lundi 3 décembre 2018

Tournis du mouton


23 décembre. — M. Davaine, dans son Traité des entozoaires et des maladies vermineuses de l'homme et des animaux domestiques parle en ces termes du tournis du mouton : « À mesure que la maladie fait des progrès, le tournoiement devient plus fréquent et de plus longue durée, jusqu'à ce que la paralysie des membres vienne y mettre un terme. De temps en temps l'animal éprouve des attaques convulsives pendant lesquelles la respiration est très difficile, stertoreuse, et la sensibilité généralement abolie. Enfin la vue se perd totalement, la pupille reste largement dilatée ; la mastication est lente et incomplète ; la marche, la station même deviennent difficiles et impossibles ; l'amaigrissement, qui s'est prononcé dès le début, fait des progrès rapides, et la bête succombe dans le marasme. »

— La lecture de ce passage me plonge moi-même dans un marasme épais.
Et je crains que mon sommeil ne soit visité par des moutons tournoyants, à la mastication lente et incomplète...


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme posant devant les œuvres complètes de Hermann von Trobben

Ornement de la vie


L'idée du Rien se dresse sur les escarpements de la montagne Ling-nan, élégante et belle, bien qu'elle n'ait pas subi l'action du ciseau ou de la doloire. On l'emploie comme ornement et comme remède aux innombrables horreurs de l'existence. C'est une panacée. Elle guérit les ulcères malins, les fistules ; elle chasse les fantômes, les mauvais esprits. Elle éloigne les miasmes. Cette idée est chose merveilleuse.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Phatique


Tout discours parlant d'autre chose que du Rien relève de la fonction phatique du langage.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Yponomeute du fusain


20 décembre. — L'idée me vient qu'à certains égards, la pensée de l'homicide de soi-même est analogue à l'yponomeute du fusain. On trouve d'ailleurs confirmation de cette ressemblance dans le passage que M. Émile Blanchard, de l'Académie des Sciences, consacre à ce coléoptère dans sa Zoologie agricole.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

dimanche 2 décembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Hiérogramme


Le suicidé philosophique, son geste fatal accompli, ressemble à un arthropode pris dans un épaississement minéral qu'il fut impuissant à combattre et qui l'immobilisa définitivement. À l'instar de ces trilobites que l'on trouve dans les carrières de marne, seul subsiste de lui un dessin immuable, figure de la sédition au seuil de l'éternelle nuit.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Calcin


Comme l'idée du Rien, les déchirements du calcin peuvent amener des explosions.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


19 décembre. — Je lis dans le Journal de médecine et de chirurgie qu'un certain docteur Dupuy, appelé auprès d'une malade souffrant d'emphysème du cou, après avoir appliqué huit sangsues sur le point douloureux, fit poser de la glace en permanence sur la partie tuméfiée. « Sous l'influence exclusive de ce topique, un soulagement marqué se produisit en quelques heures. Le soir, le gonflement, de nature simplement emphysémateuse, présentait encore de la dureté, mais à un degré moindre ; la respiration était plus facile et la physionomie plus rassurée. On continua l'emploi de la glace à l'extérieur et celui de l'eau fraîche pour toute boisson. Ce seul traitement amena une résolution complète en moins de deux jours, après lesquels la respiration et la mastication s'opérèrent parfaitement. »

— Que ne donnerais-je pour avoir, moi aussi, une « respiration plus facile » et une « physionomie plus rassurée »... Dois-je donc envisager « l'emploi topique de la glace »?


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier (en feuilleton)

Un fertilisant indispensable


Sans l'engrais du pachynihil, l'opulent univers n'existerait pas : il n'y aurait qu'une boue monotone et craquelée, parsemée de redondantes accumulations de pierres dures rotacées, et foulée par des hardes innombrables de ces mammouths à défenses enroulées dont la pointe inoffensive est, ridiculement, au centre de la spirale qu'elles dessinent.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Le Sar dîne à l'huile


La sardine est un petit poisson du genre alose, semblable au hareng, mais plus petit : la pêche de la sardine constitue l'une des plus grandes ressources des pêcheurs bretons. La sardine atteint jusqu'à 25 centimètres de long ; on la pêche de juin à novembre. On la consomme fraîche ou conservée dans l'huile en boîtes de fer-blanc. Ainsi préparée, c'est un article de commerce très important.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


18 décembre. — Rien. — Pas même le Rien, mais simplement « rien ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

samedi 1 décembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Dépouillement


