Un
négateur digne de ce nom ne se contente pas de n'applaudir à rien ; il
plonge — en pensée — tous les « applaudisseurs » dans un chaudron
d'huile bouillante. Comble de perversité, il réalise cette immersion « au
son de l'orchestre de Robert Quibel ».
Quand
il est question d'escrocs artistiques et de pots de pisse littéraires,
on pense immédiatement au « plasticien » Andy Warhol et à l'écrivain Henry
Miller, mais il y en a beaucoup d'autres. Il y a aussi le « plasticien »
Christo, le « plasticien » Joseph Beuys, les écrivains William S.
Burroughs et Richard Brautigan, le « plasticien » Basquiat... Les escrocs
artistiques et les pots de pisse littéraires, ce n'est pas ça qui
manque, allez.
Glenn
Gould ne se débrouillait pas mal au piano. Il tapait la plupart du
temps sur les bonnes touches. Mais il est responsable du naufrage de
Wertheimer, qu'il a écrasé de sa personnalité au point de le faire
ressembler à une mouche sur laquelle se serait assis un éléphant. Ayant
perdu tout espoir d'accéder à une carrière de virtuose, Wertheimer a
fait comme Phil Ochs, il s'est pendu dans la maison de sa sœur Sonny.
Alors Glenn Gould... Non. Aux chiottes, Glenn Gould. Pauvre Wertheimer !...
Glenn
Gould ne jouait sans doute pas beaucoup mieux du piano que vous et moi,
mais il faisait « jore » à un degré extraordinaire, avec sa chaise et ses
mimiques, et cela a suffi à lui assurer une réputation de génie. Tant
le monstre bipède est crédule ! Tant l'homme est un loup pour l'homme !
Jean-Paul
Sartre était surnommé le Tænia. Simone de Beauvoir, dont il était l'âme
damnée, était surnommée le Castor. S'accouplèrent-ils, nul ne le sait,
mais trop éloignés l'un de l'autre dans le système de nomenclature
binominale de Linné, ils étaient voués à rester sans descendance.
Ulcéré
de trouver des cigarettes, des bougies, des oranges, des galets, des
cageots ou des morceaux de savon dans la cage d'escalier, le concierge
du 34 rue Lhomond finit par menacer de jeter les Ponge, Francis et
Odette, à la rue.
Comment
peut-on apprécier la poésie de Pindare quand on est un être hirsute et
mal dégrossi ? Comment peut-on sentir le génie de Pindare quand on est
un « pot de pisse certifié » ? La réponse est simple : c'est impossible.
L'écrivain
polonais Jean Chrysostome Pasek, quoique né dans une famille de la
petite noblesse, avait dû s'habituer à « faire ceinture ». Il ne mangeait
pas tous les jours à sa faim dans les dernières années du règne de Jean
II Casimir Vasa. Les vivres manquaient, à cause surtout de l'invasion
des Suédois qui avait suivi la trahison des magnats.
Lorsqu'il
dirigeait le Domaine musical, Pierre Boulez apprit à ses dépens qu'il
ne fallait pas « engager un bras de fer » avec Jean Barraqué, que ce soit
sur des questions de technique contrapuntique ou autre. Il ne faisait
tout simplement pas le poids.
Dans
sa Lettre à un ami lointain, le négateur Émile Cioran enchaîne les
paradoxes à la façon mécanique d'un tracteur-navette redoutable. Au bout
de quelques pages, cela fatigue et l'on a envie de lui dire : « Grandiloque ! Grandiloque des Carpates ! Eh bien alors quoi ?! »
Dans
son Tractatus theologico-politicus, Baruch Spinoza dit que « l'intelligence et la volonté de Dieu ressemblent aussi peu à
l'intelligence et à la volonté de l'homme que la constellation du Chien
au chien, animal aboyant ». Pour mieux se faire comprendre, il ajoute : « ou que la mort de de Grossouvre à un suicide ».
Léon
Cosnard, qui fut maire du 17e arrondissement de 1877 à 1888, ne l'était
pas tant que ça puisqu'en créant l'Œuvre des loyers il apporta une aide
inappréciable à nombre de vieillards impécunieux. L'économiste Jacques
Généreux, en dépit de son travail de « refondation anthropologique de la
pensée politique et économique », ne saurait en dire autant.
Un
gusse qui doit mourir demain, cela nous étonnerait qu'il « chante la vie
chante ». Il doit plutôt être paralysé par le traczir. S'il allait faire
quelque gaffe ? Dire ce qu'il ne faut pas ? Une bévue est si vite
arrivée !
