mardi 21 février 2023

À la façon de Lichtenberg

 

Produire de l'aphorisme comme d'autres du fumier ; mais... sans la vaine ambition d'accroître la fertilité des sols. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

En forme de voile

 

L'idée du Rien est véliforme : c'est un clinfoc, mieux, une trinquette, qui emporte le sujet pensant, escorté d'une bande de mouettes chapardeuses et d'un petit troupeau de requins-marteaux, vers cette île enchantée appelée Pachynihil, où l'on ne connaît pas le mal aux dents. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 20 février 2023

Pou moral

 

La célébrité est bien la forme la plus méprisable de déchéance, et ceux qui la recherchent mériteraient d'être condamnés, comme l'arien Théonas de Marmarique, à manger des choux-fleurs à la merde. Toute personne qui promeut son Moi, de quelque façon que ce soit, est un pou moral. Cela inclut les faiseurs d'aphorismes. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Début des ennuis

 

L'ineffable homme des cavernes parcourait paisiblement les forêts humides avec son épouse, s'arrêtant ci et là pour savourer une tranche de mammouth ou une salade de nénuphar, jusqu'au jour où il se demanda : « C'est ça, la vie ? Ou bien y a-t-il... autre chose ? » — Et les ennuis commencèrent. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 19 février 2023

Pêche miraculeuse

 

Où le monstre bipède a-t-il pu pêcher tant de suffisance, si ce n'est dans la mer phosphorescente d'un Moi proprioceptif ? 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Apologie de la potée

 

Quoi de mieux qu'une potée pour nous soutenir dans notre difficile traversée du désert de Gobi de l'existence ? Un morceau de lard, des saucisses, quelques pommes de terre, du chou, quel quatuor ! Et les carottes, les poireaux, les navets, quelle fondation ! Plus encore que les Pensées de Pascal, une délicieuse potée nous ouvre à l'allégresse ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Toulet vs. Celan

 

Pour tenter de rassembler les fragments épars de son Moi, on peut écrire quelques vers de poésie fantaisiste. On peut aussi s'adonner à l'homicide de soi-même. Pourquoi faire l'un plutôt que l'autre ? C'est une question de tempérament. Le résultat est le même. Et puis... tout n'est-il pas louable, en un sens ?  
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 18 février 2023

Jet phrastique

 

Ulysse est prisonnier sur l'île d'Ogygie où règne Calypso. Il passe ses journées sur le rivage à pleurer en regardant la mer et « toute la douceur de sa vie coule avec ses larmes ». — Comment ne pas être ému au suprême par ce jet phrastique d'Homère ? 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Une atroce villégiature

 

Séjourner dans la « réalité empirique » n'est guère plus enthousiasmant que de contempler le derrière grumeleux d'un canidé. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Portrait du négateur en brise-glace mésomorphe

 

Grâce au professeur Munteanu qui fréquentait assidûment le couple, on apprend que Simone Boué trouvait Émile Cioran « aussi attachant et polisson qu'un renard de Magellan ». Mais ce qu'elle appréciait par-dessus tout, c'était sa coriacité, et elle le décrivit un jour à Mircea Eliade comme « un intrépide petit cargo affrontant la mer de glace du Rien » (Eliade, qui n'avait rien compris, se contenta de répondre : « Da, da, sigur »). 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 17 février 2023

Nous, les nihiliques

 

Dans le terrain vague, ténébreux de notre Moi, ne poussent nulles fleurs indigènes. Seuls prospèrent mousses et lichens, qui couvrent les petits cailloux de nos sentiers nocturnes et nous dénoncent comme les assassins scrogneugneu du genre humain. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Extase nihilique

 

On se livre à l'action élémentaire de beurrer une biscotte, et soudain, les amarres du réel sont rompues, brutalement s'ouvrent les portes d'un appentis cérébral gigoteux, le beurrier devient un pot de stupeur ontologique ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 16 février 2023

Âcre potentat

 

On a beau jouer les esprits forts, il est pénible de se dire que la mort signifie l'annihilation complète. Il faut pourtant s'y résigner. Le Rien est un âcre potentat ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Cacophobie

 

S'il faut en croire le dictionnaire, le mot cacophobie désigne « la peur irrationnelle, excessive et injustifiée de la laideur », une peur qui peut concerner des personnes, des objets ou des concepts (par exemple celui d'Ereignis qui, chez Heidegger, signifie le déploiement originel de l'être, la donation originaire de la présence, qui est à la fois la vérité de l'être et la vérité du temps). On prend connaissance de ce terme, on referme le dictionnaire, on boit une gorgée d'un affreux pichtegorne et l'on soupire : « Dure, oh, bien dure est la vie du cacophobe !  »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 15 février 2023

Pensée calcifiée

 

À force d'élaguer, de décanter, de quintessencier sa pensée, on obtient quelque chose qui ressemble à un os de seiche. Un os qui resplendit non dans la cage d'un serin mais dans le silence rutilant du vide. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 14 février 2023

