C'est
après s'être cogné la tête contre un volet métallique que Jorge Luis
Borges entreprit d'écrire des contes fantastiques. Plus bizarre encore,
il se mit à tourner autour de soi-même telle une toupie démoniaque, au
grand désespoir de Virginia Ocampo, de sa sœur Silvina et du peintre Xul
Solar. D'après son ami Bioy Casares, « une balafre rancunière lui
sillonnait le cassis ».
Sadegh
Hedayat n'a pas fait que se suicider et chercher à se suicider, il a
aussi écrit plusieurs livres dont La Chouette aveugle qui raconte les
hallucinations d'un opiomane poursuivi par des images d'une vie
antérieure. S'il n'avait fait que se suicider, on ne parlerait plus de
lui. Idem pour le peintre Van Gogh, sauvé — si l'on peut dire — par
ses « tournesols » et ses « cyprès ».
« Oh,
bien sûr, ce n'est pas la Seine. Ce n'est pas non plus le bois de
Vincennes. Mais c'est bien joli tout de même, hein — le Rien. Pas
vrai, les pots de pisse ? Allez, aux fines herbes ! Arrivée d'air chaud ! »
Felice : Je sais pas, moi... Tu pourrais peut-être faire un roman teinté d'une
atmosphère cauchemardesque, où la bureaucratie aurait une prise de ouf
sur l'individu ? Qu'est-ce t'en penses ?
Malgré
ses dehors bourrus et son côté cynique, l'écrivain Charles Bukowski
était terriblement naïf : il croyait à la « poésie » ! Et plus
généralement au fait de « s'exprimer » ! Il « tapait à la machine » !
Les
gens... Chacun d'entre eux possède un Moi, à ce qu'il paraît. Et le
moins qu'on puisse dire est que ça ne les rend pas particulièrement
sympathiques. Ils ne le réalisent peut-être pas, mais leur Moi fait
d'eux de « sacrés pots de pisse ».
Une
règle d'or est de ne jamais méditer sur les risques de malentendus
entre les êtres quand on traîne sur une plage du Pays basque. C'est un
coup à perdre foi en le langage et à faire une crise de « traczir ».
La
mort (le fait d'être mort), ça ne ressemble ni à la Louisiane ni à
l'Italie ; il n'y a pas de linge étendu sur la terrasse, mais c'est joli
quand même. On a fini de souffrir.
Détruire
le monde n'a rien d'original. Cela a déjà été fait maintes fois, mais « au sens figuré » ; par des « artistes ». Autant dire que le vulgum pecus
n'a pas vu la différence. Le nihilique, lui, c'est au sens littéral
qu'il veut « faire sauter tout le fourbi ». Il va commencer avec le
vocable strapontin, et si ça ne marche pas, il utilisera de la bonne
vieille dynamite du papa Nobel.
Un
être humain n'est « bon » que quand il est mort (tel l'Indien du général
Sheridan). Et encore, il y en a qui trouvent le moyen d'être pénibles
même après leur mort — par exemple le philosophe Gilles Deleuze avec
ses « rhizomes » et ses « plis ».
Un
soir, alors qu'il était un peu pompette, Arthur Rimbaud a assis la
beauté sur ses genoux, mais — terrible déception pour le poëte —
elle n'a pas voulu « faire risette à papa négro ».
La
vie du nihilique, on ne dirait pas exactement le Sud, car il y fait
trop froid, mais le temps y dure longtemps, ça c'est sûr — vu qu'il ne
s'y passe rien.
Il
arrive certes au nihilique de se rendre coupable de « propos haineux » à
l'endroit du monstre bipède, mais sa misanthropie est surtout de la
pétoche. Il pourrait reprendre à son compte la phrase de Strindberg : « Je ne hais pas les hommes, je les crains. »
Le
poëte Rimbaud dit que la vraie vie est ailleurs, mais il ne précise pas
où. Peut-être dans Montcuq (Lot), où résidait le chanteur Nino Ferrer ?
Mais ce dernier a fini par se suicider, alors ça ne doit pas être ça.
Guidé
par Virgile, le Dante arrive à la neuvième bolge du huitième cercle, où
sont envoyés les garagistes de La Bourboule. « Un sang pauvre coulait et
rayait leur visage, et tout mêlé de pleurs tombait, hideux breuvage, à
leurs pieds recueilli par des vers dégoûtants. »
Dans
la vie du nihilique, il n'y a pas eu de « période ermanesse ». Il n'a
jamais ressenti le besoin de lire cet auteur. Les « loups des steppes »,
il se les colle au prose.
Tragique
destinée que celle du Mômo ! Un jardinier l'a trouvé un matin, assis
sur son lit, un soulier à la main. Mort ! Comme avant lui Leopardi, René
Panhard, Georg Cantor et tant d'autres... La mort, la mort, toujours la
mort !...
En
analyse vectorielle, la matrice jacobienne est la matrice des dérivées
partielles du premier ordre d'une fonction vectorielle en un point
donné. Ô mathématiques sévères ! Et toi, Léon Dessertine, mandataire en
viandes et ancien de l'Assistance ! Malgré les coups violents que
l'existence nous a portés sur le cassis, nous ne vous avons pas oubliés.
Quand
on force le nihilique à apprendre par cœur des poëmes de René-Guy
Cadou, son sang ne fait qu'un tour. Il bout, il fuse, il traite le poëte
de « pot de pisse » et l'informe qu'il peut se la carrer dans le fiak, sa
rouge pomme à couteau.
Tout
ce qu'a bâti l'homme est effroyable. Un exemple entre mille : les
écrits du poëte hippie Richard Brautigan sont effroyables (de bêtise).
On aimerait trouver des exceptions à cette règle, mais autant chercher
la pierre philosophale dans Montcuq-en-Quercy-Blanc.
Artaud
le Mômo dit plus ou moins que tous ceux qui ont créé quelque chose, que
ce soit des poëmes, des sonates, des tableaux de peinture ou des
théorèmes, ne l'ont fait que pour échapper à l'enfer. Et c'est sans
doute vrai, sauf pour les poëtes barbus : eux font « jore ».
Que
nous reste-t-il quand nous cessons, par fatigue ou manque
d'inspiration, de conchier l'existence ? La routine. Des gestes de
routine. Des pensées en forme de crêpes. Pas plus que l'écrivain Charles
Bukowski, nous ne pouvons supporter cette danse macabre.
Chestov
a eu tort d'argumenter. Il aurait dû se contenter de traiter les Kant,
Hegel, Husserl et consorts d'empapaoutés. On ne discute pas avec ces
gens-là. Car quoi qu'on dise, ils ont la « raison » pour eux, les salops.