À
défaut de pouvoir être James Joyce, on dit qu'on aime James Joyce et le
tour est joué, on est un « connoisseur », on est auréolé de la grandeur
supposée de James Joyce. Mais aux chiottes, tout ça. James Joyce nous
fait suer, il est suprêmement pénible en plus d'être borgne, nous ne
prétendrons pas que nous l'aimons et comme dirait le Mômo : « Pensez de
moi ce que vous voudrez ».
Tous
les chantres du non-agir (exempli gratia, Jean Grenier) ont été de
fieffés hypocrites. Ils se livraient tous à des activités « en loucedé ».
S'ils avaient été fidèles à leur doctrine, leurs noms ne nous seraient
jamais parvenus. Scélérats ! Pots de pisse !
Sauf
peut-être en ce qui concerne le nombre de pattes, l'homme ne diffère en
rien d'une fourmi. Eh bien. Imagine-t-on une fourmi, fût-elle de
dix-huit mètres et portât-elle un chapeau sur la tête, exalter son Moi
en écrivant des poëmes ? Non. Alors ?
S'il
n'y a pas de Dieu, alors tous les grands imprécateurs, les Lautréamont,
les Artaud, ont perdu leur temps, pis encore, ils se sont ridiculisés.
Mais ce n'est pas bien grave puisque vivre signifie de toute façon se
ridiculiser. Et puis il y a des gens — ceux que « l'être » a poussés à
bout — chez qui le besoin de maudire est incoercible. De fait, le
psychologue américain John Tussord l'a montré, maudire soulage.
L'art
est une diversion puérile, risiblement inapte à faire oublier
l'odiosité de l'existence. Alors que faire ? Comment se distraire du
cauchemar d'avoir un Moi ? Finalement, c'est sans doute le gars Voltaire
qui avait raison : il faut cultiver son jardin. Mais attention : « ça
fait mal aux rintintins » car « la terre est basse ».
Lire
ou écrire de la poésie n'a jamais sauvé personne du désespoir. Les
poëmes ne servent qu'à faire chier tout le monde (comme les romans, les
sonates et les tableaux de peinture). Je t'en foutrai des poëmes, moi,
tuouaouar !
Selon
son propre aveu, le poëte hongrois Attila József n'avait pas un seul
ami (cf. son poëme Ni père ni mère). Fort marri de cette situation, il
se suicida en se jetant sous un train à l'âge de trente-deux ans.
Maintenant bien sûr, tout le monde l'aime, mais c'est trop tard. Oui :
trop tard.
La « mère Nature » nous oblige à faire des choses indignes d'un être pensant : ingurgiter des « nutriments », expulser les résidus de ces « nutriments »
sous la forme de cigares japonais ou de tourtes, faire la « bête à deux
dos » avec des personnes du sexe, et cetera, et cetera. Pour se sentir
moins minable, l'homme a imaginé de donner à ces choses une tournure « élevée » — « gastronomie » pour l'ingurgitation, « amour » pour la bête à
deux dos — ou de les faire « en loucedé » (expulsion des résidus). Mais
NOUS NE SOMMES PAS DUPES !!! Tout ça est RIDICULE et HUMILIANT !!!
VENGEANCE !!!
C'est
Jésus qui dit à Simon dit Pierre : « Hé, mec ! T'as une banane dans
l'oreille. » Et Simon dit Pierre répond : « Quoi ? » Alors Jésus répète : « Mec, t'as une banane dans l'oreille. » Et Simon dit Pierre dit à Jésus : « Parle plus fort, j'ai une banane dans l'oreille. » — Voilà. C'est
tout — plus ou moins.
Sombre
Dimanche (Szomorú Vasárnap) est un morceau de jazz écrit en 1933 par le
compositeur hongrois Rezső Seress. D'une tristesse et d'une mélancolie à
tout casser, il fut interdit dans la plupart des établissements
de Budapest qui craignaient qu'il ne poussât leurs clients à se pendre. En janvier
1968, Rezső Seress lui-même tenta de se suicider en se jetant par la
fenêtre de son appartement. Il survécut mais n'avait pas dit son dernier
mot. À l’hôpital où il avait été conduit, il parvint à se donner la
mort en s’étranglant à l’aide d’un câble.
Certains,
tout en reconnaissant que la vie est pleine de désagréments, affirment
qu'elle vaut « comme même » d'être vécue. Mais ils se trompent, et
doublement. Primo, elle ne vaut pas d'être vécue. Deuzio, ce n'est pas « comme même » mais « quand même ».
Rappelle-toi,
Barbara : parmi tous les étants, un seul, l'homme, a la possibilité de
s'interroger sur l'être. C'est cette interrogation (ou sa possibilité)
qui constitue l'être même de cet étant. Verstanden ?
(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon, d'après Jacques Prévert)
« Quand
le haut-parleur tonitrua “Bonne nouvelle”, je crus que l'humanité avait
été anéantie, mais ce n'était que l'annonce de la prochaine station. »
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
« Comme
je traversais la rue Racine, en proie à de noirs pensers (la tombe de
Celan), je marchai dans l'Un plotinien, heureusement du pied gauche. »
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
Il
ne faut pas s'en prendre à l'existence en faisant de belles phrases,
tel un Grandiloque des Carpates. Il faut lui dire des gros mots, comme
l'a fait Ferdine. Salope !
Parfois,
quand vous ouvrez les yeux le matin, la réalité empirique vous assaille
avec une force telle qu'on pourrait la suspecter d'avoir mangé du
Topset.
L'idée
du Rien, c'est un peu comme le Banga : il y a des fruits (juste ce
qu'il faut), il y a de l'eau (mais pas trop). Et comme le Banga, on peut
en boire à gogo (si tant est que l'on puisse parler de boire quand il
s'agit d'une idée).
Contrairement
au « Grandiloque des Carpates », Otto Weininger a mis ses idées en
pratique en se suicidant. Et surtout, surtout, il n'avait pas de « Simone
Boué », lui.
Pourquoi
Levinas a-t-il jeté son dévolu sur autrui ? Et Merleau-Ponty sur le
corps ? Ils n'avaient rien de mieux à faire ? Comment en arrive-t-on à
parler de telles bêtises, alors que le Rien vous tend les bras ?