dimanche 14 novembre 2021

Engloutissement final du nihilique

 

Maintenant qu'une bourrelle a mis en pièces ses dernières illusions, l'homme du nihil peut s'écrier, après Leopardi : « Je suis mûr pour la mort ». Dédaignant le recours au taupicide, il se laisse peu à peu submerger par le pachynihil « et le naufrage lui est doux dans cette mer ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 13 novembre 2021

Aux chiottes les voyages

 

Fatigué des simagrées de la nature et de celles, encore plus fastidieuses, du « monstre bipède », l'homme du nihil décida d'abord de ne plus quitter sa maison, puis sa chambre, puis son lit, et finalement... son cercueil. Mais oui !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 12 novembre 2021

Trace mnémonique

 

L'homme a beau se goinfrer de « réalité empirique » et se proclamer le champion de l'être, sa lointaine patrie, le Rien, a laissé en lui une impalpable mais impérissable nostalgie, « semblable à la trace mnémonique de ces poèmes dont on a oublié les mots et qui se perpétuent dans notre cœur à l'état de pure résonance ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 10 novembre 2021

Circonstance aggravante

 

Penser que la bourrelle qui vous en fait baver des ronds de chapeau sera dans peu d'années une charogne au sens propre (elle l'est déjà au figuré), enfermée dans une boîte, six pieds sous terre, les chairs rongées par les nécrophores, cela rend le calvaire qu'elle vous inflige encore plus vexant. On préférerait souffrir par quelque cause moins... dérisoire.
— Comme quoi ?
— Je ne sais pas, moi... Un panaris ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 9 novembre 2021

Simulacres

 

Les efforts que fait le monstre bipède pour se procurer un semblant d'immortalité sont, quand on y pense, assez comiques. Il écrit des livres, il peint des tableaux de peinture, il construit des édifices, il compose des sonates... Mais tout ça ne vaut pas un clou et inspirerait plutôt la pitié. Des livres ! — Aux doubles-vécés, les livres ! Aux doubles-vécés, les tableaux de peinture, les édifices et les sonates ! Et surtout : aux doubles-vécés, l'immortalité ! Notre véritable patrie, le Rien, nous appelle. Alors « redressons-nous et rectifions notre tenue avant de pénétrer dans cette froide et solennelle enceinte ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 8 novembre 2021

Mouche molle (du savoir ?)

 

Une mouche aux mains d'un enfant espiègle : voici ce qu'est l'homme du nihil pour certaine « mégère difforme au faciès d'hippopotame » ; elle le tue pour s'amuser.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 7 novembre 2021

Aliénation

 

Ce qui doit être formidable, quand on est un « monstre bipède », c'est d'avoir le sentiment d'être « comme tout le monde », d'appartenir à une « communauté » (celle des « monstres bipèdes »). Tandis que l'homme du nihil, lui, est seul — et c'est dur, oh, c'est bien dur !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 6 novembre 2021

I buried Martin Heidegger

 

À la fin de la chanson Strawberry Fields Forever des Beatles, certains ont cru entendre John Lennon murmurer « Le Dasein est constitué par une réceptivité ontologique, c'est-à-dire une assignation au sens dans toutes les modalités de sa structure ». Mais Lennon a toujours affirmé qu'il marmonnait en réalité « cranberry sauce ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 5 novembre 2021

Pente naturelle

 

Le nihilique est incapable de choix et il agit toujours cédant à la tentation la plus forte, qui est ordinairement celle d'avaler du taupicide — même si parfois il se pend ou se jette dans un puits busé.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 4 novembre 2021

Abomination de la désolation

 

S'il y a quelque chose de plus méprisable que le « monstre bipède », et de plus abject, c'est la « monstresse bipède ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 3 novembre 2021

Fêlure

 

Plus radical que Stirner — qui ne vitupérait que les croyances —, l'homme du nihil pense que toute opération de l'esprit — et au premier chef, toute « création de concept » — est une « fêlure à la Scott Fitzgerald », quand elle n'est pas une hypocrisie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 2 novembre 2021

Dangereuse nostalgie

 

« Tu as l'air tout chose, mon vieux Mimile.
— Ah, Dédé ! Je pensais à la douceur des soirs à Saint-Clément, quand les souffles légers portent l'odeur des foins et le parfum miellé des clématites...
— Je ne te savais pas sujet à la nostalgie, mon vieux Mimile.
— Tu sais, Dédé, j'ai beau vouer à la réalité empirique une haine féroce, parfois, quand je ne suis pas sur mes gardes, elle joue de ses charmes et m'amadoue.
— Mamadou ?
— Je ne devrais pas discuter avec des abrutis. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 1 novembre 2021

Et avant ?

