samedi 26 avril 2025

Théorème de la corde universelle

 

Le 5 juillet 1932, dans un hôtel de Thonon-les-Bains, le mathématicien René Baire, profondément affecté par le caractère « non de Baire » de la réalité empirique, arrive à la conclusion qu'il vaut mieux être mort que de voir ça. Il se pend en appliquant le théorème de la corde universelle, que son confrère Paul Lévy démontrera seulement deux ans plus tard mais dont il a déjà l'intuition.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Montée obligatoire

 

La mort s'arrête dans toutes les stations — et qu'on le veuille ou non, il faut monter. Comme le train de l'alexandrin, elle « est omnibus pour Massy-Palaiseau ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Théorème de Cayley-Hamilton

 

« Annule ! Annule ton polynôme caractéristique ! Comme le ferait n'importe quel endomorphisme d'un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif quelconque ! » — disait la voix qui résonnait dans la tête du mathématicien René Baire avant qu'il ne commette son geste fatal.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De la rareté d'être de Baire

 

Un espace topologique est dit de Baire si le seul ouvert maigre de cet espace est le vide. Et c'est la même chose pour le monstre bipède, mais pour trouver un humain qui soit « de Baire », il faut se lever de bonne heure (tant ils sont tous cons).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 25 avril 2025

Not sayin'

 

« Après avoir été l'élève du Rosso, Domenico Fiorentino fut l'aide du Primatice et le collaborateur de Germain Pilon.
You don't say. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Cafouillage noaillien

 

Ingénieur et cofondateur des automobiles Panhard, René Panhard meurt le 16 juillet 1908 à La Bourboule où il était en cure thermale. « Sombre amant de la mort, pauvre Panhard ! », s'exclame la poétesse Anna de Noailles quand elle apprend la triste nouvelle — confondant apparemment le fabricant d'automobiles avec le poëte Alfred de Musset.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Principe de précaution

 

Le moyen le plus sûr de ne pas se retrouver à poil de Nicosie (ou de Limassol) est de ne pas se rendre sur l'île de Chypre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un oubli incompréhensible

 

Balzac a écrit un nombre effarant de mots, mais pas celui zingibéracé (qui est pourtant l'adjectif évoquant le mieux tout ce qu'il y a de gingembre dans l'humaine comédie).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 24 avril 2025

La connaissance douloureuse

 

On ne connaît vraiment une chose que quand elle vous a détruit aux trois quarts. Avant, on croyait la connaître. Mais maintenant... ouille ouille ouille !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Jacques n'a pas dit de raconter

 

L'expérience intérieure de Charles Juliet ne nous intéresse pas. La nôtre nous accable déjà suffisamment. Et la sienne, pourquoi la raconte-t-il, d'ailleurs ? Il ne peut pas la garder pour lui ? Lui aurait-on dit Jacadi, par hasard ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Eudémonisme négatif

 

À partir d'un certain degré d'épuisement vital, le bonheur — c'est malheureux à dire — ne consiste plus qu'en le fait de découvrir une position dans laquelle on ne souffre pas.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un auteur polyvalent

 

On se demande comment le solipsiste a fait pour écrire des œuvres aussi diverses que La Divine comédie, Macbeth et Le Voyage de monsieur Perrichon. Quel clavier ! Quelle gamme ! Quelle tessiture ! Chez ce solipsiste !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 23 avril 2025

Tempus fugit

 

Pour empêcher le temps de fuir à toute vitesse, un truc qui marche bien est de lui dérober sa tête de delco.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un forcené du graffito


Le poëte communiste Éluard écrivait le mot liberté presque partout : sur ses cahiers d'écolier, sur son pupitre, sur les arbres, sur le sable, sur la neige, il l'aurait même écrit sur son fiacre s'il avait pu. Et le plus fort est qu'il ne s'est jamais fait prendre, le scélérat !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Dire l'indicible

 

Ce qu'on ne peut dire, il faut soit le taire, soit l'exprimer par des grognements.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une formidable idée de tableau


