La traversée de l'existence

 

À l'instar du peintre Grandgil, le Dasein heideggérien porte des valises de cochon entre la rue Poliveau et la rue Lepic. Arrivé rue Lepic, il ne sait plus quoi faire et meurt.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Principe du mouvement

 

Allongé sur son canapé en laine, la casquette rabattue le nez, le nihilique pense à un postulat antique sur le mouvement des animaux (énoncé par Aristote, qui dit que le principe du mouvement est l'immobile).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Black Pantha

 

Dans ses Cahiers, le négateur Émile Cioran compare Françoise Verny à une agapanthe Black Pantha. Il dit qu'elle a en commun avec cette plante d'être rhizomateuse et de posséder des inflorescences en ombelles, contrairement à Jean Paulhan.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Minestrone à la Durrell

 

Lawrence Durrell réussissait très bien le minestrone. D'après Henry Miller, son minestrone était « d'une perfection vrombissante, avec un soupçon aromatique de légèreté et de détachement ». Quand il voyait une soupière de minestrone durrellien, Miller s'exclamait : « Foin de procrastination, il faut foncer avec sa cuillère ! »

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Une créature prosaïque

 

La femme, cela n'est que trop connu, est un être banal, dépourvu de poésie, de finesse et d'idéalité. Jamais une personne du sexe ne fera allégeance au Rien. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que, comme l'a noté Weininger, elle n'a pas d'âme. Ce n'est pas difficile à comprendre, « comme même » ! Elle peut faire « jore », elle peut s'afficher lisant du Cioran ou du Jaccard, elle peut même vous réciter de l'Ecclésiaste, elle est et restera un séide du Grand Tout (ce qui l'intéresse, c'est les pépettes).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Maison du Jouir

 

En 1901, le peintre Paul Gauguin construisit à Atuona, dans les îles Marquises, une maison qu'il baptisa Maison du Jouir. Et il y jouit en effet, mais d'un eczéma purulent et des derniers développements d'une syphilis qui devait l'emporter deux ans plus tard. — Une leçon à méditer pour tous les adeptes du jouir et de la « réalité empirique ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Cloporte

 

Le Rouquemoute, joué par Georges Géret, est l'archétype de l'autrui lévinassien : un être dont la veulerie et la lâcheté n'ont d'égale que l'hypocrisie.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Cerisier de l'illusion

 

La Défaite de 40, l'Occupation et la Libération avaient convaincu le « négateur universel » Émile Cioran que l'illusion était un arbre fruitier (plus précisément un cerisier).

 

 (Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Kafkomanie

 

Si Max Brod avait brûlé les manuscrits de Kafka comme celui-ci le lui avait demandé, ç'aurait été embêtant pour tout le monde, mais surtout pour Marthe Robert. Elle avait l'étrange manie, en effet, de tout rapporter à Kafka et à son œuvre. Vous lançait-on une pomme en sa présence, elle disait : « Comme Grégoire Samsa ». Vous enfermait-on dans un labyrinthe bureaucratique, elle disait : « Comme Joseph K. » Et pareil avec Joséphine la cantatrice.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Follicules palingénésiques, by Samuel Slippensohn

 

“Achingly beautiful! Coruscating! Wickedly funny! Slippensohn's Follicules palingénésiques holds the reader's attention in an iron grip. It will appeal to the serious scholar and general reader alike. A stunning debut!”

 

(The Montcuq Review of Books)

Horizon de la vie

 

À vivre dans une chambrette sous les toits, le « négateur universel » Émile Cioran avait fini par se figurer que l'horizon de la vie était un immeuble haussmannien, l'idée un cimeterre et le vocable un pal sécant. Comme il en parlait un jour à Ionesco, ce dernier lui dit : « T'es vraiment con, toi. »

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Strapontin céleste

 

Le nihilique est trop discret pour s'éventrer avec grandiloquence comme Mishima. Les giclées flamboyantes, ce n'est pas son genre. Au sabre de samouraï, il préfère le taupicide, ce « strapontin céleste ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Meilleur des mondes

 

Quand il avait un pet de travers, Leibniz se consolait en se répétant que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Sa femme lui disait qu'il était « sistrophoné », mais il était têtu et rien ne pouvait l'en faire démordre. Ce n'est que quand il attrapa un panaris qu'il mit un peu d'eau dans son vin et admit que la réalité empirique n'était peut-être « pas si géniale que ça en fin de compte ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Follicules palingénésiques, by Samuel Slippensohn

 

“Follicules palingénésiques is a groundbreaking achievement, impeccably researched and brilliantly argued. Samuel Slippensohn's work is accessible but also comprehensive, really turning the topic on its head and taking an unflinching look at the concept of monstre bipède. This is an ambitious and timely piece that absolutely cannot be ignored.”

