mercredi 29 mars 2023

Un vétéran de la panique

 

Dans ses Souvenirs de la maison des morts, l'écrivain russe Dostoïevski dit que la meilleure définition qu'on puisse donner de l'homme est « un être qui s'habitue à tout ». Et effectivement, on s'habitue à tout, même à avoir le traczir. Le nihilique, qui se voit comme un « vétéran de la panique », peut en témoigner. Mais il trouve ça « dur, oh, bien dur ! »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Quiproquo comique

 

Les sentiments peuvent être aisément confondus avec des ustensiles de ménage. C'est sans doute ce qu'entend montrer Kipling quand il fait dire à l'un de ses personnages : « Si l'on ne m'avait pas affirmé que cette chose, là, c'était de l'amour, j'aurais cru que c'était un presse-purée. »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Locke réfuté

 

La philosophie de Locke est fausse, qui affirme que c'est aux sens que nous devons notre connaissance. On sent bien qu'il y a autre chose, en plus des sens. Autre chose, mais quoi ? Peut-être une... tête de chien couché ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 28 mars 2023

Indigence du langage

 

Ce qui disqualifie entièrement le vocable, c'est son inaptitude à exprimer l'agréable tristesse qui gagne le Dasein à la nuit tombante.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Une vraie tête de linotte

 

La mort est infichue de retrouver sa victoire, et c'est pareil pour son aiguillon. C'est bien simple, elle perd tout.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Légende urbaine

 

Le philosophe Frédéric Nietzsche, un jour qu'il était « gonflé à bloc », affirma qu'il ne fallait pas regarder trop longtemps dans l'abîme, sinon l'abîme risquait de vous regarder aussi. Mais expérience faite, il n'en est rien.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Boum

 

La poésie du quelque chose est terne et ennuyeuse. Même quand elle vise au « surréalisme », ses métaphores font pschitt. Au contraire, la poésie du Rien est semblable à un obusier. Sa clameur est explosive !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 27 mars 2023

Méthode expérimentale

 

Y a-t-il de l'être ou non ? Il faudrait en avoir le cœur net. Mais comment faire ? Va-t-il falloir recourir aux grands moyens et... enfermer un philosophe dans une vessie ? Pour voir s'il produit du concept ? — Mais s'il bluffe ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Les beaux draps

 

La vie est-elle un songe, le « rêve d'une ombre », comme le croyait Pindare ? Comment le savoir ? Si on est un papillon rêvant qu'il est Tchouang-tseu, il faudrait trouver ce sacré papillon et l'obliger à cracher le morceau. Si au contraire on est Tchouang-tseu rêvant qu'il est un papillon, alors là... on est dans de beaux draps.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Indices troublants

 

Peut-être bien qu'il y a de l'être, en fin de compte... Sinon, comment expliquer Heidegger ? Et le pape François ? Et... tout, en fait ?!
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Soif d'infini (infundibuliforme)

 

Le nihilique pense à l'infini infundibuliforme comme l'alcoolique pense à un litre de Tigron trois étoiles ou de Gévéor.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 25 mars 2023

Repli stratégique

 

Si le réel persiste dans son attitude de con, il va falloir penser à se réfugier sur quelque cime de philosophie hindoue.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Une bizarrerie du Dasein

 

Aussi paradoxal que cela paraisse, l'étant existant peut montrer une appétence pour le regret. Jorge Luis Borges cite le cas d'un homme qui était possédé d'un tel besoin de nostalgie qu'il s'était persuadé d'avoir connu Macedonio Fernández.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Vétille ouatée

 

Quand on y réfléchit, la mort, ce n'est pas grand chose. On pourrait presque l'appeler une « vétille ouatée ». Elle rafraîchit l'air à l'entour, comme les rayons de la pluie dans une chambre noire. — Enfin... « jore ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Vigilance post-mortem

 

Si l'au-delà est habité, ça promet. Il va falloir ouvrir l'œil et le bon. Parce que le monstre bipède, on le connaît. Il est drôlement ficelle.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 24 mars 2023

Baignade déconseillée

 

Héraclite comparait le temps à un fleuve, c'est-à-dire à quelque chose du genre de l'Ienisseï ou du Brahmapoutre, mais il s'agit plutôt d'un flot de matière excrémentitielle, un flot aux élastiques éclaboussures, dans lequel il n'est pas conseillé de se baigner. Un flot de merde, quoi.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Gypaetus barbatus

