peu.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Divergence du gradient

 

Pour vous faire oublier les horreurs de l'existence et la vilenie du monstre bipède, il n'y a rien de tel que la science mathématique. On calcule le laplacien d'un champ vectoriel quelconque (le premier qui vous tombe sous la main), et aussitôt on se sent mieux. Hélas, le soulagement n'est que transitoire, et bientôt reviennent les idées noires, comme un essaim de mouches dites « à merde » : mortalité de l'être mortel, temporalité du temps, haeccéité...
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Eye of the beholder

 

Dans le roman de Cervantes, Don Quichotte est tellement miraud qu'il croit que Dulcinée est un prix de beauté alors qu'en fait c'est un trumeau, autrement dit une grosse mocheté. Mais n'est-ce pas le cas de tout homme ? Qui pense et qui sent ? Être homme, n'est-ce pas s'éprendre de grosses mochetés ? Oh, bon Dieu !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

vendredi 3 novembre 2023

Poteaux d'angle

 

Même quand on est seul — seul comme une pesse sous la pluie, seul comme Franz Kafka —, on a quelques poteaux : Oblomov, Bartleby, Johan Nilsen Nagel...
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Memento mori

 

À partir d'un certain âge, la femme est tellement décatie qu'elle n'évoque plus une rose, un blanc flocon de neige ou du pain d'épice mais — c'est terrible à dire — la mort. Il faut alors fuir sa présence si l'on ne veut pas tomber dans une grave dépression.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Propos d'ivrogne

 

Est-il vrai que l'univers réel — et non l'univers abstrait, générique — forme un tout comportant des horloges, des bicyclettes et des écrivains latino-américains ? C'est ce qu'a un jour affirmé Ernesto Sabato, mais sans doute avait-il « tâté de la chopine ». Nous autres qui sommes sobres savons qu'il n'y a rien.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Cinquante nuances de connerie

 

Jeunes ou vieux, ayant séjourné dans une cave pendant des années ou dans une étable à vache, à peine sortis de l'imprimerie de Saint-Sauveur-le-Vicomte où ils travaillent comme protes, peu importe : les humains sont cons. Mais cons !...
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 2 novembre 2023

Endroits peuplés

 

En arrivant dans un endroit peuplé, on se dit « Bon diousse de bon diousse ! Encore un endroit peuplé ! » — et on prend ses jambes à son cou.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Deux satyres

 

Quand on lit du Hugo — Les Misérables, Les Contemplations, n'importe —, on ressent une certaine gêne à lire des phrases agencées par un satyre. Et pareil avec Flaubert. La salacité notoire de ces auteurs donne à leur œuvre quelque chose de répugnant. Surtout, cette salacité nous fait voir en eux des êtres peussédiques et même « fucking peussédiques », comme le sont les maniaques de tout poil.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mercredi 1 novembre 2023

Barrière de la langue

 

Décider de traduire l'Edda prosaïque de Snorri Sturluson — puis finalement laisser tomber car rien ne sert à rien (all is of no avail) et que de toute façon on ne comprend que dalle au vieil islandais.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Prophylaxie mentale

 

Pour éviter les mauvaises influences sur le « conscient intérieur » du sujet pensant, une idée serait, dans les bibliothèques, de remplacer les livres par des os de brebis.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Limites de la bonne composition

 

Celui qui a compris qu'il allait mourir, il lui est difficile, même en étant de bonne composition, de s'intéresser aux cubes du Corbusier ou aux incohérences du dadaïsme. La bonne composition, comme toute chose ici-bas, a ses limites.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Plic ploc

 

Le nihilique se fait tellement chier dans cette existence de merde que pour passer le temps, il écoute le bruit doux de la pluie. Par terre et sur les toits. Au début ça va, c'est agréable, mais ensuite il y a comme une langueur qui pénètre son cœur et c'est un peu « malaisant ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mardi 31 octobre 2023

Bonne blague

 

On ne fait pas plus drôle que le morceau de phrase « m'apprend un psychologue ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)