 

(The Paris Review)

Couleur pure

 

Le peintre Paul Gauguin eût apprécié le nihilique, comme lui adepte de la couleur pure. « Ce qu'il y a de capiteux dans votre bagout, c'est le désir syncrétique de défaire », lui eût-il lancé avec enthousiasme (du moins peut-on le penser).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un damné de la terre

 

L'étant existant n'est pas à la noce. Il vit isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort, et ça lui flanque un drôle de traczir. Au début, il croyait que quelqu'un — un sauveur suprême ? — l'aiderait peut-être à se sortir de cette panade, mais va te faire fiche. Non, décidément, Eugène Pottier avait raison : des sauveurs suprêmes (Dieu, César ou tribun), il n'y en a pas plus que de beurre au prose.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Follicules palingénésiques, by Samuel Slippensohn

 

“A rollicking good time! Samuel Slippensohn is known for his razor-sharp wit, and Follicules palingénésiques is no exception. Hilarious and thought-provoking, this book had me laughing out loud from beginning to end. An absolute delight, compulsively readable. I can't wait to see what Samuel Slippensohn does next.”

 

(The Alaska Quarterly Review)

Grande idée

 

Ramollir la courbure de l'espace-temps — voilà le rêve de tous ceux que la « réalité empirique » exaspère, ce qu'ils appellent « la grande idée ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Paranoïa du Grandiloque

 

Un jour, Cioran lança à Samuel Beckett : « La musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur. » Beckett ne sut quoi lui répondre.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Cioran et l'irréparable

 

Le « négateur universel » Émile Cioran était obsédé par l'irréparable depuis que, dans sa jeunesse, il avait eu un problème de « joint spi ». Il disait souvent à Ionesco que les garagistes roumains, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre. L'auteur de la Cantatrice chauve lui répondait qu'il était payé pour le savoir, ayant eu lui-même un problème de « vis platinées » qui avait été mal diagnostiqué, ce qui fait qu'on lui avait « changé le delco » sans raison valable. Mais Cioran lui rétorquait que l'irréparable ce n'était pas ça, c'était autre chose, c'était le « joint spi » (il en tenait pour le « joint spi »).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Couardise inattendue de Zarathoustra

 

« Je ne veux pas mourir, moi ! Je ne veux pas qu'on me martyrise avec des couteaux empoisonnés, moi ! Je ne veux pas que le Rien me regarde avec ses yeux, moi ! » Ainsi parla Zarathoustra quand le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif, lui annonça qu'il allait « devoir être très courageux ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

No return

 

Quand il vous arrive une catastrophe, vous ne pouvez vous empêcher de penser que, si vous vous étiez levé cinq minutes plus tôt ou plus tard, si vous aviez fait ceci ou cela un peu différemment, vous seriez passé au travers. Mais c'est trop tard. Oui : trop tard. On ne peut pas revenir en arrière. C'est ce que les philosophes appellent « l'irréversibilité du temps ». Une vraie « chierie ». Il y a de quoi être courroucé (et on l'est).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Quantité de matière

 

Dans Le Rouge et le Noir, Mathilde de la Mole est une aristocrate exigeante et gâtée par la vie, gorgée de lectures et d'idées élevées sur l'amour, la séduction, et cætera. Surtout, elle contient exactement autant d'entités élémentaires qu'il y a d'atomes dans douze grammes de carbone. Quand il le découvre, le pauvre Julien Sorel est estomaqué. Le nombre d'Avogadro ! Encore et toujours !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Enseignement du Rien

 

Contrairement aux religions, systèmes philosophiques et autres écoles de « sagesse transcendantale », le Rien ne nous enseigne qu'une seule chose : la vie est une indicible rémoulade (eine unsägliche Remoulade).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Illuminés de Bavière

 

Pour se sentir moins seul et respirer plus à l'aise, on aimerait croiser quelqu'un qui pense, comme soi, que « rien n'est ». Mais ceux qui le pensent n'ont garde de le dire. Ils ne veulent pas passer pour des « illuminés de Bavière ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Histoires de fous

 

Quoi qu'ils en disent, peu de gens sont réellement persuadés que la vie est une histoire de fous. Le nihilique, pour sa part, en est si profondément convaincu qu'il pourrait le jurer à mortel. Il ne va pas jusqu'à dire qu'elle est pleine de bruit et de fureur et racontée par un idiot, mais il n'en pense pas moins. Et puis il ne s'arrête pas là : il pense que l'être surtout, oui l'être, au premier chef, est une histoire de fous. « L'ontologie ! Je t'en foutrai de l'ontologie, moi, tuouaouar ! » C'est ce qu'il dit souvent.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Nostalgie des aléas

 

Affligé d'un cruel panaris, l'étant existant repense avec nostalgie à ses petits aléas d'autrefois (par exemple un vin bouchonné).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Embellissement par l'idée du Rien

 

Les photons ultraviolets émis par l'idée du Rien ionisent la « réalité empirique », ce qui la rend un peu moins lugubre. Mais de là à parler d'un spectacle de toute beauté, il y a un pas qu'on ne saurait franchir sans une bonne dose de mauvaise foi — tant est profond le gouffre qui sépare la mocheté du quelque chose de la magnificence du rien.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Prouesse bipédique

 

Le monstre bipède réussit l'exploit d'être à la fois cacochyme et libidineux.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)