Le Primatice un jour dit au Rosso, non pas qu'il avait bien sujet d'accuser la nature, mais qu'il devrait faire le portrait d'un jeune homme tenant une lettre. Le Rosso trouva l'idée « aux pommes » et se mit aussitôt à l'ouvrage.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 22 avril 2025

Terrain glissant

 

Quelqu'un qui prétend connaître quelque chose est soit un imbécile, soit un imposteur. Pourtant, il nous semble connaître ce fait que le Riccio était le gendre du Sodoma. Devrions-nous nous en inquiéter ? Allons-nous devoir être très courageux ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une amitié prédestinée


Plusieurs siècles les séparent, mais nul doute que si Germain Pilon et Georges Poulet avaient pu se rencontrer, ils seraient devenus « comme cul et chemise ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Refus catégorique du Parmesan

 

Comme son maître le Corrège, le Parmesan était d'un naturel bonhomme, mais sa complaisance avait des limites : il refusait absolument d'être mélangé à des soupes ou à des risottos. Il disait que cela, à coup sûr, anéantirait ses efforts pour rompre avec les codes classiques de l'harmonie.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Croquemi

 

Michelet disait de Taine que ses ouvrages faisaient peur aux enfants ; qu'il était « un véritable croquemi ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 21 avril 2025

Biffement de Magritte

 

Matisse correspondait avec Bonnard, mais pas avec Magritte. Il avait biffé ce dernier de son répertoire pour cause de « surréalisme godichon ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Recherche infructueuse des fermés fréquents

 

« Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ?
— Pas grand chose. J'ai cherché les fermés fréquents.
— Et tu les as trouvés ?
— J'ai fouillé partout, mais tu me croiras si tu veux, zéro. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

In illo tempore

 

Déchirante, cette confession du mathématicien belge La Vallée Poussin : « Nous avions vingt ans. Le plus bel âge de la vie pour pratiquer la géométrie riemannienne. Armés de diverses généralisations de l'opérateur laplacien, nous dérivions des tenseurs et des sections de fibrés vectoriels. T'en souviens-tu, ma mie ? »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bonheur suprême

 

Quand on lui demandait ce qu'est le bonheur suprême ici-bas, Li Po répondait que c'est d'écouter la chanson d'une petite fille qui s'éloigne après vous avoir demandé son chemin. Pour le négateur Émile Cioran, en revanche, le bonheur suprême consistait à gémir et à dire du mal de tout. Autant de têtes, autant d'avis.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 20 avril 2025

Non-raccordement de Loti

 

Reynaldo Hahn aimait chaque parcelle de Pierre Loti, trouvait qu'il était dans l'ensemble bien orienté, son seul regret était qu'il ne fût pas raccordé au tout-à-l'égout.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Maul

 

La poétesse Anna de Noailles pratiquait le rugby au PUC (Paris Université Club). Quand elle portait le ballon et qu'elle était saisie par un adversaire, Maurice Barrès et Pierre Loti se liaient à elle, et à eux trois, ils « formaient le maul ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bagage poétique de Marcel B.

 

Étrange ! Tous les poèmes ou presque que Marcel B. a lus sont de Marcel Béalu !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Habituation impossible

 

La définition que propose Dostoïevski de l'homme (un être qui s'habitue à tout) ne vaut pas pour le poëte Francis Giauque. Malgré cures de sommeil, électrochocs et consommation de « beuh », ce dernier ne put jamais se faire à l'opprobre d'exister. Pour mettre un terme à cette avanie, il s'immergea dans le lac de Neuchâtel.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 19 avril 2025

Indigence philosophique de la « reine de la Néva »

 

Dans son Poëme sans héros, la poétesse Akhmatova pose la question : « La conscience a-t-elle un sens ? Existe-t-elle ? » On voit qu'elle n'a pas lu Husserl, car si elle l'avait fait, elle saurait que la conscience non seulement existe mais est un flux continu et perpétuellement changeant. C'est son caractère continu qui permet à ce flux d'être « conscience de », c'est-à-dire de se représenter des contenus stables qui ne s'épuisent pas dans l'immédiateté d'une impression singulière. Ce n'est pas le tout de faire de l'acméisme, hein, il faudrait peut-être voir à lire Husserl !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)