 

Quand le temps s'écoule en dégorgements, on est pris d'un terrible traczir, on sent qu'on n'est plus rien, presque rien, peut-être encore une masse de viande, avec la mort qui plane au-dessus comme une sorte de, oui, de gypaète.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Cavurne

 

Bezons, deux heures de l'après-midi. Embouqué dans une posture de détachement psychique et d'isolement, le nihilique se tient à l'angle de deux rues placides, pensant à la tombe de Celan, et par association au mot cavurne — qui désigne, faut-il le rappeler, une petite cuve creusée dans le sol, recouverte d'une dalle de granit ou de béton destinée à garantir son étanchéité et ainsi protéger de l'humidité les cendres du défunt.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Émouvant orpin

 

Sans la porte, sans la cabane, sans l'orpin, il y aurait de quoi désespérer. L'orpin, surtout, nous touche incroyablement. Il met à l'épreuve notre sagesse « nihilique ». On abandonnerait tout pour lui.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 23 mars 2023

L'invention de la mort

 

Dans un de ses poëmes, le dandy irlandais William Butler Yeats dit que l'homme a inventé la mort (« man has created death »). Si l'expression « être un peu fort de café » n'était si galvaudée, ce serait le moment ou jamais de l'employer !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Polyglottisme de Cansinos Assens

 

Le poëte Rafael Cansinos Assens se vantait de pouvoir saluer les étoiles en dix-sept langues classiques et modernes. Et le pis est que c'était vrai ! Chaque fois qu'il en faisait la démonstration devant Edmond Husserl, le phénoménologue en restait « comme deux ronds de frite ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Lettre à un jeune poëte

 

Mettez un tigre dans un labyrinthe, placez-y aussi quelques miroirs et une couple d'épées pour faire bonne mesure, on vous demandera si vous vous prenez pour Borges et vous aurez de la chance si on n'ajoute pas « tête de con ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Lacune théophrastique

 

Dans son ouvrage De lapidibus, Théophraste décrit le cinabre, mais sur la niobite et la proustite, queutchi. Peau de balle. Peau de révérence parler zob. On a vu mieux, comme minéralogiste ! Et c'est la même chose pour tout : on paye, et qu'est-ce qu'on a ? De la merde.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 22 mars 2023

Sublimation par le romsteak

 

Proférer le vocable romsteak, que ce soit au restaurant ou dans le silence de son intérieur frit, est toujours une tâche ingrate — à moins d'en faire un atelier de sublimation.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

La gênance de vieillir

 

S'il faut absolument vieillir, on aimerait du moins que ça se fasse prestement et sans témoins. Mais la plupart du temps, c'est tout l'inverse : ça traîne et tout le monde vous regarde. On dirait que ça les fait bicher, les salops. Mais attendez, attendez seulement un peu...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sous le joug du néant

 

Dieu (s'il existe), en dotant la femme d'une « mijole » et de « biberons Robert », lui a confié un pouvoir exorbitant dont elle s'est empressée d'abuser. Faut-il que l'homme soit stupide, aussi ! Quand on pense à ce qu'est réellement une « mijole », à ce que sont des « biberons Robert » !... — Reste le cas du fondement (de l'historialité du Dasein), mais là, c'est une tout autre histoire...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Le choc de l'agouti

 

On ne croit ni à Dieu ni à diable. On ne croit pas non plus à l'existence des choses de Georges Perec — la fameuse « réalité empirique » des philosophes. On se dit « nihilique ». Les années passent. Un jour, au Jardin des Plantes, on contemple un agouti. Stupeur ! Crainte ! Tremblement ! On est contraint de réviser sa position et de reconnaître en ce rongeur terrestre à la robe brun chiné la main de la divine Providence !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 21 mars 2023

Intériorisation des sanglots longs

 

Il faut s'habituer à la tristesse. Vivre avec — tout en faisant « jore » qu'on est heureux. Pour ça, la première condition est de ne pas ressasser les jours anciens, surtout quand sonne l'heure. Sinon, on risque de se mettre à chialer comme une madeleine.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Gingerbread sadness

 

Sans se prendre pour le poëte Fernando Pessoa — « Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! » —, on sent confusément que la tristesse est comme le pain d'épice, mais on est incapable d'expliquer pourquoi. La spongiosité, peut-être ? La bourrativité ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)