mercredi 9 octobre 2024

Formation du Moi

 

Notre personnalité est-elle déterminée par la « tête de con » que nous nous trimballons ? Ou bien y a-t-il... autre chose ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Flacus

 

Parmi tous ceux qui ont apporté leur pierre à l'édifice de la civilisation humaine, le seul qui mérite vraiment d'être encensé est l'inventeur du lit, ce meuble sur lequel on se couche, composé d'un cadre de bois ou de métal, qu'on garnit d'un sommier ou d'une paillasse, d'un ou de plusieurs matelas, d'un traversin ou de plusieurs oreillers, de draps et de couvertures, et où, sans se faire mal aux côtelettes, on peut s'abîmer en de fastidieuses ruminations.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Odiosité des réussissants

 

Il devrait être interdit d'avoir du succès dans quelque domaine que ce soit sous peine de recevoir la chicote. Une personne qui réussit quelque chose, ou qui a simplement l'impression d'avoir réussi quelque chose parce que des crétins l'applaudissent, c'est à croire que ça lui monte à la tête car elle devient tout de suite odieuse.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 8 octobre 2024

Comme tout

 

Vous ne l'avez peut-être pas remarqué, mais sur la côte cantabrique, les gens qui meurent de maladies chroniques ou aiguës expirent au moment où la marée commence à baisser. Ce phénomène singulier fait dire aux populations de cette côte que « c'est comme tout » ou encore que « eh ben moïeux ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Deux théologies

 

L'akridothéologie, ou théologie des sauterelles, inventée par le pasteur Rathlef, donne comme preuve de la grande intelligence de Dieu qu'Il a organisé la tête de ces insectes d'une manière admirable, qui leur permet de manger sans avoir besoin de se courber beaucoup. La robinetothéologie, conçue par Émile Cioran, allègue en revanche que Dieu est un mauvais démiurge, en d'autres termes un trouduc, car on ne trouve de robinets « vieux modèle hélas » dans aucune quincaillerie du boulevard Richard-Lenoir et « ça fait vraiment chier ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

L'ontologie comme pis-aller

 

Ayant constaté que les observateurs qui jusque là avaient étudié les vallées du Cantal étaient allés à l'aventure, sans s'occuper de coordonner, de comparer et de généraliser leurs observations, Martin Heidegger conçut l'ambition de montrer dans sa vraie lumière l'antique paysage cantalien. Mais très vite, il se rendit compte que c'était compliqué, que ça impliquait d'utiliser un cinéthéodolite et de parcourir des kilomètres à dos de mulet, alors il se rabattit sur l'être.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Beau style

 

La mort possède un charme inimitable, qui ne peut se comparer qu'à celui du pieux Fénelon. Et pour l'efficacité... Elle vous enlève ça en deux coups de cuillère à pot.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 7 octobre 2024

Insatiable mort

 

Dans sa Chronique, Guillaume de Nangis raconte que pendant l'hiver 1125, dans le Brabant, d'innombrables anguilles, sortant de leurs marais à cause de la glace, s'enfuirent et se cachèrent dans des granges à foin ; mais l'excessive rigueur du froid les fit périr : elles moururent. Plus tard, ce fut le tour de Paul-Jean Toulet, de Fernando Pessoa et de pléthore d'autres personnages plus ou moins connus. On dirait que la mort n'en a jamais assez.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Coquillages fossiles

 

La vie est ainsi faite que dans le tuf de Pausilippe on rencontre des huîtres, des cardiums, des buccins, des patelles, fossiles dont les analogues vivent encore dans la Méditerranée. On peut juger cela déplaisant et de mauvais goût, mais à tout prendre, il vaut mieux les trouver dans le tuf de Pausilippe que dans Sontcuq (Lot).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

De l'être ! Ou nous suffoquons !

 

Il y a de ces pensées qui vous envoient au trente-sixième dessous, au premier rang desquelles celle que « rien n'est ». À peine cette pensée vous a-t-elle effleuré que vous êtes atteint d'une morosité sombre et d'une accablante mélancolie. Vous ne pouvez triompher de l'état de tristesse qui vous gagne. Il survient dans tout votre être un état extraordinaire de lassitude et de faiblesse qu'aucun repos ni aliment ne sauraient réparer. Tout vous semble vain et — après tout, pourquoi ne pas le dire — relatif au gingembre (zingibéracé). Il vous faut de l'être, et vite — sous peine de suffoquer. Oui, mais où le trouver, cet être ? À Montpellier ? 
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une idée à creuser

 

Il paraît qu'on peut apaiser le courroux du ciel par un sacrifice expiatoire dont la victime n'est pas la personne qui a encouru la haine de la divinité. Ce serait à essayer, pour voir. Parce que subir sans discontinuer le courroux du ciel, c'est tout de même pénible. Et justement, nous connaissons une mégère difforme au faciès d'hippopotame qui pourrait faire l'affaire. Avec un garagiste de La Bourboule en prime.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 6 octobre 2024

Histoire de fou

 

Ganne ! Lucien Ganne ! Tu es semblable au fou de l'histoire dite « du fou qui se tape la tête contre les murs parce que ça fait du bien quand ça s'arrête » ; sauf que pour toi, ça ne s'arrêtera que quand tu seras mort, et que l'hypothèse que « ça fait du bien quand ça s'arrête », tu n'y crois que très modérément.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Conseil au désespéré

 

Si on vous demande ce que vous faites, vous direz que vous arpentez en somnambule les corridors de l'existence. À longues foulées mécaniques, vous pouvez préciser. Ça devrait suffire à couper court.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Chasse au phénomène

