« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
jeudi 3 janvier 2019
Boussole
« C'est comme si l'idée du Rien m'avait aidé, comme quelque Petit Poucet, à retrouver mon chemin perdu dans le margouillis de l'existence, à m'affranchir par instants des limites d'un être précaire, membre interchangeable d'une espèce elle-même provisoire. » (Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Impopularité du nihilique
« Un grand nombre de chiens m'ont environné ; une assemblée de personnes remplies de malice m'a assiégé. Ils ont percé mes mains et mes pieds ; et ils ont compté tous mes os. Ils se sont appliqués à me regarder et à me considérer. » (Psaumes, XXI, 17)
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Parapluie législatif
28 janvier. — Au XVI e siècle, en Flandres, le législateur décréta que « quiconque jette, de sa fenêtre ou de son huis, aucunes ordures, souillures, urine, pissat, ou autres semblables sur la voie commune, chemin, ou rue publique, par lesquelles il gâte ou souille le bonnet, chapeau, robe, ou autres pareils habillements des passants, le passant peut en justice exiger, et demander double réparation, et restitution du dommage par lui supporté dudit jeteur, laquelle double restitution lui doit être adjugée. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Art nouveau
Quand tout se passe sans anicroche 1, l'homme du nihil se sent approuvé dans la singulière entreprise qui consiste à chercher dans la rigueur géométrique du suicide une poësie inédite. Il en conçoit une satisfaction fugace et quitte le monde, sinon apaisé, du moins quelque peu rasséréné.
1. Ce fut le cas, par exemple, pour l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Rouleau compresseur
Selon Gragerfis, un rouleau compresseur serait un engin de compactage motorisé, caractérisé par des roues cylindriques lisses ou à relief dit « pied de mouton », servant à tasser le sol. Cette machine — improbable ancêtre du cheval-vélo ? — possèderait en sus un vibreur à balourd interne.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Production de concept
30 janvier. — « Gaber (de Turin), emprisonnant un philosophe dans une vessie qu'il exposa à une température de 32°, crut voir du concept suinter à travers la membrane. Brugmann, en cherchant à combattre Gaber, s'efforça de montrer que la matière du concept était analogue, non pas avec l'albumine, mais avec la gélatine. » (Émile Leriche, La production de concept : recherches modernes, Paris, F. Savy, 1872)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 2 janvier 2019
Remous
Le nihilique, par son refus de procréer et même de produire des concepts, se trouve désaffecté de la fonction originelle dévolue à l'homme. Sa situation peut se comparer à celle d'une particule sans emploi dans un milieu sans matière. Il n'a d'autre solution que de susciter dans cet univers fluide et inconsistant le seul remous capable de s'y répercuter : l'homicide de soi-même.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un flair de pointer
Comme Gérard de Nerval, l'homme du nihil est convaincu qu'un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres. Aussi extravagant que cela puisse paraître, il décèle sous l'ingrate enveloppe d'un galet de marcassite... l'esprit du pachynihil !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Rechute
De nouveau, c'est l'errance dans le cliquetis des mots, l'enlisement dans l'ocre palustre du vocable reginglette et de ses dérivés.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Une assertion discutable
19 octobre. — D'après le penseur allemand Nicolas de Cues, « la couleur noire de la terre ne prouve pas qu'elle soit vile ».
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mardi 1 janvier 2019
Communication impossible
Contraint pour des raisons pratiques de « communiquer » avec le monstre bipède, l'homme du nihil se risque, non sans provocation, à une extrapolation scandaleuse : il passe des figures d'un rognon de silice aux fables qui racontent la construction des murailles de Thèbes et la destruction de celles de Jéricho. Dans son esprit, le seul pouvoir de vibrations régulières, à l'occasion insonores, fait charnière. — Hélas ! Comme il était prévisible, le monstre bipède n'y comprend goutte et le prend pour un « fada ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Musée des horreurs
De l'accablante bêtise qui caractérise l'être, on retrouve la marque en chaque corridor de l'immense dédale du Grand Tout, depuis le noyau massif et muet jusqu'aux orifices innombrables de la périphérie poreuse. Mais de celle-ci, ne s'échappe à vrai dire qu'une particule si ténue et d'une durée si brève qu'elle s'apparente au néant : le « monstre bipède » — le fameux « autrui » du philosophe Levinas.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Gongyles
18 octobre. — Ce qui distingue le suicidé philosophique de tous les autres hommes, c'est que chez lui, les gongyles des conceptacles, soit qu'on les trouve, ce qui est très rare, sous une forme carrée, ou, ce qui est ordinaire, sous l'apparence d'une petite massue allongée, sortent par l'orifice du conceptacle, qui, à une certaine époque de la vie du désespéré, devient béant. — Nous tenons ces informations de M. Duby, de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
lundi 31 décembre 2018
Ou bien... ou bien
Le Rien résume et comble, pour l'homme du nihil, la capacité d'ouverture et de stimulation qu'il a vainement recherché dans les objets de la « réalité empirique ». Son exploration du pachynihil l'a conduit au pied de l'ultime cloison où il puisse atteindre, celle d'une ligne de partage entre l'impassibilité minérale du mâchefer et les émotions éphémères, les choix sans cesse à reconduire ou à reprendre du « monstre bipède ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Adieux au monde
N'articulant le geste ni le vocable, je procède in petto à la crémation rituelle de ma toge de cénobite mondain.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
21 octobre. — « Une collection de sensations qu'il se risque parfois à appeler existence ». — Voilà qui est bien trouvé.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Illumination
« Au début des années cinquante, alors que je contemplais le corps d'un suicidé que l'on venait de retirer de la Seine, il m'apparut que l'idée du Rien était l'aboutissement d'un tâtonnement millénaire, d'une expérience cosmique, d'une puissance de rupture dont la fission de l'atome venait de procurer un terrible exemple. Par elle, le monde avait sans doute commencé. Elle seule existe sur les étoiles encore sans vie. Je décidai aussitôt d'en faire l'alpha et l'oméga de ma pensée. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Réflexion macabre
Dans les griffes griffues du temps, il y a aussi l'artériole froide du suicidé.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
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