vendredi 4 janvier 2019

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Harmonie fugitive


L'étrange plénitude qu'apporte à l'homme du nihil l'acte défécatoire lui semble le signe d'un accord avec le monde. Cette rapide impression de connivence avec le Grand Tout abolit pour quelques secondes l'étendue et la durée. Il devine dans les « crottes » le noyau du monde, et dans leurs figures, son chiffre. Une sérénité brève l'en assure, qui n'a rien de commun avec l'éclair et les transports de l'illumination mystique. Il ressent avec une netteté plus vive le réseau de duplications et d'interférences qui, irrigué par l'idée du Rien, est sa façon accoutumée de considérer l'univers.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un renégat


Le suicidé philosophique ne se considère en aucune façon comme un bon héritier des nominalistes britanniques.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Solipsisme


26 janvier. — D'après M. Édouard Brunon, « la réalité empirique est une expansion brune et trémelliforme du Moi, compliquée à la partie supérieure de circonvolutions très irrégulières, imitant assez bien la fraise de veau ; elle est charnue, humide, et tellement peu résistante qu'elle se laisse facilement diviser à la simple pression d'une pointe. La surface inférieure en est plane et très peu chagrinée. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 3 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Boussole


« C'est comme si l'idée du Rien m'avait aidé, comme quelque Petit Poucet, à retrouver mon chemin perdu dans le margouillis de l'existence, à m'affranchir par instants des limites d'un être précaire, membre interchangeable d'une espèce elle-même provisoire. » (Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Impopularité du nihilique


« Un grand nombre de chiens m'ont environné ; une assemblée de personnes remplies de malice m'a assiégé. Ils ont percé mes mains et mes pieds ; et ils ont compté tous mes os. Ils se sont appliqués à me regarder et à me considérer. » (Psaumes, XXI, 17)

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Parapluie législatif


28 janvier. — Au XVI e siècle, en Flandres, le législateur décréta que « quiconque jette, de sa fenêtre ou de son huis, aucunes ordures, souillures, urine, pissat, ou autres semblables sur la voie commune, chemin, ou rue publique, par lesquelles il gâte ou souille le bonnet, chapeau, robe, ou autres pareils habillements des passants, le passant peut en justice exiger, et demander double réparation, et restitution du dommage par lui supporté dudit jeteur, laquelle double restitution lui doit être adjugée. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Art nouveau


Quand tout se passe sans anicroche 1, l'homme du nihil se sent approuvé dans la singulière entreprise qui consiste à chercher dans la rigueur géométrique du suicide une poësie inédite. Il en conçoit une satisfaction fugace et quitte le monde, sinon apaisé, du moins quelque peu rasséréné.

1. Ce fut le cas, par exemple, pour l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Rouleau compresseur


Selon Gragerfis, un rouleau compresseur serait un engin de compactage motorisé, caractérisé par des roues cylindriques lisses ou à relief dit « pied de mouton », servant à tasser le sol. Cette machine — improbable ancêtre du cheval-vélo ? — possèderait en sus un vibreur à balourd interne.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Production de concept


30 janvier. — « Gaber (de Turin), emprisonnant un philosophe dans une vessie qu'il exposa à une température de 32°, crut voir du concept suinter à travers la membrane. Brugmann, en cherchant à combattre Gaber, s'efforça de montrer que la matière du concept était analogue, non pas avec l'albumine, mais avec la gélatine. » (Émile Leriche, La production de concept : recherches modernes, Paris, F. Savy, 1872)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mercredi 2 janvier 2019

Interlude

Jeune fille posant devant les œuvres complètes de de Robert Férillet

Remous


Le nihilique, par son refus de procréer et même de produire des concepts, se trouve désaffecté de la fonction originelle dévolue à l'homme. Sa situation peut se comparer à celle d'une particule sans emploi dans un milieu sans matière. Il n'a d'autre solution que de susciter dans cet univers fluide et inconsistant le seul remous capable de s'y répercuter : l'homicide de soi-même.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Poëme en V


Veuglaires, vexillaires, lentisques vésiculeux...

