Marcel
Bénabou n'est pas un véritable écrivain puisqu'il n'a écrit aucun de
ses livres. Et il l'avoue, le scélérat ! Et il se justifie avec des
arguments à la noix ! Sur deux cents pages !
Quelqu'un
qui vous prend pour Gide, il faut tout de suite lui dire : « Je ne suis
pas Gide, moi ! Je ne converse pas avec Claudel, moi ! Je ne rencontre
pas d'Annunzio, moi ! Je ne veux pas qu'on me martyrise avec des
couteaux empoisonnés, moi ! » — Parce que si vous ne dites rien, c'est
sûr, le quidam va vous « proposer une turpitude ».
Le
nouvelliste uruguayen Horacio Quiroga trouvait qu'un vent froid
soufflait du côté du fleuve, mais il ne savait pas comment le dire pour
que ça « fasse écrivain ». Il n'arrivait pas à trouver mieux que « un vent
froid souffle du côté du fleuve ». Finalement, il avala une pilule de
cyanure et la question fut réglée.
Le
jugement le plus profond sur l'existence, ce n'est ni Kierkegaard ni
Heidegger qui l'a prononcé mais Palivec, le patron de la brasserie Au
Calice : « Autant vaut la merde. »
Si
Ulysse est le plus grand livre de la littérature, alors nous sommes
perdus. Quant à Joyce... le gredin se sera enfui par la fenêtre ! Par
ici, mon vieux Milou !
Les
écrits de Butor n'ont pas la toxicité de l'inocybe de Patouillard, leur
vénénosité rappellerait plutôt celle de l'entolome livide. Comme ce
dernier, ils sont responsables d'un ensemble de symptômes appelé « syndrome résinoïdien sévère » qui associe une gastro-entérite et une
atteinte du foie. On lit La Modification, et aussitôt ça commence :
urine foncée, vomissements persistants, selles sanguinolentes... Le « Nouveau roman », ah, mes amis !
On
a envie de crier qu'il y a maldonne, qu'on n'est pas un « vieux jeton »,
qu'on est un jouvenceau qu'une terrible fatalité a emprisonné dans une
enveloppe de « vieux jeton », mais on ne le fait pas car on connaît trop
l'autrui lévinassien : il ne va jamais nous croire, cet abruti.
On
lit du Robbe-Grillet ou du Nathalie Sarraute, et voilà-t-il pas qu'on
est affecté des mêmes symptômes que si l'on avait mangé un inocybe de
Patouillard : transpiration abondante, vomissements, diarrhée,
salivation... Il faut procéder à une injection d'atropine dans les plus
brefs délais, sinon on va y passer !
« Arriver
à combiner, comme Claude Simon, la créativité du poëte avec une
conscience profonde du temps dans la représentation de la condition
humaine, c'est ça qui serait choucard. Pas, Dédé ?
Comme
elles sont de la plume de Dostoïevski, on peut à bon droit appeler les
Notes d'hiver sur impressions d'été des « notes Dosto » — de même
d'ailleurs que les Notes d'un souterrain. L'écrivain russe a laissé
beaucoup de « notes Dosto ». Mais il faut dire qu'il était épileptique,
aussi.
La
plupart de ceux qui lisent des livres ne le font pas parce qu'ils
aiment ça, mais pour se voir (et se faire voir aux autres) comme des
liseurs de livres. Ils « croivent » que ça les pose là. Ils font « jore ».
Ils ne comprennent rien ou pas grand chose à ce qu'ils lisent mais ce
n'est pas très grave vu qu'il n'y a souvent rien à comprendre (même
quand ce n'est pas écrit par le pénible Joyce ou l'extrapénible
Blanchot).
Il
devrait falloir un permis, pour lire certains auteurs. Cela nous
éviterait d'entendre des pots de pisse ramener Dostoïevski à leur
niveau, le qualifier de poussif et s'autoriser à l'appeler Dosto.
Il
se peut que les gens possèdent des qualités que l'on ignore, mais ce
sont quand même de sacrées canailles. Prenez le poëte Bobin. Il dit que
la vie est un cadeau dont on défait les ficelles chaque matin au réveil,
le salop !
« Dis
donc Edmond, il paraît que t'as dit comme ça que toute conscience est
conscience de quelque chose ? Ce serait pas ce qu'on appelle parler pour
ne rien dire, par hasard ? Le prends pas mal, hein ? Va pas faire une
fausse queue... Joue plutôt la rouge, là, elle est plus facile. Et pas
d'intentionnalité anticipatrice, hein ? Sinon elle risque d'être verte
et bosselée de l'autre côté. T'entends ce que je dis, Edmond ? »
Bouvier ! Chatwin ! Et toi, Leigh Fermor ! Arrêtez de nous faire chier avec vos
voyages ! Est-ce que nous voyageons, nous ? Nous ne voyageons pas !
Nous exécrons le voyage et jusqu'à l'idée même de voyager. Est-ce que
c'est clair, cette fois ?
Le
plus extraordinaire, avec les écrivains, c'est qu'ils arrivent à
trouver des poires qui prennent au sérieux ce qu'ils écrivent. Qui
achètent leurs livres. Qui trouvent ça « sublime ». — Inimaginable !
La
vie, ce n'est pas Phalempin, le personnage interprété par le
fantaisiste Sim dans le film Elle boit pas, elle fume pas, etc. ; ce
serait plutôt Malempis.
Le
nom ? L'étant existant alias le Dasein. La destination ? Le couloir de
la mort. L'ironie de la chose ? Le Dasein est innocent. C'est un manchot
qui a fait le coup. Mais le lieutenant Philippe Gérard ne veut pas le
croire, et Heidegger non plus.
Faire
l'histoire de la connaissance, c'est faire l'histoire de la bêtise. Le « structuralisme » !... La « physique des particules » !... Le « noumène » !... Gombrowicz a raison : plus c'est savant, plus c'est bête. Tous les
efforts du prétentieux monstre bipède se résument à ba, be, bi, bo, bu.
Ce n'est pas de chance, hein ?
Le
pis qu'il puisse arriver à un auteur est d'être adoubé par Blanchot et
Bataille. C'est ce qui est arrivé à Louis-René des Forêts. Après, il
était perdu de réputation. Dans l'esprit du public, il était associé à
ces deux abominables « golmons ».
Vivre,
c'est aller au petit bonheur la chance, au hasard. Un jour on est à Far
Rockaway (dans le quartier de Queens), le lendemain on se retrouve on
ne sait comment à Perrysburg (dans l'ouest de l'État de New York), un
autre jour on est à Colombus (dans l'Ohio). C'est une errance ochsienne.
Le
bourru, on peut lui reprocher beaucoup de choses, mais pas d'avoir été
aimable avec qui que ce soit. Et encore moins d'avoir léché le moindre
fiacre, pas même celui de madame Bovary.
Louis-René
des Forêts se moque de notre confiance envers les mots ! Il dénonce la
vacuité du langage ! Pis que bouffigue, il se fait passer pour un
écrivain discret, peu sûr de lui, ironique, tendre et extrêmement
brillant ! Mais il oublie une chose, ce monsieur-le-malin, c'est qu'on ne l'a pas sonné !!!