vendredi 27 juillet 2018

Spaltung


Otto Weininger, dans Sexe et caractère, cite une lettre de Keats à Richard Woodhouse du 27 octobre 1818 : « Lorsque je suis dans une pièce avec d'autres gens et si je ne suis pas en train de songer aux créations de mon esprit, alors mon propre Moi ne se retrouve pas avec lui-même, mais l'identité de chaque personne présente commence à faire pression sur moi, au point que je suis annihilé en très peu de temps. »

Cette labilité de l'identité n'est-elle pas le signe d'une faiblesse, d'un vide intérieur chez le poëte emblématique du romantisme anglais, par ailleurs grand amateur de vins de Bordeaux, de combats de boxe et de balades champêtres ? C'est la conclusion qui semble s'imposer, mais Gragerfis y voit plutôt « un trait primaire de l'affection hystérique, qui repose sur une faiblesse innée de la capacité de synthèse psychique ». De leur côté, Josef Breuer et Sigmund Freud considèrent que le Moi de Keats était sujet à des états de conscience particuliers qu'ils définissent comme des « états hypnoïdes », proches de l'état de rêve et caractérisés par une difficulté à associer qui provoque un « clivage de conscience » (Sur le mécanisme psychique des phénomènes hystériques, 1893). 

Mais cette notion de conscience hypnoïde reste bien vague... Changeant son fusil d'épaule, Freud va, en 1924, étendre le concept de clivage au champ de la psychose, dans laquelle, à ses yeux, le Moi se laisse emporter par le ça et se détache d'un morceau de la réalité.


Pour l'homme du nihil, se détacher de la réalité empirique est un passe-temps aussi récréatif qu'indispensable, mais quant à se laisser emporter par le ça, il ferait beau voir!

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

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