mercredi 30 avril 2025

Un nom difficile à porter

 

C'est toujours avec un sentiment de répulsion que le monstre bipède signe « monstre bipède » au bas d'une lettre ou d'un formulaire. Il aurait préféré s'appeler Roudnev ou Bougaïev. Parce que « monstre bipède »... à tous les coups, on va le prendre pour un boulanger allemand !

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Quand chacun d'eux fait bêê

 

La vie est d'un ennui qui suffirait à terrasser un hippopotame, mais en plus — il faut le voir pour le croire —, on y trouve des moutons en pagaille. On se croirait dans Nans le berger.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Style orné


Le poëte beatnik Gregory Corso était assez fleuri — son style tout au moins, qui abondait en hyperboles, en chiasmes, en synecdoques...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Proverbe pictural italien

 

À tout prendre, il vaut mieux manger des linguine à la crème avec le Parmesan que se faire berner par le Bernin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 29 avril 2025

Déjà ça

 

Vos nuits peuvent être aussi laides qu'il est possible, elles seront toujours plus belles qu'un tableau de Bram van Velde ou de Georgia O'Keefe.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De l'inconvénient d'être niais

 

Pour le gars qui est niais, ce n'est pas drôle : il se fait manipuler, dépouiller par le moindre escroc, et au final se retrouve en slip — ou à poil de Nicosie s'il est chypriote. On peut rêver mieux, comme destin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Quid du Mantègne

 

Le Corrège, dit-on, fut le disciple du Mantègne. Mais le Mantègne ? De qui fut-il le disciple ? Tout de même pas de Paul Ucello ? Non, c'est peu plausible, Paul Ucello était un fanatique de la perspective, tandis que le Mantègne... Peut-être du Pontormo, alors ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Crack-up


Une projection de gravillons métaphysiques, le passage sur un nid-de-poule existentiel : deux circonstances qui peuvent provoquer une « fêlure à la Scott Fitzgerald ». Et là, pas de doute, on est dans de beaux draps : injecter de la résine ne sert à rien, et on est trop abattu pour écrire Tendre est la nuit. Il faut se rendre dans un « centre agréé » et faire remplacer tout le bousin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 28 avril 2025

On ne dirait pas le Sud

 

Se traîner jour après jour en ne trouvant de sens à rien ; éprouver la camusienne sensation de vivre isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort ; c'est là une expérience amère qui ne ressemble ni à la Louisiane, ni à l'Italie. Il n'y a pas de linge étendu sur la terrasse et ce n'est pas joli.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Formalisme outré du contrefait

 

Ésope, Scarron, le maréchal de Luxembourg... les bossus sont souvent tatillons ; ils exigent que toute chose soit faite « en bonne et difforme ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Économie de moyens

 

Cent pages sont nécessaires à Julien Gracq pour nous décrire son amour de Stendhal, alors que nous, un seul mot nous suffit pour exprimer l'antipathie qu'il nous inspire : xéranthème xénotropique (deux mots en fait).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Défauts et qualités du Pérugin

 

Le drapé du Pérugin laisse à désirer, ses manteaux et ses tuniques sont trop courts, et quant à son style, il a toujours un peu de sécheresse et de crudité. Heureusement qu'il compense ces défauts par la grâce de ses têtes et l'amabilité de son coloris, parce que sinon...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 27 avril 2025

Enfants du laboureur et homicide de soi-même

 

« Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût », conseille le laboureur à ses enfants. Et ces derniers creusent, fouillent et bêchent, comme de parfaits crétins. On lit cette grinçante fable, et le peu de foi qu'on avait en l'être humain s'évapore. On a envie de faire comme le poëte Jean-Pierre Schlunegger : sauter d'un pont et se fracasser sur les rochers de la rivière Veveyse. « La rouille du rasoir, dentelle du suicide, se défait dans la brume errante du matin », avait d'ailleurs écrit le barde de façon prémonitoire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Origines d'Amitys

 

« La princesse Amitys n'était pas chaldéenne.
— Mède, alors ?
— Oui, mède, c'est le plus vraisemblable. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Fissures du Moi

 

Vincent van Gogh, Jules Pascin, Nicolas de Staël, Mark Rothko, tous étaient peintres et tous se sont suicidés. Peut-être que s'ils avaient suivi l'exemple du Parmesan, et fait de leur Moi une sorte de meule — qu'un maître calibreur aurait alors pu frapper avec un marteau spécial pour détecter les fissures et les vides indésirables —, ça les aurait sauvés ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Paradoxe du Pérugin


D'après Vasari, le Pérugin ne voulut jamais croire à l'immortalité de l'âme. Il n'avait pas de religion et n'était mû que par l'appât du gain. Pourtant, comme le dit fort justement le professeur Gombrich, « certains chefs-d'œuvre du Pérugin nous font entrevoir un univers d'une sérénité et d'une harmonie supraterrestres ». La morale de cette histoire est que les peintres... il faut se méfier. Ce sont des margoulins. Ils vous font croire des choses auxquelles ils ne « croivent » pas eux-mêmes.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 26 avril 2025

