« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
jeudi 29 novembre 2018
Vice honteux
Derrière les murs involucrés du Moi, l'homme du nihil se livre à une bacchanale d'inexistence.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Géologie du Cantal
27 janvier. — Ai décidé de me lancer dans une tâche longtemps repoussée : l'étude de la géologie du Cantal. Jusqu'à présent, les observateurs qui ont un peu étudié les vallées de ce département ont tous marché à l'aventure, sans s'occuper de coordonner, de comparer et de généraliser leurs observations, et tous ont ignoré la grande simplicité de structure et l'uniformité qui règnent en tous lieux sur les versants du grand volcan de la France centrale. J'entends quant à moi montrer dans sa vraie lumière l'antique paysage cantalien. Première étape : étudier avec soin les mollusques fossiles du terrain miocène inférieur du bassin d'Aurillac.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Intransigeance nihilique
Laisser passer en soi le Rien, cela signifie, pour l'homme du nihil, céder à cet appel venu des tréfonds de sa pachyméninge qui l'exhorte à retourner au silence et à l'inerte.
Investigateur inlassable, il a conjecturé jusque dans le morne intérieur des pierres l'analogue de cette effusion néantique. Il a suivi le fantasque Mi Fou, ses respects et ses ferveurs. Comme l'esthète chinois, il lui a même semblé saisir, dans la contemplation hallucinée du minéral, une des naissances possibles de la poësie. Mais la concordance s'arrête là. Car de Mi Fou, il ne partagera jamais les abdications 1.
1. Selon Gragerfis, Mi Fou aurait renoncé à cultiver la pensée de l'homicide de soi-même pour se consacrer plutôt à la calligraphie.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Corroboration du Moi
26 janvier. — Dans son Manuel du jeune chirurgien ou Pharmacopée chirurgicale théorique et pratique (Hérissant le Fils, Paris, 1771), Jean Nicolas décrit ainsi la recette du « bol corroborant » (bolus roborans) : « Prenez un scrupule de résine jaune, cinq grains de rhubarbe, dix grains de conserve de roses rouges, et de syrop simple, autant qu'il en faut. Mêlez, et formez-en un bol. » — Fort bien, mais quant à moi, je préfère m'en tenir au muscadet, goûtant peu la « résine jaune » et le « syrop simple ».
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 28 novembre 2018
Pierres milliaires
Contemplant les « cigares japonais » qu'il vient à grand peine d'extraire de son fondement, le constipé admire que des stèles aussi difformes, des monuments aussi taciturnes, jalonnent l'histoire entière de sa vie.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un remède à l'angoisse d'exister ?
« Un topique des plus efficaces dans la curation d'un grand nombre de plaies et d'escarres est l'emplâtre appelée de Nuremberg. » (L'agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, Rouen, 1787)
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Un maître de la non-réussite
25 janvier. — Je découvre, en lisant un ouvrage intitulé Curiosités des Sciences occultes, d'un certain Paul Lacroix, l'utilisation que faisaient les spagyristes de la matière fécale. L'auteur cite un sieur de La Martinière, médecin du roi Louis XIV, qui dans son livre Le Chymique inconnu, ou l'Imposture de la Pierre philosophale, raconte plusieurs essais infructueux qu'il avait tentés pour réaliser le Grand Œuvre : « Je fis amasser morve, crachats, urine, matière fécale, de chacun une livre, que je fis mélanger ensemble, et mettre dans un alambic, pour en tirer l'essence, laquelle étant toute tirée, j'en fis un sel, que j'essayay en la transmutation des métaux, mais en vain, ne réussissant pas. Je retiray les fèces de toutes ces vilenies, qui étoient au fond de l'alambic, je les fis calciner, j'en fis une poudre grisâtre, tirant sur un rouge noir, j'en fis l'essay en la transmutation des métaux : je ne réussis pas. Je fis moucher pendant plusieurs jours quantité de personnes à jeun, dans des vaisseaux ; en ayant ramassé toute la morve, je la mis encore dans l'athanor, sous lequel ayant fait un feu de proportion, j'en tiray une pierre d'une vilaine couleur jaunâtre, que je mis en poudre, et l'essayay en la transmutation des métaux, à quoy je ne réussis pas. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un orignal fieffé
L'orignal n'est pas un caractère bizarre, singulier. C'est un élan du Canada.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
mardi 27 novembre 2018
Voix intérieure
Solipsiste, ne sois pas angoissé ! Souviens-toi : ces animaux — babiroussas, saumâtres caméléons, moustiques encéphalitiques, gloméruleux pélicans —, ces spectres, ces personnages dégingandés ou hiératiques que tu croises dans la rue n'ont rien que de conjectural. C'est ton imagination qui les affirme.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Le refus de nommer
Celui que révulse la facticité de l'étant (existant ou subsistant, n'importe) ignorera sciemment le signe 1, et jusqu'à l'unité phonématique qui compose le mot.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)
