Quand
on y réfléchit, les neuf dixièmes des malheurs de l'homme viennent de
ce qu'il est vivant. Ça l'enivre et il fait connerie sur connerie. Une
fois mort, il n'est pas sorti d'affaire, car il doit encore se coltiner
les asticots ; mais ça, comparé au reste...
Ce
besoin, chez l'homme, de « créer » (des concepts ou autre chose)... Déjà
l'ineffable homme des cavernes... Avec ses bouts de silex et ses « peintures rupestres »... Après, il ne faut pas s'étonner de la mauvaise
tournure qu'a prise la « réalité empirique ». Il y avait déjà assez
d'horreurs comme ça dans le « réel », pourtant. Ne serait-ce que les
insectes...
Si
l'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches (comme le
définissait Louis-Ferdinand Céline), que dire alors de l'homicide de
soi-même ! C'est l'infini infundibuliforme mis à la portée des... des...
des concierges, mettons. Ou des garagistes de La Bouboule. Oui, c'est
ça : des garagistes de La Bourboule.
La
différence majeure entre l'homme et l'animal, c'est que contrairement à
l'animal, l'homme se demande ce qu'il fait là. On pourrait ajouter
qu'il ne mange pas de croquettes « Canaillou » (sauf dérogation).
Le « négateur universel » Émile Cioran ne prenait rien au sérieux. « Tous nos
maux sont couleur de poilade », disait-il à son ami Henri Michaux. Mais
ce dernier, qui souffrait de rhumatismes dès qu'il y avait un changement
de temps, trouvait ce genre de déclaration d'un goût douteux. (Anecdote
rapportée par Gabriel Marcel dans ses Entretiens avec Paul Ricœur)
« Le
merveilleux, je le répète, est partout, de tous les temps, de tous les
instants. On peut même le trouver dans une... tête de chien couché !
Mais oui ! » (Benjamin Péret, Anthologie des mythes, légendes et contes
populaires d'Amérique)
Le
vocable tyromancie désigne la divination par le fromage (gruère,
picodon fermier, chabichou, et cætera). C'est un genre de discipline
occulte pratiqué par des « tyromants ».
Le
passé d'un homme est en général difficile à deviner, mais son avenir
nullement. Il est inscrit sur son front d'ancêtre préhistorique. À
quelques variations de détail près — et sauf cas d'homicide de
soi-même ou de chute mortelle dans un escalier —, il est radiologique,
échographique, chirurgical, médicamenteux et moussu.
Comme
Virginia Woolf, il faudrait avoir le bon goût d'être mort. Mais
aura-t-on le courage, comme l'écrivain anglais, de se plonger tout
entier et tout nu dans une cuve pleine d'oignons et de jaborandis ?
Dès
1934, Charles de Gaulle, qui n'était alors que colonel, avait reconnu
l'importance de René Char comme poëte, mais quand il tenta d'en
convaincre les vieilles badernes, Gamelin, Pétain, Weygand, etc., elles
firent la sourde oreille. Elles préféraient José-Maria de Heredia
(« Comme un vol de gerfauts, etc. »)
Plus
ça va, plus on a l'impression d'être le seul non-fou dans cet asile de
fous qu'est devenu l'Occident — un Occident féru de « réchauffement
climatique », de « genre » et de « développement durable ». Ces fous, nous
passerons sous silence leur nombre, car il correspond à une évidente
exagération hindoue. (Mais après tout, pourquoi ne pas le dire : ils
seraient quatre-vingt-quatre mille.)
« Tourbe
inquiète et savante, fière des progrès de sa raison, l'humanité fait
jore qu'elle est ultra raffinée, mais en fait elle pue des pieds — et
parfois de la gueule. » (Alphonse Rabbe, Album d'un pessimiste)
Vous
allez clamecer, vous allez devoir faire vos adieux « au monde, à la mer,
aux forêts » (pour parler comme Rosemonde Gérard), il va falloir « être
très courageux » (pour parler comme votre médecin) et TOUT LE MONDE S'EN
FOUT !!! Ça ne les concerne pas, les salops ! Tu parles d'une humanité !
Humanité de merde, oui ! Salops ! Pots de pisse ! Scélérats ! Euh...
Le
réel, la vie, l'autrui du philosophe Levinas... Toutes ces
absurdités... Mais qu'est-ce qu'on peut faire ? Pas grand chose. Alors
on rêve de vengeance, on tire des plans sur la comète, on vit dans ses
phantasmes. « Dès qu'il aura le dos tourné, le dépecer, le Grand Tout ! »
S'il
veut échapper à l'emprise tentaculaire de l'État, l'étant existant n'a
d'autre choix que de vivre en autarcie et de se nourrir de betteraves
qu'il a lui-même cultivées. Notons par parenthèse que, comme l'homme, le
jus de betterave se prête idéalement à la défécation.
La
matière excrémentitielle est l'alpha et l'oméga de la vie humaine. Tout
en procède et tout y ramène. Par quelque bout qu'on le prenne, l'homme
est un être foncièrement fécal. D'ailleurs, il cocotte « grave » — ce
qu'on peut constater, par exemple, en prenant les « transports en
commun ».
Dire
à une femme que « rien n'est » peut l'émoustiller jusqu'à un certain
point, mais lui proposer un petit tour dans une jonque l'enivrera au
centuple. Qui pourrait résister à une telle promesse d'excursion ? À la
perspective de partager une assiette de pilchards au milieu de nulle
part ?
L'introspection
nihilique a ceci de remarquable qu'elle subsume les symbioses et les
osmoses. C'est ce qui la rend supérieure aux philosophies de l'Un, du
vrai, du bien, de la liberté, de la durée et de l'existence (coupée de
l'essence).
Il
n'est pas rare qu'arrivé à un certain point de son existence, le Dasein
fasse un douloureux retour sur soi-même et se dise : « Alors quoi ?
C'est ainsi que l'on doit vivre ? Dans ce mélange acrobatique de vide
crasse et de trop-plein nectarifère ? Ce n'est pas possible, comme même ! » (il ne sait pas qu'on dit « quand même »). Heureusement, Heidegger et
d'autres amis de la sagesse sont là qui lui répondent : « Si, si,
tuouaouar, c'est possible. »