samedi 22 mars 2025

Des concepts au poil

 

Les concepts de volonté et de représentation, quand on est schopenhauerien, on les applique d'abord au monde, à la mer, aux forêts, puis une fois qu'on a pris le tour de main, aux roses que l'hiver prépare en secret. À condition de le faire très soigneusement, ça marche au poil.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Verve conceptuelle

 

Quand il était en verve conceptuelle, Kant écrivait des critiques (de la raison pure, de la raison pratique, de la faculté de juger) à rendre Edmond jaloux.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un critique très volatil


Pour le critique Georges Poulet, le moyen par excellence de cerner un auteur était d'étudier sa perception de la durée. Molière, Proust, Flaubert, Montaigne, Stendhal, tous furent les victimes de son zèle de maniaque. Poulet a écrit une tétralogie intitulée Études sur le temps humain. Coïncidence ? Le tétras est un gros gallinacé vivant dans les forêts de conifères.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Reconnaître les lithographes

 

S'il y a des avocats en robe discutant sur les marches du Palais de justice, c'est du Daumier. S'il y a des clowns, des acrobates et des dompteurs, c'est du Gavarni ; Marcel Campion, du tir à la carabine, de la barbe à papa, c'est du Forain.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 21 mars 2025

Adjurations daliniennes

 

René, Crevel ! Et toi, Pierre ! Reverdis ! Allez, quoi, un petit effort, merde, les gars !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Ton Taine

 

Chaque historien a son propre registre, sa propre musicalité. Comme il y a un ton Michelet, il y a un ton Taine. Il est amusant de noter que ce dernier était au départ un air pour cor de chasse, sur lequel Marion du Mersan, le père du célèbre numismate, écrivit en 1770 quelques vers qui eurent un grand succès. François Mitterrand, féru d'histoire comme on sait, aimait beaucoup le « ton Taine ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tout le monde laid

 

Marguerite Duras trouvait Soupault laid, Cassou laid, tout le monde laid. Elle n'aimait personne. Vous pouviez lui dire que Cassou, quand même, était un poëte de l'essentiel (c'est-à-dire de l'immédiat et du spontané), et que quant à Soupault, ses romans étaient de grandes proses lyriques où évoluent des êtres transparents dans une atmosphère étrange, elle rétorquait qu'elle s'en « battait l'œil ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Exécration d'Anaïs Nin

 

La femme de lettres américaine Anaïs Nin était une exaltée qui se complaisait dans le salace et n'aimait rien tant que se donner en spectacle. Elle fréquentait quasi exclusivement des pots de pisse, parmi lesquels le suprêmement crispant Henry Miller. Pour toutes ces raisons et compte tenu de ces faits saillants, son Journal ne nous intéresse pas.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 20 mars 2025

On se pince

 

Entendre la de Beauvoir parler de la beauté, en plus pour affirmer que celle-ci se raconte encore moins que le bonheur... Non mais qu'est-ce qu'elle en sait, cette mijaurée ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sinapisation du réel

 

Dans À vau-l'eau, Folantin sinapise. Il recouvre sa viande de moutarde pour la rendre à peu près comestible. Et c'est aussi ce que nous faisons avec la réalité empirique. Il faut bien trouver un moyen de l'avaler, astheûre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Illumination gnostique

 

Soudain, la révélation : l'endroit où l'on se trouve, c'est le Plérôme. Les autres ne sont pas des pots de pisse, on les a calomniés, ce sont des éons. Certains procèdent de l'intellect et de la vérité, d'autres du logos et de la vie. Mais d'où qu'ils viennent, ces éons ont tous en commun de puer du fiacre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Attention à la gaffe

 

Il est moins aisé qu'on ne le croit de ne rien dire d'intelligent. Il faut se surveiller caïman en permanence. Un seul moment d'inattention et... c'est le drame.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 19 mars 2025

Barrage au Moi

 

Pour contrecarrer les menées occultes du Moi, il faut faire comme disait Cioran : n'exercer aucun métier ; rester allongé et gémir. Le Moi n'aime pas ça, il perd tous ses moyens. C'est un vrai céoène.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Coquillettes non, macaronis oui

 

L'auteur d'Antigone et du Voyageur sans bagage n'aimait pas les coquillettes. Par contre, les macaronis, il aurait fait des kilomètres pour en manger. Il y a des gens comme ça ; des gens à macaronis. Ne faut-il pas de tout pour faire un monde ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Armoire volante de l'être

 

Quand on est ontologue et qu'on traque le « mystère de l'être », on se sent tel le percepteur Alfred Puc lancé à la poursuite de l'armoire renfermant le corps de sa tante Lobligeois, que des déménageurs sans scrupules ont laissé là comme s'il s'agissait d'une vulgaire poupée du plasticien Bellmer.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pénible concrétude de l'autrui lévinassien


