Dioscoride
ne chie pas la honte. Il prétend que le pruneau — la « prune de Damas
desséchée » — constipe, alors qu'il est notoirement laxatif. La
gênance, le gusse ! De se tromper comme ça !
Les
Anciens pensaient que le dix-septième jour de la lune était très
heureux pour planter la vigne et pour dompter les bœufs. Peut-être pas
tous les Anciens, mais quelques Anciens.
Vitruve
affirme que le bélier fut imaginé par les Carthaginois au siège de
Gades. Il fut, par la suite, perfectionné par Cétras de Chalcédoine ;
enfin, au siège de Byzance, par Polyde le Thessalien, qui servait sous
les ordres de Philippe, roi de Macédoine et père d'Alexandre. Chez les
Grecs, les péripatéticiens se servaient couramment d'un bélier à
rouleaux pour ébranler les concepts de leurs adversaires.
Le
plus rusé des mollusques, selon Aristote, est la seiche. Pourquoi ?
Parce qu'en jetant son encre, elle se rend invisible et en profite pour
saisir de gros poissons (et même des muges). Elle est mille fois plus
ficelle que le polype et le calmar, qui ne crachent leur encre que quand
ils ont peur. Savoir de telles choses embellit la vie. On se
féliciterait presque d'exister.
L'historien
latin Végèce dit que le flux et le reflux sont une sorte
de respiration de la mer. Ce n'est pas mal trouvé, mais a-t-il seulement
existé, cet historien Végèce ? Ne venons-nous pas de l'inventer, lui et
tout le saint-frusquin ?
Antisthène
le cynique proclamait qu'il préférait perdre la raison plutôt que de
ressentir un plaisir. « Le plaisir, c'est pour les caves », ajoutait-il.
Et il faut avouer que les « hédonistes » sont particulièrement énervants,
avec leurs gros genoux.
Gorgias
prétend qu'Eschyle faisait ses tragédies tout à fait ivre. Pour
certaines pièces particulièrement difficiles, il aurait même descendu
plusieurs « cubis ». Il avait, selon Gorgias, « le vin tragique ».
À
une personne « nihilique », la vie paraît une steppe inhospitalière
parsemée de rocs retors et de piquants. S'il y avait, en plus, des
chameaux de Bactriane et des yaks, cela ressemblerait tout à fait au
désert de Gobi, cet espace désespérant dont Shelley déjà disait
l'oppressante mélancolie.
Parlant
de l'infini de l'espace et du temps, Leopardi confesse que dans tant
d'immensité sa pensée sombre, et que s'abîmer lui est doux en cette mer.
Comme de toute façon il n'avait pas de « bombard », il était bien obligé
de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Les
Égyptiens, qui voyaient le bien et le mal régner également dans le
monde, et qui ne pouvaient concevoir qu'un être essentiellement bon eût
pu permettre le mal, encore moins en être l'auteur, furent les premiers
qui inventèrent deux principes, l'un bon, et l'autre mauvais. Ils
désignèrent le bon principe sous le nom d'Osiris, et le mauvais sous le
nom de Jean-René.
Quand
des témoins de Jéhovah ou des vendeurs d'aspirateurs venaient frapper
chez lui, Spinoza, pour s'en débarrasser, leur disait que l'intelligence
et la volonté de Dieu ressemblent aussi peu à l'intelligence et à la
volonté de l'homme que la constellation du Chien au chien, animal
aboyant. En général, ça marchait. Les fâcheux déguerpissaient en
marmonnant : « Il est trop con, ce mec-là. »
Capitolin
raconte que l'empereur Maximin buvait souvent dans une journée une
amphore de vin tenant à peu près vingt-huit pintes. Il ajoute
qu'ensuite, Maximin était « saoul comme un cochon » et faisait « un barouf à
tout casser ». Et ce n'est pas tout, il trouvait encore de la place pour
quarante livres de viande, au besoin pour soixante. Par contre, il
dédaignait les légumes.