Théorème de la corde universelle

 

Le 5 juillet 1932, dans un hôtel de Thonon-les-Bains, le mathématicien René Baire, profondément affecté par le caractère « non de Baire » de la réalité empirique, arrive à la conclusion qu'il vaut mieux être mort que de voir ça. Il se pend en appliquant le théorème de la corde universelle, que son confrère Paul Lévy démontrera seulement deux ans plus tard mais dont il a déjà l'intuition.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Montée obligatoire

 

La mort s'arrête dans toutes les stations — et qu'on le veuille ou non, il faut monter. Comme le train de l'alexandrin, elle « est omnibus pour Massy-Palaiseau ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Théorème de Cayley-Hamilton

 

« Annule ! Annule ton polynôme caractéristique ! Comme le ferait n'importe quel endomorphisme d'un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif quelconque ! » — disait la voix qui résonnait dans la tête du mathématicien René Baire avant qu'il ne commette son geste fatal.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De la rareté d'être de Baire

 

Un espace topologique est dit de Baire si le seul ouvert maigre de cet espace est le vide. Et c'est la même chose pour le monstre bipède, mais pour trouver un humain qui soit « de Baire », il faut se lever de bonne heure (tant ils sont tous cons).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 25 avril 2025

Not sayin'

 

« Après avoir été l'élève du Rosso, Domenico Fiorentino fut l'aide du Primatice et le collaborateur de Germain Pilon.
You don't say. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Cafouillage noaillien

 

Ingénieur et cofondateur des automobiles Panhard, René Panhard meurt le 16 juillet 1908 à La Bourboule où il était en cure thermale. « Sombre amant de la mort, pauvre Panhard ! », s'exclame la poétesse Anna de Noailles quand elle apprend la triste nouvelle — confondant apparemment le fabricant d'automobiles avec le poëte Alfred de Musset.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Principe de précaution

 

Le moyen le plus sûr de ne pas se retrouver à poil de Nicosie (ou de Limassol) est de ne pas se rendre sur l'île de Chypre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un oubli incompréhensible

 

Balzac a écrit un nombre effarant de mots, mais pas celui zingibéracé (qui est pourtant l'adjectif évoquant le mieux tout ce qu'il y a de gingembre dans l'humaine comédie).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 24 avril 2025

La connaissance douloureuse

 

On ne connaît vraiment une chose que quand elle vous a détruit aux trois quarts. Avant, on croyait la connaître. Mais maintenant... ouille ouille ouille !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Jacques n'a pas dit de raconter

 

L'expérience intérieure de Charles Juliet ne nous intéresse pas. La nôtre nous accable déjà suffisamment. Et la sienne, pourquoi la raconte-t-il, d'ailleurs ? Il ne peut pas la garder pour lui ? Lui aurait-on dit Jacadi, par hasard ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Eudémonisme négatif

 

À partir d'un certain degré d'épuisement vital, le bonheur — c'est malheureux à dire — ne consiste plus qu'en le fait de découvrir une position dans laquelle on ne souffre pas.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un auteur polyvalent

 

On se demande comment le solipsiste a fait pour écrire des œuvres aussi diverses que La Divine comédie, Macbeth et Le Voyage de monsieur Perrichon. Quel clavier ! Quelle gamme ! Quelle tessiture ! Chez ce solipsiste !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 23 avril 2025

Tempus fugit

 

Pour empêcher le temps de fuir à toute vitesse, un truc qui marche bien est de lui dérober sa tête de delco.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un forcené du graffito


Le poëte communiste Éluard écrivait le mot liberté presque partout : sur ses cahiers d'écolier, sur son pupitre, sur les arbres, sur le sable, sur la neige, il l'aurait même écrit sur son fiacre s'il avait pu. Et le plus fort est qu'il ne s'est jamais fait prendre, le scélérat !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Dire l'indicible

 

Ce qu'on ne peut dire, il faut soit le taire, soit l'exprimer par des grognements.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une formidable idée de tableau


Le Primatice un jour dit au Rosso, non pas qu'il avait bien sujet d'accuser la nature, mais qu'il devrait faire le portrait d'un jeune homme tenant une lettre. Le Rosso trouva l'idée « aux pommes » et se mit aussitôt à l'ouvrage.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 22 avril 2025

Terrain glissant

 

Quelqu'un qui prétend connaître quelque chose est soit un imbécile, soit un imposteur. Pourtant, il nous semble connaître ce fait que le Riccio était le gendre du Sodoma. Devrions-nous nous en inquiéter ? Allons-nous devoir être très courageux ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une amitié prédestinée


Plusieurs siècles les séparent, mais nul doute que si Germain Pilon et Georges Poulet avaient pu se rencontrer, ils seraient devenus « comme cul et chemise ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Refus catégorique du Parmesan