 

Peu avant de « dévisser son billard », et alors qu'il était encore « gonflé à bloc », l'éminent généticien Axel Kahn se risqua à affirmer qu'« après la mort, il n'y a rien ». Mais quant à ce qu'il y a avant, il ne dit mot. Par peur de choquer ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 31 octobre 2021

Noms

 

En ce qui concerne les patronymes d'assassins ou présumés tels, on pensait avoir atteint le comble du drolatique avec Henri Désiré Landru et Louis-Auguste Papavoine. Mais dans ce domaine comme en bien d'autres, l'humanité ne cesse de progresser. Hubert Caouissin ! Cédric Jubillar ! N'y a-t-il donc aucune limite au poilant ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 30 octobre 2021

Facteur de risque

 

« La vie, dit Meaulnes soudain, est une comorbidité. Les personnes de dix-huit à quarante-neuf ans qui en souffrent pourront donc désormais prendre rendez-vous en centre de vaccination selon les modalités habituelles déjà en vigueur pour les personnes âgées de plus de cinquante ans. Cet élargissement de la cible vaccinale s'inscrit dans la continuité de la stratégie mise en œuvre depuis le début de la campagne, consistant à prendre en compte dans la priorisation des publics éligibles les facteurs de risque individuels, au-delà du critère d'âge qui reste prépondérant dans le développement de formes graves de la maladie. Sur déclaration de leur comorbidité, les personnes concernées pourront ingurgiter du taupicide, sans nécessité d'une prescription médicale. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 29 octobre 2021

Un sacré pastis

 

Drôle de chose que la vie ! Le vent violent du « flux temporel universel » bergsonien couche les lavatères, la « nécessité logique » hégélienne écrase le sujet pensant comme ferait une énorme valise en cuir de vache, et la mort vient achever le travail. Rien ne dure, tout est abîmé...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 28 octobre 2021

Discrétion suprême

 

En ingérant du taupicide, le suicidé philosophique porte à son plus haut degré cet « art du sage de passer inaperçu dans la foule » dont parle Sénèque.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 27 octobre 2021

Chauve qui peut

 

« Alopécie ! Morne antichambre de la mort ! Les hommes, malgré l'excellence de leurs méthodes, ne sont pas encore parvenus à mesurer la profondeur vertigineuse de tes abîmes. Nonobstant que tu m'affliges, je te salue, alopécie ! » (En revenant de chez le fratrès)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 26 octobre 2021

Crotte à Bergson

 

Selon le psychologue américain John Tussord, « l'homicide de soi-même est le moyen par excellence d'échapper au flux et au reflux des états de conscience bergsoniens ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 25 octobre 2021

Un pou

 

On ne s'exprime jamais que par faiblesse ou pour « faire le malin » c'est-à-dire pour promouvoir son « odieux Moi ». C'est avec raison qu'Ænésidème voit dans l'écriture « l'activité humaine la plus répugnante » et qu'il appelle l'écrivain « un pou ». — Roman, poésie, essai philosophique : plus encore que l'ordure, — au rebut ! Aux doubles-vécés !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 24 octobre 2021

Cuistrerie

 

En employant des mots à suffixe tels que mortifère et criminogène, le monstre bipède veut faire étalage de sa sophistication, mais il ne fait en vérité qu'afficher sa bêtise crasse — qui est d'ailleurs une partie intégrante de sa monstruosité bipède.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 23 octobre 2021

Oxygène de la possibilité

 

S'il n'y avait que les animaux, les végétaux et les minéraux — autrement dit la « réalité empirique » —, la terre serait tout à fait inhabitable. Heureusement, il y a aussi le vocable reginglette.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 22 octobre 2021

Feu

 

« Mon vieux Mimile, Lao Tseu dit qu'il ne faut dépendre de rien ni de personne. Que c'est une condition nécessaire pour que le Moi puisse "exulter dans sa solitude circulaire".
— Mais enfin, Dédé ! C'est impossible ! On est toujours dépendant de quelque chose.
— Pas du tout. Il suffit d'être, comme on dit, "décédé".
— Tu veux dire décidé ?
— Non. Décédé. Mort. Défunt. Feu.
— Ah. Feu. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 21 octobre 2021

Un semi-échec

 

La mort est la plus excellente des farces. Mais en général, celui qu'elle aurait dû désopiler ne rit pas ou presque pas — du fait qu'il est, comme on dit, « décédé ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 20 octobre 2021

Morphosyntaxe et homicide de soi-même

 

Selon Gragerfis, on peut, en ingérant du taupicide ou en se pendant avec une ficelle attachée à un crochet fixé dans le mur ou au plafond, établir de façon convaincante que les règles qui régissent la morphosyntaxe spécifique du verbe être au sens d'« exister » ne représentent qu'une application particulière des règles générales qui gouvernent la morphosyntaxe de ce même verbe au sens de « se trouver ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 19 octobre 2021

Par qui ?

 

Dans sa Théorie du trop-plein, l'existentialiste puydômois Edmond Chassagnol définit la vie « une aventure malplaisante destinée à donner à l'homme la nostalgie du non-être ». Mais une aventure infligée par qui ? Quel démiurge pervers peut-il bien s'amuser de la sorte ? Voilà ce qu'il faudrait savoir et que Chassagnol ne nous dit pas !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 18 octobre 2021

Chaussettes

 

Jeune, on rêve d'une vie héroïco-tragique, imbue d'une poésie sublime, ornée de danses et de chants. Puis l'on s'aperçoit que la vie réelle n'est faite que de détails sordides et de trivialités misérables (par exemple les chaussettes). La déception « fait alors trembler la voix du sens, selon un grondement d'apocalypse qui semble s'éteindre dans la clameur de sa propre fin » (Gragerfis).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 octobre 2021

Preuves vivantes

 

Ce que dit Gabriel Marcel à propos du Christ, on peut également le dire — de façon au moins aussi convaincante — à propos du Rien : il y a des êtres chez lesquels on sent la réalité du pachynihil tellement vivante qu'il n'est pas permis de douter.

(Fernand Delaunay, Glomérules)