Si
vous êtes féru de musicologie et que le triple menton d'une « grosse
dondon » vous apparaît comme une résurgence de la symbolique trinitaire
telle qu'elle se présente chez Josquin des Prés, vous ferez bien de ne
pas le dire à la dondon — sinon, gare à la mornifle.
« Je
sais ce que c'est que le temps, dit saint Augustin ; mais lorsqu'on me
demande ce que c'est, je ne puis répondre ; il semble donc que je ne le
sache pas. » Ce que saint Augustin dit du temps, on peut le dire de bien
des choses et en particulier des bonnes femmes.
Lorsqu'on
est jeune, on croit que quand tel et tel seront clamecés, les choses
iront mieux ; qu'on pourra enfin respirer, ne voyant plus leurs gueules à
la télévision. Mais il n'en est rien. Des pots de pisse, il en arrive
toujours d'autres.
Contrairement
à ce que certains prétendent, ce n'est pas l'orange amère du désespoir
mais l'oignon lacrymogène de la désolation que Roger-Patrice pela (après
avoir été inculpé par le juge Boizette dans l'affaire
Péchiney-Triangle).
Le
syntagme « un carré rond » recèle une contradiction. En conséquence, il
peut et doit être mis au rebut. Par contre, la phrase « la femme est un
diable de Papini » est indemne de toute contradiction et constitue de ce
fait une vérité éternelle. C'est également le cas de la phrase « Socrate
est mort empoisonné », et cela mettait d'ailleurs Léon Chestov hors de
lui (il aimait bien Socrate, tout en le tenant à certains égards pour un
pot de pisse).
Escompter
se faire comprendre d'une personne du sexe, c'est être aussi réaliste
que le vénérable Bède qui parlait devant les pierres en espérant
qu'elles finiraient par lui répondre amen.
Le
temps exerce un ravage épouvantable dans nos muscles, nos
articulations, nos ligaments, nos tendons, notre peau et nos fascias —
un véritable « ravage de Barjavel ».
Le
jour de Noël 1956, Robert Walser quitte la clinique psychiatrique
d'Herisau et va se promener dans la campagne environnante. Au bout de
quelques kilomètres, il s'assoit dans la neige et meurt. Préfigurant
l'architecte David Vincent, il était « un homme trop las pour continuer
sa route ». Manquaient seulement l'auberge abandonnée et le vaisseau
spatial venu d'une autre galaxie.
Edmond
Husserl ressemblait un peu au capitaine Chester. Alors quand il le
croisait dans un couloir de l'Université de Fribourg, Heidegger se
mettait en position de haka — cette danse rituelle pratiquée par les
Maoris — et beuglait : « Fidji ! Fidji ! Fidji !... Bouldou ! Bouldou !
Bouldou !... Aya ! Aya ! Ayayaaaa !... » Le phénoménologue en restait
chaque fois « comme deux ronds de frite ». Il essayait d'en extraire un
schéma abstrait, une idée pure, une essence, mais rien à faire. La seule
conclusion qu'il pût en tirer était que Heidegger avait « un petit
vélo ».
Ô
Soloviev ! Vladimir Soloviev ! Tu nous donnes de l'asthme, avec ton « œcuménisme » et ton « eschatologie ». Désormais, par ta faute, nous nous
embouquons en d'usuelles asphyxies. Ton œuvre, comme celle de Maritain,
est marquée par le désir de recouvrer une intelligence sophianique de la
révélation, capable de contrebalancer les prétentions du rationalisme
moderne. C'est pas vrai, hein, vieille branche ?
Jonathan
Swift ne pouvait pas sacquer les humains. Ils lui en avaient trop fait
voir, avec leurs bruits de mastication et leurs gros genoux. Alors pour
se venger, il les arrangea bien comme il faut dans son Gulliver. Il en
fit des créatures sauvages et immondes, les « Yahoos », d'une saleté
infecte et aux coutumes répugnantes (comme le roi de Pologne François
Ubu et l'ontologue Heinrich Rickert, ils se délectent de choux-fleurs à
la merde).
Un
poëte doit avoir été élu. Il doit avoir reçu le don. Il doit entretenir
une relation privilégiée avec les muses. Sinon, n'importe qui pourrait
se dire poëte, ce serait la porte ouverte !
Quand
il ne composait pas des odes à Staline, le poëte Éluard se trompait sur
la couleur des oranges. Il était tellement « neuneu » que le fréquenter
était une véritable « capitale de la douleur ».