 

Eugen Fink décrit en ces termes le changement qui s'opérait en Husserl quand il débusquait un phénomène : « Son regard luisait d'un feu sauvage et terrible ; son poil se hérissait, ses lèvres s'ouvraient, et de son gosier sortait avec un son rauque un souffle empesté. L'air, empoisonné par cette haleine, devenait funeste au phénomène qui bientôt s'écroulait, frappé de convulsions mortelles. »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Des larmes, des saints, Dubonnet

 

Non contents de tenir pour sacrée la bouse de vache, les Hindous ont horreur du souffle et de la salive. Postillonnez chez un Hindou et vous êtes un homme mort. Le négateur Émile Cioran s'en plaignait. Chaque fois qu'il rendait visite à un Hindou, il devait faire très attention et cela exacerbait son sentiment tragique de la vie.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 5 octobre 2024

Aux chiottes le melon

 

Beaucoup de gens considèrent que parmi les plantes qui méritent d'entrer dans la composition des jardins, le melon se place au premier rang tant la nature lui a prodigué tout ce qui peut flatter à la fois la vue, l'odorat et le goût. Pourtant, il y a des grincheux qui n'aiment pas le melon. Ce n'est pas tellement qu'ils n'en aiment pas la saveur mais ils trouvent qu'il fait un peu trop le « pick me ». Et puis, ces grincheux de type dostoïevskien ne supportent pas qu'on leur force la main. Ils prétendent n'en faire qu'à leur tête. On veut leur faire bouffer du melon, eh bien on va voir.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

I buried Pan

 

Suétone raconte que du temps de Tibère on entendit crier dans les forêts : « Le grand Pan est mort ! » Tacite penche plutôt pour : « Sauce à la canneberge ! »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Va donc chez Blanchot

 

Nous voulons bien être bonne pâte mais nous n'allons pas faire au réel le plaisir de parler de lui sérieusement. S'il veut du sérieux et du profond, il n'a qu'à s'adresser à Blanchot ou à Brice Parain.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Parasitisme

 

On peut être d'accord avec le professeur Körber quand il affirme, dans son ouvrage Parerga lichenologica (Breslau, E. Trewendt, 1865), qu'il n'y a chez les lichens aucune évidence de parasitisme. Mais chez les bonnes femmes, c'est une autre histoire. Vivre aux crochets d'une « poire » est chez elles une vocation.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 4 octobre 2024

Monde éternel, monde engendré

 

Le monde pris en soi, dans sa substance, dans son être, abstraction faite des qualités qui le déterminent, est éternel. Par contre, le monde tel qu'il est aujourd'hui, dans son mouvement actuel, est engendré. Ça vous en bouche un coin, hein, les pots de pisse ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pauvreté stylistique et homicide de soi-même

 

Presque toujours, si l'on se pend, c'est faute de posséder un style aussi riche que celui de Tite-Live ou aussi véhément que celui de Salluste pour exprimer son dégoût de la vie.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Bataille de Philippes

 

Il y a fort à parier que comme Brutus, le poëte Paul-Jean Toulet eut le triste présage du sort qui l'attendait à la bataille de Philippes. Ça se sent dans ses poëmes. Dans chacune de ses contrerimes, on sent le quidam qui sait qu'il va mourir à la bataille de Philippes. Et de fait, le lundi 6 septembre 1920...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pas libre

 

« Je peux pas, là, je suis pas libre.
— Comme Claude-Emmanuel ? Le compositeur du Prélude à l'Après-midi d'un sexe aphone ? »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 3 octobre 2024

Monde étagé

 

Qu'est-ce qui a pris à Jean Philopon de s’opposer à la théorie du monde étagé de Cosmas Indicopleustès ? Quelle mouche l'a piqué ? Ce n'était pourtant pas mal, cette idée d'un univers réparti sur deux étages superposés... D'un univers en forme de parallélépipède rectangle... Il faut dire que Philopon avait la manie de tout dénigrer. Il s'en est même pris à Théodore de Mopsueste et à Proclus. C'est tout juste s'il n'a pas attaqué Basile de Césarée. Une vraie tête à claques.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un plaisir d'esthète

 

Contempler un tableau de Bram van Velde, le soir, au fond des bois... Avec en arrière-plan le son du cor et les aboiements de la meute... Ah ! Quel délice !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Syndrome de l'écrivain

 

On a tous des moments de faiblesse, comme de penser à la tombe de Celan ou de ramer sur l'étang de Soustons, mais de là à le publier !!! De là à en informer la terre entière !!! Qui ça intéresse ? Hein ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

L'endroit où l'on en bave des rondelles

 

La capitale de la douleur, ce n'est ni Paris — contrairement à ce qu'insinue le poëte Éluard — ni Bichkek — qui est la capitale du Kirghizstan — mais Bezons, dans le Val-d'Oise. On y dérouille comme ce n'est pas permis et il s'y trouve d'ailleurs plusieurs cliniques.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 2 octobre 2024

Bonheur toujours

 

Le bonheur est faux tandis que le malheur est vrai. Il faut en avoir conscience pour s'orienter convenablement dans l'existence. Après, bien sûr, la question est de savoir à quel point on aime la vérité...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une extravagante obsession

 

Beaucoup de gens pensent et même « croivent » que pour n'avoir pas à reconnaître, au moment du bilan, qu'ils ont gâché leur vie, ils doivent s'efforcer d'être heureux un maximum de minutes, d'heures et de jours. Mais il y aurait beaucoup à dire là-dessus ; car le bonheur pue pas mal du cul. Et puis gâcher sa vie... Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)