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Colique de miserere


20 octobre. — « Le malade attaqué de la colique de miserere ressent, vers le nombril, une douleur aiguë et lancinante, que le plus léger mouvement rend encore plus déchirante. La constipation est constante, rien ne sort par les selles ; le vomissement seul a lieu, il est continuel. Dans les premiers temps, il n'entraîne que des matières bilieuses, vertes, jaunes, et de toutes couleurs ; il augmente par degrés, et les matières stercorales sortent enfin par la bouche. L'âcreté de ces matières fait passer l'inflammation jusqu'à l'estomac ; la soif devient dévorante, le pouls se concentre, les syncopes s'emparent du malade, la constipation continue, le vomissement ne se ralentit pas ; tout l'intérieur du corps brûle, tandis que l'extérieur est saisi par le froid ; le visage s'altère sensiblement en peu de temps ; le ventre s'aplatit, et semble toucher à l'épine du dos. Enfin, après avoir été déchiré par les douleurs les plus insupportables, le malade expire dans des angoisses violentes, dans l'espace de vingt-quatre, ou quarante-huit heures au plus. » (François Rozier, Cours complet d'agriculture, Paris, 1783)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Un flair de pointer


Comme Gérard de Nerval, l'homme du nihil est convaincu qu'un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres. Aussi extravagant que cela puisse paraître, il décèle sous l'ingrate enveloppe d'un galet de marcassite... l'esprit du pachynihil !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Rechute


De nouveau, c'est l'errance dans le cliquetis des mots, l'enlisement dans l'ocre palustre du vocable reginglette et de ses dérivés.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Une assertion discutable


19 octobre. — D'après le penseur allemand Nicolas de Cues, « la couleur noire de la terre ne prouve pas qu'elle soit vile ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mardi 1 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Communication impossible


Contraint pour des raisons pratiques de « communiquer » avec le monstre bipède, l'homme du nihil se risque, non sans provocation, à une extrapolation scandaleuse : il passe des figures d'un rognon de silice aux fables qui racontent la construction des murailles de Thèbes et la destruction de celles de Jéricho. Dans son esprit, le seul pouvoir de vibrations régulières, à l'occasion insonores, fait charnière. — Hélas ! Comme il était prévisible, le monstre bipède n'y comprend goutte et le prend pour un « fada ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Pouah


Par macération, je dormais sur le fécal.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

De l'homicide de soi-même


14 novembre. — « À l'égard de l'homicide de soi-même, il s'entend seulement de l'homicide volontaire, de volonté déterminée, et de pure délibération, mais non si c'est par folie ou maladie comme si une personne s'est jetée dans la rivière, ou s'est pendue et étranglée, ou s'est précipitée et jetée par une fenêtre, ou s'est poignardée ou tuée avec un couteau, poignard, rasoir, épée ou autre ferrement, ou s'est tuée avec une arme à feu, par un mouvement d'un esprit égaré, par folie ou maladie ; car dans ces cas on ne regarderoit pas cet homicide comme un homicide de soi-même et volontaire, mais comme un pur malheur et cruel accident, et l'homicide ne seroit pas sujet aux peines prononcées par l'Ordonnance, et on ne feroit pas le procès à son cadavre s'il existoit, ni à sa mémoire s'il n'existoit pas : un tel mort auroit fini toutes ses peines temporelles par la mort même, et son cadavre et sa mémoire seroient à couvert de toutes recherches et poursuites de la Justice des hommes. » (Guy du Rousseau de la Combe, Traité des matières criminelles suivant l'ordonnance du mois d'août 1670 et les Édits, Déclarations du Roi, Arrêts et Réglements intervenus jusqu'à présent, Paris, Théodore Le Gras, 1762)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Musée des horreurs


De l'accablante bêtise qui caractérise l'être, on retrouve la marque en chaque corridor de l'immense dédale du Grand Tout, depuis le noyau massif et muet jusqu'aux orifices innombrables de la périphérie poreuse. Mais de celle-ci, ne s'échappe à vrai dire qu'une particule si ténue et d'une durée si brève qu'elle s'apparente au néant : le « monstre bipède » — le fameux « autrui » du philosophe Levinas.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Littérature


Le « conceptus inféré » de se venger du réel.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Gongyles


18 octobre. — Ce qui distingue le suicidé philosophique de tous les autres hommes, c'est que chez lui, les gongyles des conceptacles, soit qu'on les trouve, ce qui est très rare, sous une forme carrée, ou, ce qui est ordinaire, sous l'apparence d'une petite massue allongée, sortent par l'orifice du conceptacle, qui, à une certaine époque de la vie du désespéré, devient béant. — Nous tenons ces informations de M. Duby, de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)