Gambades nihiliques

 

Dès qu'on l'orientait sur le Rien, la conversation d'Émile Cioran gambadait « tel un veau marin apprivoisé » (au dire du professeur Basile Munteanu). 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Prosit

 

Chamfort conseillait à celui qui va dans le monde d'avaler un crapaud tous les matins, afin de n'être plus dégoûté par rien. Le problème est que ces petits batraciens ne courent pas les rues. Faute de crapaud, le nihilique a trouvé une solution de rechange : il boit chaque matin un jéroboam de « Grand Tout ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Monologue du Grandiloque

 

« Qu'est-ce que Simone nous apporte ? Une vue plus exacte de nous-mêmes ? Ah non, ça c'est la défaite... Oh, mais c'est une délicieuse tarte aux poireaux, ma parole ! »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Lire Cioran

 

Pour augmenter son « capital santé », la solution n'est pas de faire du sport ni de manger des légumes mais de lire chaque jour du Grandiloque. On baigne dans « l'irréparable », on se laisse doucement irradier par le Rien... On voit enfin « la vie en beau » ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 13 février 2023

An experiment with time

 

Être un Quasimodo... Par sa seule apparence, faire peur aux petits enfants... On s'était souvent demandé ce que cela faisait. Maintenant qu'on est un « vieux jeton », on le sait. La vie, il n'y a pas à dire... Il suffit d'attendre et on fait toutes les expériences possibles et imaginables. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Questions et réponses

 

À la question : « Qui songe à moi dans la nuit noire ? », on fera en sorte de pouvoir répondre : « Personne ». Et à celle plus embarrassante : « Qui suis-je ? », on répondra : « Un monolithe hurluberlu bercé par de grands vents sans mémoire ». — Si l'on est d'humeur lyrique, c'est-à-dire. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Les « petits chevaux » du désastre

 

Un jour, Georges Bataille jouait aux « petits chevaux » avec Maurice Blanchot. Mais comme ils appartenaient à la même école littéraire — celle de la « vacuité prétentieuse » — et qu'ils étaient dans la vie comme ils sont dans leurs livres — vides et prétentieux, donc —, ils furent incapables de se comprendre et de régler les différends que ne manque pas de faire naître une partie de « petits chevaux ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 12 février 2023

Exutoires

 

Le philosophe Jean-Paul Sartre n'avait pas le droit de faire des miettes, et quand il oubliait de mettre les patins, ça bardait pour son matricule. Dans son intérieur, il était presque aussi brimé que le « Grandiloque des Carpates ». Les Simone, « comme même »... c'est quelque chose ! Heureusement, il y avait l'existentialisme (pour l'un) et la négation universelle (pour l'autre). Sinon... 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Bric-à-brac

 

Dans le ciel des idées platoniciennes, il y a le modèle de tous les objets possibles et imaginables, jusqu'aux plus loufoques. C'est une vraie caverne d'Ali Baba. Il paraît qu'on y trouve même le prototype des fameux « biberons Robert ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 11 février 2023

Méditation merleau-pontienne

 

Possédons-nous un corps ou sommes-nous notre corps ? C'est sans doute la deuxième réponse qui est la bonne, mais si c'est comme ça, autant se pendre tout de suite. D'un autre côté, si l'être humain est avant tout une âme, c'est aussi un coup à se pendre. Se pendre, toujours se pendre, ce n'est pas une vie... 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Art de la fugue vs. tarte aux poireaux

 

Quand il s'agit de Bach, le Grandiloque paraît oublier sa posture de « négateur universel », il s'enflamme et ne tarit pas d'éloges. Bach ceci, Bach cela... Il fait même de Bach une preuve de l'existence de Dieu. Mais Bach, quand on y songe, ce n'est qu'un assemblage de sons. Alors qu'une tarte aux poireaux... Préparée avec amour par Simone Boué... Ça, c'est du concret. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dissémination du pachynihil

 

Si l'idée du Rien était pourvue d'une capsule de déhiscence — septicide, transversale, valvulaire, n'importe —, peut-être inonderait-elle le monde de ses propagules ? Avec bienveillance ?  
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 10 février 2023

Publicité mensongère

 

Jéricho ne sert pas toujours illico. Parfois, il faut attendre un peu. Ainsi, le Livre de Josué nous apprend que durant six jours, les Israélites firent le tour de la ville en sonnant de la trompette et du buccin. Ce n'est que le septième jour que les murs s'effondrèrent. Jéricho fut ensuite rasée, sa population massacrée et le lieu maudit. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Correspondances

 

Si Baudelaire dit vrai, si vraiment les parfums, les couleurs et les sons se répondent, alors nous sommes fichtrement mal barrés. Heureusement, tout semble démontrer le contraire. Par exemple l'existence du vocable zingibéracé (dont le son ne répond pas à la couleur rose-orangé du gingembre). 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)