Un
jour, le « papiège » a déclaré qu'il ne fallait pas avoir peur. Plus
facile à dire qu'à faire ! Quand on balise pour tout et pour rien depuis
sa tendre enfance ! On aimerait le voir, le « papiège », se débrouiller
avec l'être. Car c'est l'être, qui nous fout dedans. C'est angoissant,
merde ! D'exister !
On
était déjà condamné à vivre isolé dans un univers de menace et de
désolation sans autre perspective que la mort, mais il faut croire que
ça ne suffisait pas, il faut maintenant qu'on nous foute les jetons avec
des taux de monocytes, de cholestérol, de triglycérides, de
transaminases, etc. On va mal, on le sait, on n'a pas besoin de détails.
Vos mesures, vos taux, vous pouvez vous les carrer dans le fiak.
Sadistes !
On
aurait aimé, tel Achille, être remis tout jeune à la tutelle sylvestre
du centaure Chiron. Mais au lieu de ça, ce qu'on a eu, ce sont des
instituteurs bornés qui ont sottement tenté de nous persuader qu'il y
avait de l'être (personnifié notamment par le fameux « évêque Rémi »).
L'amas
de viscères et de ligaments qu'on nomme « corps », où rien ne marche que
par à-coups, illustre bien ce « désordre asiatique du monde réel » dont
parle Borges.
Le
cerveau est envahi de mots (zingibéracé, lagéniforme, strapontin,
etc.). Ils n'ont pourtant rien à y faire. C'est une propriété privée.
Alors raouste ! Schnell !
Quand
on vient de Figeac et qu'on veut rejoindre Montcuq, il faut, sur
l'autoroute A20, prendre la sortie 58 vers Villefranche-de-Rouergue,
sous peine de passer aux yeux du vulgum pecus pour un « handicapé de la
vie ».
Tu
trembles, carcasse. Mais tu tremblerais encore bien davantage si tu
savais qu'un espace vectoriel normé réel est de dimension finie quand
ses boules fermées sont compactes.
Ce
serait assez tentant d'imiter le gnostique Valentin et d'attribuer pour
principe à toute chose la mer et le silence, pour voir ce que ça
donnerait. Probablement pas grand chose, mais ça vaudrait le coup
d'essayer.
Les
écrivains sont désormais considérés comme des amuseurs, peu importe le
genre dans lequel ils donnent. Et s'ils n'amusent pas, gare : le petit
bâton dans les oneilles. Allez écrire que « rien n'est » ou que « seul le
pire arrive », après ça.
D'une
femme qui a de volumineux « biberons Robert », on dit qu'elle a de la
conversation. Mais est-ce de conversation, que l'homme a besoin ? Bien
sûr que non. La conversation, c'est pour les caves. C'est de taupicide
qu'il a besoin. Pour s'échapper une (yves) bonne fois de la malrucienne
condition humaine.
Alors
qu'on va encore à peu près bien, on peut, à quelqu'un qui vous
interroge sur la mort, répondre quelque chose du genre : « C'est ma
compagne la plus fidèle ; elle ne me quitte pas depuis l'enfance, elle
est à l'intérieur de moi. La mort fonctionne en moi, sans repos, comme
le sable coule dans un sablier. » On combine de belles phrases, on fait
le malin. Mais quand on va déjà si mal qu'on aperçoit à l'horizon la fin
des haricots, on signifie au questionneur de dégager et fissa (en le
traitant in petto de bien-portant de merde).
Novalis
dit que la vie est une maladie de l'esprit, mais il oublie de dire que
l'esprit est lui-même une maladie de la matière, celle-ci étant à son
tour une maladie du Grand Indéfini d'Anaximandre, c'est-à-dire du
pachynihil.
Il
faut imaginer Dieu, au soir de sa vie, accablé par l'idée d'avoir tout
raté, et comme un naufragé à une planche pourrie, tenter de se
raccrocher à ses rares réussites : « Tout de même. N'ai-je pas créé le
crocodile ? »
Vous
pouvez souffrir tant que vous voulez, les gens n'en ont rien à foutre.
Ils n'en ont pas plus à foutre que de la philosophie de Maritain. Vous
allez clamecer, bientôt vous n'existerez plus — ô ecchymose de l'âme ! — et eux, ils vaquent à leurs petites affaires. On avait bien raison
de les haïr depuis le début. Salops ! Euh... Pots de pisse !
Si
quelqu'un vous dit qu'il est quelque chose (écrivain, rempailleur de
chaises, commandant de gendarmerie, existentialiste chrétien),
demandez-lui simplement : « Comment que tu le sais ? » Le gars, il va se
tortiller sur sa chaise.
Il
serait intéressant de savoir si un seul poëte, à l'époque moderne,
s'est senti la conscience tranquille, ou si tous se sont vus secrètement
comme des imposteurs.
S'ils
avaient eu la moindre honnêteté intellectuelle, Cioran, Ionesco et
Beckett se seraient traités l'un l'autre de « fausse valeur » et de « pot
de pisse ». Mais au lieu de ça, ils se congratulaient mutuellement, les
salops !
On
entend les mots « indépendance grecque », et aussitôt viennent à l'esprit
les noms de Canaris, de Miaoulis, de Mavrocordatos ; puis entre en
scène l'héroïne Bobelina aux fortes cuisses, suivie de l'ours
Sobakiévitch et de son créateur Nicolas Gogol. Le cerveau humain est un
véritable automate de Vaucanson !
Le
mathématicien Carlo Bourlet accusait sa femme d'en avoir. Pour se
venger, le 12 août 1913, elle le tua avec une arête de poisson au bord
du lac d'Annecy.