jeudi 20 janvier 2022

René le lycanthrope

 

« Demeurer tout le jour seul, enfermé dans un poêle, où l'on a tout loisir de s'entretenir de ses pensées ; puis, la nuit venue, courir les campagnes en poussant des hurlements, franchir les fossés à quatre pattes, étrangler des séries de jeunes filles et les dévorer à belles dents... Ah, quel délice ! » (Les trente-trois délices de René Descartes, Trad. de Simon Leys)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Inexistence de Descartes

 

Après de méticuleuses recherches et une « introspection à tout casser », l'homme du nihil parvint à la conclusion que le « cogito » n'était qu'une « vaste fumisterie ». « Il n'y a pas plus de cogito que de beurre au prose, déclare-t-il à Gragerfis 1. Et il est donc tout à fait possible que Descartes, sans qu'il s'en rende compte, n'ait pas été. »

1. Cf. Journal d'un cénobite mondain, p. 237.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 19 janvier 2022

Rédhibitoire

 

« Dès que quelqu'un me parle de développement personnel ou de crustacés, je sais que je me trouve en présence d'un crétin. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 16 janvier 2022

Sommeil de mort

 

« Réveille-toi, homme du nihil, de ce sommeil de mort
   Dans lequel t'a plongé la réalité empirique. »
 
Ainsi commence l'hymne national de l'homme du nihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 15 janvier 2022

Traumdeutung

 

« Cette nuit, j'ai rêvé que j'introduisais un suppositoire à la nitroglycérine dans l'anu de Gabriel Attal. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? » 
 
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

vendredi 14 janvier 2022

Fiasco

 

Malgré sa faconde toute cicéronienne, l'homme du nihil n'est jamais parvenu à convaincre quiconque que « rien n'est ». Il explique son échec par la couardise du monstre bipède, prêt à se raccrocher aux simulacres les plus absurdes — « ceci est ma main » — plutôt que d'admettre la terrible réalité du pachynihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 13 janvier 2022

Titre d'honneur

 

Concevoir une pensée, c'est ajouter au malheur du monde, mais surtout au sien propre. Quoiqu'il rumine beaucoup, le nihilique se flatte de n'en avoir jamais conçu aucune.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 11 janvier 2022

Vie intérieure

 

Gerfaut moderato, xéranthème xénotropique, mucron nodal, radicelles gamosépales, forcipressure sécante et déférente, pittosporum... Ces mots circulent dans la pachyméninge du sujet pensant comme les troupeaux de vaches de l'Inde, faméliques, improductives et sans propriétaire, mais que personne n'ose éliminer.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 9 janvier 2022

Pivois

 

Par la voix de son double — son « homme du souterrain » —, l'écrivain russe Dostoïevski dit qu'il se moque que le monde s'écroule pourvu qu'il boive son thé. S'il pense de même, l'homme du nihil remplace le thé par un « effrayant pichtegorne » qui, même accompagné de charcutaille et de fromage, lui donne des aigreurs d'estomac mais l'aide un tant soit peu à voir « la vie en beau ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 6 janvier 2022

Immortalité

 

À tous ceux qui publient des livres dans l'espoir de gagner un semblant d'immortalité, l'homme du nihil suggère plutôt d'écrire « Kilroy was here » sur le mur des doubles-vécés. C'est tout aussi efficace mais un peu moins fatigant et nettement moins ridicule.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Troisième voie

 

D'après le philosophe Jankélévitch, « on ne peut pas être à la fois tout et quelque chose ». Très bien, mais il y a une troisième possibilité, et c'est celle qu'exploite à fond l'homme du nihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 3 janvier 2022

Sancta simplicitas

 

Il semblerait que certaines personnes pensent que le temps existe simplement parce que leurs cheveux blanchissent. « Regardez, je suis soumis au vieillissement, donc le temps existe ! » — Mais vos cheveux n'existent pas plus que le reste ! Couillons, va !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Limites du scepticisme

 

Quand on a mal aux dents, on a beau se répéter que ni l'espace ni le temps n'existent « pour de vrai », que la « réalité empirique » est une coquecigrue, que tout est irréel, on a tout de même envie de se taper la tête contre les murs.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 2 janvier 2022

Escapism

 

Quel meilleur moyen que l'homicide de soi-même pour « fausser compagnie au temps » ? Mais y en a-t-il même d'autres ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 1 janvier 2022

Sans issue

 

Attachement, détachement, tout ici-bas conduit à l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 31 décembre 2021

Les damnés

 

Seul celui qui vit de ses rentes peut se payer le luxe de traiter la « réalité empirique » comme elle le mérite : comme une vaine fumée. Les autres, ceux qui « exercent un métier », sont bien obligés de faire semblant d'y croire. Mais c'est dur, oh, c'est bien dur !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 30 décembre 2021