1. Pulflop a probablement en vue le fameux « morphème » des linguistes. (Note de l'éditeur.)
Cercle vicieux
Il arrive parfois que, par une condensation intense de sa volonté, par une exaltation prodigieuse de son dynamisme fluidique, le constipé parvienne à produire en son boyau culier une terrible incandescence, portant brutalement à la fusion la substance réfractaire qu'il renferme. L'étincelle intime, par qui tant d'énergie est subitement dégagée, non seulement fond les « cas » les plus rebelles, mais encore les réduit à l'état de dociles et fugitives vapeurs. L'ardente secousse provoque alors des vides puissants dans le côlon. Il se produit vers ces foyers d'insupportable nullité un appel irrésistible. Une hâte absolue y précipite pour y remplir l'absence une matière fascinée, liquéfiée, évaporée. Mais la transe ne dure que le temps d'un éclair, puis c'est le lent refroidissement, le retour au spongieux, au poreux, bientôt au compact, puis à l'inflexible, à l'inaltérable. Il faut alors faire appel au médiateur du Rien par excellence : le jus de pruneau.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Adresse au Grand Tout
Je ne suis qu'un bloc de matière, c'est vrai mais... un pistolet plaqué sur la tempe. Ha, ha, ha!
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
lundi 26 novembre 2018
Autrui
L'homme du nihil voit en autrui un sarcasme du Grand Tout à son adresse.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Lichen
25 janvier. — Abandonné Fichte, décidément trop indigeste. Relu plutôt la thèse du Dr Lebail, Des lichens considérés sous le point de vue économique, médical, et physiologique. On y trouve un passage captivant sur la nourriture du renne, animal qui sert de base, comme l'on sait, à l'économie du Lapon. Linné consacre d'ailleurs au cladonia rangiferina un chapitre poignant de sa Flore de Laponie. Quant à Lebail, il rappelle que d'autres peuples que les Lapons ont employé le lichen en guise de fourrage pour divers animaux, et même pour leur propre alimentation. Ainsi, à l'île Maurice, on emploie le rocella tinctoria pour fabriquer des bouillons nutritifs. En temps de disette, les Norvégiens forment de leurs lichens une pâte qu'ils mêlent soit avec des pommes de terre, soit avec d'autres aliments. Et cetera, et cetera...
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Mélèze
Imitant le mélèze, le suicidé philosophique recherche un sol meuble pour y asseoir le fondement tératogène de son haeccéité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Giboulées
Projeté, par l'existence même, de l'autre côté de l'abstraite paroi qui sépare l'être du néant, le suicidé philosophique parle peu, mais quand il parle, ses mots — et notamment celui reginglette — sont comme des giboulées de lumière tombant dans l'espace sans pesanteur d'un cristal temporel de Wilczek.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Règle numéro 10
Falsifier les données immédiates de la conscience. Se déshabituer de ce puissant toxique qu'est la pensée.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Inscription à :
Articles (Atom)