L'existence de l'autrui lévinassien est aussi inconcevable que difficile à nier. Ses gros genoux ne se laissent pas abstraire. Et ils prennent toute la place !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 18 mars 2025

Un personnage signifiant

 

Dans Crime et châtiment, le rôle de Semion Zakharovitch Marmeladov est de faire comprendre au lecteur que Raskolnikov est « dans la compote ». Le juge Porphyre est sur sa trace et ne le lâchera pas.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pape des escargots (et du taupicide)

 

Attaché au terroir bourguignon, nostalgique d'une manière de vivre antérieure aux chemins de fer et à l'automobile, fanatique d'escargots et d'homicide de soi-même, on est comme qui dirait un Henri Vincenot de la désagrégation du Moi.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Moins cinq


Après Gaston Doumergue et Paul Doumer, on attendait un « quelque chose Dou » mais ce fut Albert Lebrun. La série infernale était stoppée. On l'avait échappé belle. Car après... il n'y avait plus rien !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Canard létal

 

L'écrivain vénézuélien José Antonio Ramos Sucre se suicide en 1930 à Genève, où il occupe la fonction de consul, en se dissolvant dans une tasse de rhum Carupano. Il laisse trois recueils de poëmes ainsi qu'une centaine d'aphorismes aussi désespérés que lui et ce n'est pas peu dire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 17 mars 2025

De l'inconvénient d'être nez

 

Dans la nouvelle de Gogol, le nez de l'assesseur de collège Kovaliov est arrêté par la police au moment où il s'apprête à passer la frontière. Reste à le remettre en place, mais cela se révèle impossible malgré l'assistance d'un éminent médecin. Le nez est jeté au cachot où il meurt bientôt de chagrin. S'il avait pu se défendre... expliquer son cas... mais un nez !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Coulage latéral

 

Une consolation à la vieillesse est que les choses qu'on a perdues, on n'y croyait plus de toute façon. Il y a belle lurette qu'on n'est plus charmé par le « gracieux babil » des personnes du sexe. Quant à leur beauté, on ne le sait que trop, c'est un leurre — car elle coule par les côtés.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mystère

 

Comment se fait-il que tous les individus qui se piquent de culture soient d'insupportables idiots ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Plaisirs minuscules

 

Plus les années passent, plus nous devons nous contenter de plaisirs minuscules à la Delerm. N'est-ce pas ironique, si l'on considère l'aversion que nous avons pour cet auteur ? Le temps serait-il de mèche avec lui ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 16 mars 2025

Reverdissement qui ne vient pas

 

Nous ne savons pas pourquoi, c'est peut-être que nous ne sommes pas né à Narbonne et n'avons pas fréquenté Guillaume Apollinaire ni Max Jacob, mais le passage du temps ne nous est pas propice. Au lieu de reverdir comme fit le poëte des Sources du vent, nous nous enfonçons dans une déchéance physique et morale !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Zibun

 

Luc Pulflop dit que personne ne veut être Soupault, et c'est exact mais il y a pis : personne ne veut être soi-même. Dans les deux cas — être Soupault ou être soi-même — cela signifie trop de déconvenues, d'humiliations et de souffrances inutiles. S'il faut être quelque chose, soyons le pronom japonais zibun — parce que ça au moins... c'est sans danger. Ou une pierre dure, mais alors rotacée.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Trop tard ?

 

Les jours où l'ambition nous ronge, nous aimerions, comme Ribemont-Dessaignes, composer du théâtre et de la musique qui anticipent les développements ultérieurs des thèmes de l'absurde et du recours à l'aléatoire. Mais en est-on capable ? Et n'est-il pas... trop tard ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Soupault : laid ou ?

 

La beauté est une notion éminemment subjective. Prenez Philippe Soupault. Certaines femmes le trouvaient laid quand d'autres le disaient « chou ». En fait, il n'était ni l'un ni l'autre. C'était juste un gars ; un gars comme un autre ; un surréaliste.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 15 mars 2025

Exécration de Gertrude Stein

 

Nous autres humains sensibles au Bien et au Beau, comment pourrions-nous sacquer Gertrude Stein ? Tout chez elle nous irrite. Nous lui en voulons d'avoir contribué à la diffusion du cubisme, de s'être acoquinée avec la fille Bétoclasse — ce nom ! — et d'avoir dit « génération perdue » pour parler des pauvres Hemingway et Scott Fitzgerald qui n'en demandaient pas tant. Pas, Dédé ?
— Ouais. Et la coupe ? T'as vu la coupe ? Mon vieux, elle paye ! La coupe de tifs !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)