Prix de la mal-pensance

 

L'homme du nihil a été plusieurs fois averti qu'il serait banni de la société des hommes s'il persistait à tenir des « discours haineux » à l'endroit du Grand Tout. Mais c'est plus fort que lui, c'est ça qu'ils ne veulent pas comprendre !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 29 décembre 2021

Malheuleux superlatif

 

Kierkegaard était malheuleux ; Baudelaire était malheuleux ; Hölderlin était malheuleux ; Edgar Poe était malheuleux ; Tchekhov était malheuleux ; Fernando Pessoa était malheuleux ; le « Grandiloque des Carpates » était lui aussi, malgré tout, malheuleux. Mais l'homme du nihil est encore plus malheuleux que tous ces malheuleux. Car il n'a même pas le talent pour exprimer comme il le faudrait son « malheul ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 28 décembre 2021

Mort et immortalité

 

Comment ne pas avoir le « traczir » quand on constate que tout, ici-bas, est teinté de déliquescence et de mort ? Mais quand on essaie d'imaginer un monde où il en irait autrement, on est saisi de vertige. Le « monstre bipède » immortel ! L'horreur à l'état pur.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Interlude

 

Le compositeur Igor Stravinsky lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet. Cette lecture lui fut extrêmement pénible et il confiera plus tard à son ami Diaghilev que, s'il avait eu le choix, il aurait encore préféré passer une nuit sur le mont Chauve de Modeste Moussorgsky, voire une semaine dans les steppes de l'Asie centrale de Borodine.

lundi 27 décembre 2021

Les cruelles affres de la sénescence

 

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis dit que la vieillesse est « le summum du caguant ». Il estime que vieillir est, au bas mot, cent fois plus caguant que mourir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 26 décembre 2021

Moments de doute

 

Quand il n'est pas dans son assiette, l'homme du nihil en viendrait presque à douter si le concept de reginglette est véritablement capable de rendre compte de l'essence et des structures du réel (ou s'il ne faudrait pas lui préférer celui de zérumbet zététique).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 23 décembre 2021

Interview

 

« Homme du nihil, que faites-vous actuellement ?
— Après avoir, en quelque sorte, fait le tour du néant, je me suis donné pour mission de penser l'être. Prenant comme point de départ le concept de reginglette, je vais tenter une déduction logique et systématique du réel.
— Eh bien, il ne nous reste qu'à vous souhaiter bonne chance. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Littérature

 

Pourquoi écrit-on ? Pour faire l'intéressant, neuf fois sur dix. Mais si l'homme du nihil prenait la plume, ce serait pour une autre raison (il le jure à mortel) : ce serait pour dire qu'il n'est PAS CONTENT ; pour dire que TOUT ÇA (la vie, la temporalité du temps, l'haeccéité, les mégères difformes au faciès d'hippopotame) est UN PEU FORT DE CAFÉ. Ça le soulagerait peut-être ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Justice nulle part

 

D'après Gragerfis, l'homme du nihil envisagea un temps de porter plainte contre le Grand Tout pour « violences morales » (n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours). Mais la perspective de devoir expliquer tout ça aux « bourres » le découragea.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 22 décembre 2021

Un monde zingibéracé

 

Si l'on veut aller par là, tout, dans la vie, est « relatif au gingembre » : le binôme de Newton, les maladies des yeux, les manufactures de gants en tissu, les îles Féroé et le Groenland, tout — jusqu'aux questions métaphysiques et aux objets de la théologie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vers l'essentiel

 

À mesure qu'il avance en âge, l'homme, pour peu qu'il ne soit pas l'équivalent moral d'un babiroussa, se dépouille de ses illusions, se détourne de la « réalité empirique » et se pénètre de cette vérité que tout est vain (sauf peut-être certains vocables tels que lagéniforme et zingibéracé).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Substratum

 

Pour Maine de Biran, il y a sous le Moi une autre réalité qui sert de substratum à la réalité consciente. Par opposition au Moi, il nomme cette autre réalité « substance ». Robert Férillet croit également qu'il y a en dehors du Moi quelque chose qui échappe à la conscience et dont le raisonnement seul indique l'existence : le « pachynihil ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Digestion du réel

 

Comment « digérer » la réalité empirique ? Pour éviter que l'air ne s'accumule en masse dans l'estomac, il convient de bien mastiquer chaque bouchée avant de l'avaler. Gragerfis conseille de prendre une tisane à base de fenouil pour faciliter la digestion et préconise de boire beaucoup pour éviter que les selles ne durcissent.

(Fernand Delaunay, Glomérules)