Au
dire de Spartien, l'empereur Hadrien augurait quelquefois de l'avenir
par le premier vers qu'il rencontrait à l'ouverture des poésies de
Virgile. Un jour, pour changer, il essaya avec du René Char et il tomba
sur : « Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir. » Il ne put dire
que : « Merde alors ! Il n'est pas clair, ce gars-là. Achever un souvenir ? Comment ça, achever un souvenir ? »
Le
philosophe néerlandais Cornélius de Pauw dit que les orangs-outans
savent se tenir et qu'ils ne copient jamais « la détestable lubricité du
papion ». Alors que chez les humains, en revanche, c'est terrible à dire,
la femme copie souvent « la détestable lubricité du papion ».
Si
l'on en croit certaines personnes, l'ail est une « panacée universelle »,
qui prévient ou guérit tous les maux. Il faudrait voir ce que ça donne
contre la poésie de René Char. Si ça ne marche pas, c'est de la blague.
C'est
décidé : nous allons traverser notre siècle en marginal et en
solitaire, exactement comme l'a fait Varèse (selon le mot de Pierre
Boulez). Et advienne que pourra.
Quand
on souffre d'une douleur thoracique d'origine inconnue, on n'a pas
tellement envie de donner dans le genre poétique et de s'exclamer « Ô
superbe sauvagerie de l'incurable hypocondrie ! » — parce que cette
fois, ça a tout l'air d'être du sérieux.
Théodore
le Syncelle emploie avec prédilection la clausule didactylique, cette
combinaison fixe de longues et de brèves qu'on rencontre aussi en
abondance chez d'autres auteurs byzantins tels que Théophylacte
Simocatès ou Jean l'Aumônier. Et après tout, pourquoi pas : tout
n'est-il pas louable, en un sens ? Mais pour un désespéré, la clausule
didactylique n'est d'aucune utilité. Tandis que le taupicide !
Les
personnes qui vous prêtent — on se demande pourquoi — une existence
ne sont que des épiphénomènes transitoires. Eux-mêmes, d'existence, ils
n'en ont guère. Ils sont des squelettes en devenir. Alors ce prêt
ressemble à une sinistre plaisanterie. Il vaut mieux n'avoir d'existence
pour personne, si c'est comme ça.
Dès
l'instant où l'homme réalise ce qu'est la vie, il est poursuivi par la
pensée de se détruire. Avec cette pensée constamment à ses trousses, il
se sent tel Chéri-Bibi traqué par l'inspecteur Costaud.
C'est,
selon Hermogène, dans la matière qu'on trouve la cause de tous les
maux. Toutes les sensations qui nous affligent, les passions qui nous
tyrannisent, ont, dit-il, leur source dans la matière. Et il est de fait
que la matière est du genre pénible. Elle joue un rôle central dans les
panaris et dans une foultitude de phénomènes malplaisants tels que la
fiente d'oiseau qui vous tombe à l'improviste sur le crâne ou sur la
casquette. Mais que peut-on y faire ? On ne peut rien y faire. C'est
comme tout. Oui, c'est comme tout...
Nous
nous dirigeons vers la mort à petites foulées. Heidegger ne dit pas « à
petites foulées » quand il parle de son Dasein qui « poulope vers la
mort », mais l'idée générale est la même.
Où
sont les éléphants qui, au dire de Solin, abondaient dans la Mauritanie
Tingitane ? Où, les hippopotames de la Basse-Égypte, les boas de la
Calabre, les lions, les aurochs, les ours de la Macédoine, les castors,
etc. ? Ils ont disparu sans laisser de trace. Un moment ils sont là, le
moment d'après ils n'y sont plus. C'est plus fort que de jouer au
bouchon !
Démocrite
fait de la terre un large disque creusé dans son milieu. Ses amis lui
disaient qu'il « yoyotait de la cafetière » mais il affirmait en être sûr à
quatre-vingt-dix-neuf pour cent.
La
femme, on ne saurait trop s'en méfier. À première vue, elle paraît
touchante et innocente, avec ses « biberons Robert » et son « fondement de
l'historialité du Dasein » ; mais attendez un peu et vous verrez qu'elle
dépasse en perfidie Ricimer lui-même (ce Ricimer qui fit déposer et
massacrer Majorien en 461).
Les
personnes que l'on qualifie de « nihiliques » seraient-elles simplement
accablées par une fatigue mortelle ? Discerner le Rien là où tout le
monde voit du « quelque chose », cela indique, selon Boerhaave, un
épuisement total et une mort prochaine.