 

Comme son maître le Corrège, le Parmesan était d'un naturel bonhomme, mais sa complaisance avait des limites : il refusait absolument d'être mélangé à des soupes ou à des risottos. Il disait que cela, à coup sûr, anéantirait ses efforts pour rompre avec les codes classiques de l'harmonie.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Croquemi

 

Michelet disait de Taine que ses ouvrages faisaient peur aux enfants ; qu'il était « un véritable croquemi ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 21 avril 2025

Biffement de Magritte

 

Matisse correspondait avec Bonnard, mais pas avec Magritte. Il avait biffé ce dernier de son répertoire pour cause de « surréalisme godichon ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Recherche infructueuse des fermés fréquents

 

« Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ?
— Pas grand chose. J'ai cherché les fermés fréquents.
— Et tu les as trouvés ?
— J'ai fouillé partout, mais tu me croiras si tu veux, zéro. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

In illo tempore

 

Déchirante, cette confession du mathématicien belge La Vallée Poussin : « Nous avions vingt ans. Le plus bel âge de la vie pour pratiquer la géométrie riemannienne. Armés de diverses généralisations de l'opérateur laplacien, nous dérivions des tenseurs et des sections de fibrés vectoriels. T'en souviens-tu, ma mie ? »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bonheur suprême

 

Quand on lui demandait ce qu'est le bonheur suprême ici-bas, Li Po répondait que c'est d'écouter la chanson d'une petite fille qui s'éloigne après vous avoir demandé son chemin. Pour le négateur Émile Cioran, en revanche, le bonheur suprême consistait à gémir et à dire du mal de tout. Autant de têtes, autant d'avis.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 20 avril 2025

Non-raccordement de Loti

 

Reynaldo Hahn aimait chaque parcelle de Pierre Loti, trouvait qu'il était dans l'ensemble bien orienté, son seul regret était qu'il ne fût pas raccordé au tout-à-l'égout.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Maul

 

La poétesse Anna de Noailles pratiquait le rugby au PUC (Paris Université Club). Quand elle portait le ballon et qu'elle était saisie par un adversaire, Maurice Barrès et Pierre Loti se liaient à elle, et à eux trois, ils « formaient le maul ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bagage poétique de Marcel B.

 

Étrange ! Tous les poèmes ou presque que Marcel B. a lus sont de Marcel Béalu !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Habituation impossible

 

La définition que propose Dostoïevski de l'homme (un être qui s'habitue à tout) ne vaut pas pour le poëte Francis Giauque. Malgré cures de sommeil, électrochocs et consommation de « beuh », ce dernier ne put jamais se faire à l'opprobre d'exister. Pour mettre un terme à cette avanie, il s'immergea dans le lac de Neuchâtel.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 19 avril 2025

Indigence philosophique de la « reine de la Néva »

 

Dans son Poëme sans héros, la poétesse Akhmatova pose la question : « La conscience a-t-elle un sens ? Existe-t-elle ? » On voit qu'elle n'a pas lu Husserl, car si elle l'avait fait, elle saurait que la conscience non seulement existe mais est un flux continu et perpétuellement changeant. C'est son caractère continu qui permet à ce flux d'être « conscience de », c'est-à-dire de se représenter des contenus stables qui ne s'épuisent pas dans l'immédiateté d'une impression singulière. Ce n'est pas le tout de faire de l'acméisme, hein, il faudrait peut-être voir à lire Husserl !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Poésie russe et dilatation du Moi

 

Lire de la poésie russe procure une sensation de dilatation du Moi, on a l'impression d'être gonflé à Blok (ou à Mandelstam, c'est selon).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Retour verlainien de l'oncle Cristobal

 

Il a poussé la porte étroite qui chancelle... Il s'est promené dans le petit jardin... Il a revu l'humble tonnelle, les chaises de rotin... Et là — arrivé au niveau des chaises de rotin —, soudain un cri : « Tonton Cristobal est revenu ! »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gran Chaco

 

Le Gran Chaco est une région géographique de l'Amérique du Sud qui s'étend en partie sur les territoires de l'Argentine, de la Bolivie, du Brésil et du Paraguay, entre les rivières Paraguay et Paraná à l'est, et l'Altiplano andin à l'ouest. Elle tire son nom de sa faune, composée principalement de chacaux (avec aussi quelques tapirs, des guanacos, des tamanoirs et une couple de perroquets).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 18 avril 2025

Enfin

 

Sayez, l'écrivain Caillois nous a fait montrer sa collection de minéraux. C'est pas trop tôt !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Solitude

 

Le mot du poëte Achille Chavée, « la solitude est un plat qui se mange seul », est astucieux mais d'une véracité discutable. Car ce plat, on peut aussi le manger — et comment ! — en compagnie d'une « grosse dondon ». Et même d'une dondon en général (pas forcément grosse).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)