Ce n'est ni en Oklahoma ni dans le désert de Mauritanie mais plus prosaïquement aux « goguenots » que l'homme approche le plus de la simplicité. Il en atteint à l'occasion le point extrême, celui après quoi il n'est plus guère que le néant.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Aliénation (comme on dit)


Les grands espaces nécrosés du quotidien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Pilchard


30 janvier. — En feuilletant de vieux numéros de la Revue britannique, je tombe par hasard sur un article intitulé La pêche du pilchard à Saint-Yves — il s'agit d'un village des Cornouailles. « Les pilchards, nous dit l'auteur, sont une des divisions du genre clupée, que M. Dumeril rangeait dans la famille des gymnopomes et M. Cuvier dans celle des malacoptérygiens abdominaux. Ils ont la tête déprimée, le corps couvert de grandes écailles minces qui se détachent aisément, l'angle supérieur des ouïes marqué d'une grande tache noire, l'iris gris-argent, la bouche petite et dénuée de dents, la mâchoire inférieure projetée au delà de la mâchoire supérieure, mais moins que le hareng, à qui ils ressemblent à plusieurs égards, bien que celui-ci soit moins rond et que ses écailles, plus petites, réfléchissent autrement la lumière. »

— La tête déprimée... La bouche petite et dénuée de dents... Le ventre et les côtes d'un blanc d'argent... J'ai la désagréable sensation de me reconnaître dans ce portrait au vitriol du clupanodon pilchardus.


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Canaux


Dans la pachyméninge de l'homme du nihil, des canaux de feu étendent un peuple de radicelles que ne guette aucun épuisement prochain. Qu'un geste, un mot, rappelle le caractère insensé de l'existence, et voici leur fontaine bruire et miroiter, déverser l'ardente coulée du Rien dans les rigoles ménagées pour leur incandescence par la finesse réfractaire où elle se faufile et s'étale, pour finalement déboucher dans la mer plate que les savants appellent pensée de l'homicide de soi-même.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Vanité de la lexicographie


L'infinie récursivité du langage fait du lexique un polyèdre scélérat.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Courge-torchon


29 janvier. — Dans le volume 15 du Bulletin agricole du Congo belge et du Ruanda-Urundi, on peut lire que les fruits de la courge-torchon fournissent l'éponge végétale, dont on peut se servir pour laver la vaisselle. Les feuilles de cette plante fibreuse, quant à elles, sont appliquées sur les fortes plaies ; pliées, elles sont utilisées en friction contre les points de côté. Le luffa — qui est le nom scientifique de la courge-torchon — sert aussi à confectionner de jolies vanneries artistiques.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 30 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Le nihilique parle


« Échanger la perpétuité minérale contre le privilège ambigu de frémir, de pourrir, de pulluler ? Ah ça, mais... vous m'avez regardé ? »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Rien n'est ça


Être homme, c'est faire l'expérience de l'inadéquat.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Khlisti


29 janvier. — Grande agitation dans ma pachyméninge, consécutive à la lecture que je viens de faire de l'ouvrage d'un sieur Jean-Marie Dupain, intitulé Étude clinique sur le délire religieux. Il y est question d'une secte russe appelée Khlisti, dont l'une des coutumes est de mutiler pendant la nuit une jeune fille de quinze à seize ans, qui est regardée dès lors comme sacrée : on lui enlève l'un des seins que les assistants mangent pieusement ; puis la jeune victime est mise sur l'autel ; les fidèles dansent en chantant frénétiquement tout autour ; les lumières sont alors éteintes et il se passe, selon l'auteur, « des choses indicibles ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Retour au fétide réel


S'éveiller, c'est un peu comme sortir des cabinets : on quitte avec déchirement un asile douillet où l'on fusionnait — métaphysiquement ! — avec le Rien, pour retomber dans une vie démente et mauve, proliférant sans loi ni limites, produisant à l'envi tumeurs et goitres ; un univers vorace et glissant, pourrissant, couleur de lichens ou de crachats, où l'on a vite fait de s'étaler et de se retrouver la tronche dans le caniveau. — Au demeurant, un opus d'un dessin charmant, rempli de surprises et d'inventions, pour l'amateur désinvolte qui s'en tient aux couleurs, à la composition.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)


Tableau de peinture


Le Christ par trop membru d'un Bramante a les yeux rouges et les cheveux ébouriffés.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


28 janvier. — L'idéalisme allemand, au dire de Gragerfis, prétend démasquer le « véritable concret » en « dissolvant les concepts abstraits ». Voilà qui est tout de même un peu fort de café !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)